Qui sommes nous?

Le Théâtre du Blog a été créé en 2008 par Edith Rappoport et Philippe du Vignal; depuis onze ans,  7.400 articles ont été publiés sur le théâtre, la danse, les arts de la rue, les performances, le cirque, la magie, les livres, revues et expositions spécialisées, que ce soit en province et en région parisienne mais aussi à l’étranger…

Adresse: philippe.duvignal@gmail.com

L’équipe du Théâtre du Blog:

Rédacteur en chef: Philippe du Vignal a longtemps dirigé l’Ecole du Théâtre National de Chaillot où il enseignait aussi l’histoire du spectacle contemporain. Il a été responsable de la rubrique Théâtre aux Chroniques de l’Art Vivant dirigées par Jean Clair puis à artpress  dont Catherine Millet était la rédactrice en chef. Il a été, entre autres, critique dramatique aux Nuits magnétiques d’Alain Veinstein à France-Culture et au quotidien La Croix. Il a aussi été professeur à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, département scénographie.

Collaborateurs :

Sébastien Bazou, ancien élève de l’Ecole des Beaux-Arts de Dijon, s’est spécialisé dans l’installation multi-médias. Il a cofondé l’association et le magazine Artefake qui publie des articles sur l’histoire de la magie dont il est spécialiste en Europe et aux Etats-Unis.

Jean Couturier est spécialisé dans la critique de danse, et assistant du rédacteur en chef. 

Christine Friedel, critique dramatique, notamment à Réforme où elle a débuté, a aussi été conseillère artistique. Elle a aussi collaboré aux mises en scène du Théâtre du Campagnol, dirigé par Jean-Claude Penchenat et a fait partie du groupe d’experts pour le théâtre à la D.R.A.C.-Île-de-France. Et elle a aussi été la rédactrice de la revue Plaisir(s) éditée par le château de la Roche-Guyon et est l’auteure de La Roche-Guyon le château invisible.

Elisabeth Naud, docteure en esthétique théâtrale,  est enseignante à l’Université Paris VIII.

Béatrice Picon-Vallin, directrice de recherches au C.N.R.S. et auteure d’ouvrages sur le  théâtre russe. Elle dirige les collections : Mettre en scène  à Actes Sud-Papiers, Arts du spectacle aux éditions du C.N.R.S. et Th. XX aux éditions de L’Age d’Homme.

Edith Rappoport, critique de spectacles et spécialiste du théâtre de rue, a été directrice des théâtres de Choisy-le-Roi, puis de Malakoff (Hauts-de-Seine). Elle a aussi été longtemps conseillère pour le théâtre à la D.R.A.C. -Ile-de-France.

Bernard Rémy a fondé la revue Empreintes, écrits sur la danse et a collaboré jusqu’en 2012 à la Cinémathèque française de la danse. Il a écrit de nombreux articles sur Merce Cunningham, Pina Bausch, Hijikata mais aussi sur le mouvement chez Samuel Beckett, Charlie Chaplin et Buster Keaton.

Nicolas Villodre a participé entre autres  à la Coopérative des Cinéastes  et a soutenu en 83 une thèse en arts plastiques consacrée à Christian Schad, Man Ray et Laszlo Moholy-Nagy. Spécialiste de danse contemporaine, il a été jusqu’en 2013 l’assistant du directeur de la Cinémathèque de la Danse et a publié des textes dans La Revue d’esthétique, Pour la Danse, La Cinémathèque Française

Correspondants:


Gérard Conio est professeur émérite de l’Université de Nancy et spécialiste de la civilisation russe et des pays de l’Est.
Nektarios G. Konstantinidis, traducteur et critique de théâtre notamment francophone, à Athènes et en Grèce.
Alvina Ruprecht, professeur émérite du département Théâtre à l’Université d’Ottawa, est une spécialiste du spectacle canadien de langues anglaise et française, mais aussi caraïbéen.

(Tous les documents et archives sont publiés sauf avis contraire des ayants-droit et dans ce cas, seraient aussitôt retirés).

Articles récents

En attendant Godot de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski

En attendant Godot de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski

 

Tout le monde, surtout ceux qui ont vécu « les trente glorieuses», connait la pièce et le théâtre de l’absurde qui n’eut d’absurde que renvoyer son image au monde tel qu’il est… Prenons donc Godot là où  il est : un grand classique du vingtième siècle.
Vladimir et Estragon attendent. Ils ont rendez-vous au pied de l’Arbre (un saule, qui aurait cessé de pleurer ?) avec un certain Godot, qu’ils ne connaissent pas. Estragon, dit affectueusement Gogo, lui, a mal aux pieds. Il a dormi dans un fossé et reçu des coups. Vladimir (Didi) plus à l’aise, le réconforte.

©x

©x

Arrive le tyrannique et brutal Pozzo, tirant par une corde, son malheureux et méchant esclave -on n’a jamais dit (voir Primo Levi que le malheur rend bon). Pozzo donne au passage un coup de pied à un Gogo déjà souffrant et donc, par la suite, rancunier… Il exhibe les pauvres qualités artistiques du bien nommé Lucky, roi de l’antiphrase : la « danse du filet » (pieds pris dedans) et la « pensée » : tirade savante et désarticulée à l’image d’une Intelligence Artificielle déjà détraquée (loin d’être inventée en 1949, même par la science-fiction). Pour ces héros, une réplique récurrente arrive à chaque envie d’aller autre part ou d’entreprendre une action : « On ne peut pas, on attend Godot ». Un enfant vient confirmer : «Monsieur Godot viendra demain ». Donc, on attend. Le deuxième acte s’enchaîne sans interruption avec le premier et suit le même schéma, à quelques importantes différences près.

 Samuel Beckett a clairement indiqué que la pièce devait être jouée dans son intégrité et son intégralité, avec les didascalies exactes. Et (presque) toutes les mises en scène obéissent à cette loi. Pourtant, En attendant Godot sonne différemment à chaque fois : on y voit de nouvelles couleurs et émotions… Comédie métaphysique ? Jacques Osinski fait entendre très simplement la douleur physique, le mal aux pieds de Gogo et la bienveillance fraternelle de Didi. Il y a de l’amour dans l’air et même de la joie. Denis Lavant, fidèle complice du metteur en scène depuis La Faim de Knut Hamsun (1995) . Lui, fagile, écorché, avec sa puissance d’acrobate et Jacques Bonnaffé, posé, presque serein, forment un couple parfait .
Le spectateur se retrouve aussi dans l’autre couple : Pozzo et Lucky. Eux aussi sont : « nous », dans leur violence et leur aveuglement, au-delà du dominant/ dominé. Aurélien Recoing est le tyran à l’allure inquiétante des grands de ce monde et Jean-François Lapalus, la résistance muette du paysan soumis de toute éternité. Une distribution exemplaire.

 On ne voudrait pas faire d’En attendant Godot une pièce exagérément spinoziste, mais enfin, c’est bien de cela qu’il retourne : la joie de l’espoir est contrebalancée par la crainte que la chose espérée n’arrive jamais, et la tristesse, faite de joie attachée à la chose regrettée. On ne nous en voudra pas trop pour cet instant de « pensée », tel que Pozzo en ordonne à Lucky.
Jacques Osinski nous rend un Beckett -sixième rencontre-vivant, et même bon vivant, à travers la grille de l’écriture, et d’une étonnante actualité. On n’a pas oublié, entre autres, Cap au pire où la virtuosité de Denis Lavant s’exerçait, en ce même Théâtre des Halles, sur l’ espace réduit d’une table de bistrot. « Rater mieux », écrivait Beckett. Désolé, Jacques Osinski, vous n’avez pas du tout raté, pour notre joie…

 Christine Friedel

 Jusqu’au 26 juillet, Théâtre des Halles, Avignon. T. : 04 32 72 24 51.

Le 27 juillet, Festival de Figeac (Lot), le 29 juillet, festival Beckett, à Roussillon (Vaucluse).

xDu 25 mars au 3 mai, Théâtre de l’Atelier (Paris), puis , tournée en Rhône-Alpes, etc.

 

 

.

 

 

P { margin-bottom: 0.21cm }


Les Brigands, musique de Jacques Offenbach, mise en scène de Barrie Kosky

Les Brigands, musique de Jacques Offenbach, mise en scène de Barrie Kosky

Créée en 2024, cette création a réveillé quelques grincheux partisans d’une version classique : «J’ai détesté : horrible, vulgaire, dans l’air du temps. » Un commentaire résumant bien les oppositions à ce spectacle. Mais, comme nous, la majorité du public a apprécié cette œuvre festive, jubilatoire et iconoclaste. «Raconte-moi une histoire de voleurs, dit un des personnages. L’autre répond : c’est un banquier qui devient Président ! Et alors ? dit le premier. « C’est tout, répond le second ! ».
Le ton est donné et l’œuvre de Jacques Offenbach s’adapte bien à cet état d’esprit frondeur. Et pour le metteur en scène: « La comédie nous renseigne autant sur la condition humaine que la tragédie. Cela, je pense qu’Offenbach l’a profondément compris.L’opéra-bouffe et l’opérette, en particulier celles d’Offenbach, sont parfois méprisés, accusés d’artificialité… alors que c’est l’un des buts visés. Comme le kabuki ou l’opéra chinois, l’opérette nous offre des vérités profondes. Les Grecs de l’Antiquité le savaient bien et la comédie, voire la farce, était un élément-clé de leur culture… et elles apportaient un contrepoint nécessaire à la tragédie. Nous avons toujours eu besoin de rire de nous-mêmes. »

© Agathe Poupeney-

© Agathe Poupeney-

Cette mise en scène rappelle l’esthétique d’Hairspray, un film musical américain d’Adam Shankman (2007) et un film australien de Stephan Elliott (1994). Autour de l’exceptionnel Marcel Beekman interprétant  Falsacappa, chef des brigands, ici transformé en divine drag-queen et ses partenaires en parfaite adéquation. Dès l’ouverture du rideau, ils arrivent dans des costumes multicolores: travestissement de rigueur pour cette bande de brigands survoltés: à signaler la grande qualité du travail de Victoria Behr qui travaille depuis longtemps avec le metteur en scène, en particulier à l’Opéra-comique de Berlin.
Michele Spotti dirige, avec la fougue de la jeunesse, l’orchestre et les chœurs de l’Opéra national qui n’ont jamais porté de costumes aussi loufoques… comme prêts pour le carnaval de Rio. Les tableaux se succèdent à un rythme rapide, avec des personnages issus d’un tableau de Velasquez. Avec un brigadier-chef (Laurent Naouri)  à la tête de gendarmes  comme ceux que jouait Louis de Funès…

L’humoriste Sandrine Sarroche seule dans un fauteuil au milieu du plateau, joue un caissier et offre quelques amabilités à nos ministres de l’Economie et des Finances successifs. Une création à la joie irrévérencieuse sur plus de trois heures qui rappelle les grandes heures du merveilleux Grand Magic Circus de Jérôme Savary vers 1970 et, plus récemment ces mêmes Brigands mise en scène de Jérôme Deschamps à l’Opéra Bastille…

Jean Couturier

Jusqu’au 12 juillet, Opéra, Palais Garnier, Paris (VIII ème). T. : 08 92 89 90 90.


Festival d’AvignonLe Canard sauvage d’après Henrik Ibsen, adaptation de Maja Zade, mise en scène de Thomas Ostermeier


Festival d’Avignon

Le Canard sauvage, d’après Henrik Ibsen, adaptation de Maja Zade, mise en scène de Thomas Ostermeier

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Gregers, fils héritier potentiel des entreprises Werle renie sa famille et veut lutter contre l’hypocrisie du milieu qui l’a vu naître mais ne voit pas que cette hypocrisie n’est pas le seul fait des classes dominantes. Quand il revient dîner chez son père, Håkon Werle, ce riche industriel, il retrouve Hjalmar Ekdal, un ami d’enfance perdu de vue, devenu photographe…Et il va découvrir des secrets pas jolis-jolis. Son père avait eu un enfant de sa servante Gina puis l’avait « refilée » à Hjalmar qui devint son père officiel mais avait financé son éducation…  D’un autre côté, le père d’Hjalmar avait été mis en prison pour un crime commis par le père de Gregers….Bref, tout va bien dans un monde de mensonges!
Hajmar, photographe minable veut croire qu’il est un grand chercheur, son grand-père se rappelle de ses trophées de chasse et Hedvig a pour compagnon, un canard sauvage qui a été blessé par un chasseur… 
Håkon avouera à son fils qu’Hedvig est sa fille. Gregers quitte alors la maison de son père (sa mère a dû savoir et en est morte de chagrin!). il ira habiter chez son ancien ami Hjalmar Ekdal dont épouse et leur fille se méfient  et qui l’accueillent froidement.
Il d
ira tout ce qu’il sait à la lycéenne et ce n’est donc pas joli-joli… Les personnages sont ici admirablement joués par Marie BurchardMagdalena Lermer et Marcel Kohler et Stefan Stern, tous très concentrés et aussitôt crédibles. Mieux vaut, pense Gregers, mettre les choses à plat et repartir à zéro. Oui, mais ce grand idéaliste vit dans l’illusion mais tout ce qu’il révèle, fera plus de mal que de bien… Et Heinrick Ibsen sait y faire en matière de progression dramatique, même si le suicide d’Edwig est un peu téléphoné…Tsunami familial : Hajlmar quittera vite sa femme et la jeune fille se tuera. Vérité ou mensonge : quelle famille n’a pas un jour, été atteinte par un terrible choix? La Bible a aussi menti : la vie n’est pas un long fleuve tranquille et Relling, le médecin résume cynqiquement la situation : «Si vous retirez le mensonge de la vie de personnes ordinaires, vous leur retirez en même temps le bonheur. »

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Hjalmar reprochera à Gina sa liaison avec Håkon. Une intendante vient annoncer que l’ industriel versera cents couronnes par mois au vieil Ekdal jusqu’à sa mort et ensuite à Hedvig. Hjalmar aimerait que tout redevienne comme avant mais sait-inconsciemment- la chose impossible. Coup de feu : Hedvig vient de se tuer d’un coup de revolver Un père, minable commerçant de photos de famille et d’identité, chercheur d’un projet mythique dont personne n’est dupe. Une épouse cachant soigneusement à leur adolescente que son père n’est pas son père, même si elle a toujours vécu avec lui. Un milieu d’industriels grands bourgeois, avec de sombres affaires de fric… Tout les éléments dans cette situation bancale, sont là pour faire naître la tragédie, avec en arrière-plan, l’ombre du féminisme actuel : Mi-Tout a encore frappé…
La pièce avait été créée par Antoine en France en 94  ( au XIX ème siècle!) et depuis Alain Françon et d’autres metteurs en scène l’ont monté…Thomas Ostermeier avait remarquablement mis en scène autrefois à Avignon
Ennemi du peuple et ensuite Maison de poupée (voir Le Théâtre du Blog). Mais ici, il n’a pas vraiment réussi son coup. D’abord il a éliminé les personnages secondaires-pourtant la Schaubühne a les moyens!- mais désolé, ils apportent à une pièce un climat, une couleur, non négligeables.. Et il a « adapté » la pièce ! Ce qu’on ne pourra le lui reprocher : indiqué dans le titre. Mais dans la version Ostermeier, le début n’est pas d’une grande clarté et mieux vaut connaître la pièce… Et
Le plateau tournant a toujours été un peu la marque de fabrique du grand metteur en scène mais pourquoi à un moment le faire tourner deux fois de suite pour revenir à l’appartement-studio d’
Hjalmar (hyperréaliste) avec un photomaton. Et chez Håkon, le papier peint aux losanges marron est absolument sinistre. Là, on frise le pléonasme…
Même si les acteurs encore une fois sont remarquables, nous n’avons pas bien compris
la direction de Thomas Ostermeier. Ils se parlent souvent à plusieurs mètres et il n’y a pas beaucoup de rythme. La première partie avance lentement sur presque deux heures  et n’a rien de fulgurant. Thomas Ostermeier a voulu faire contemporain avec quelques airs de musique pop ou métal… Mais on est loin de la force dramatique de Maison de poupée qu’il avait si bien mise en scène
Après l’entracte, il y a quand même plus de vie et on voit mieux la pièce d’Ibsen. Mais « moderniser » un texte  ne fonctionne pas à tous les coups et quand un personnage comme Aljar s’adresse au public en demandant qui est venu avec qui… là, on dit stop! à ce racolage inutile, genre animation pour club de vacances. L’ensemble est précis mais reste laborieux, pour ne pas dire: vieux théâtre-et indigne de ce grand metteur en scène. Vous êtes prévenus: ce
Canard sauvage est bien décevant et le spectacle tient grâce aux acteurs. Et les applaudissements furent bien frileux….

Philippe du Vignal 

Du 7 au 16 juillet, Opéra du Grand Avignon.
Du 12 au 21 septembre,  Schaubühne , Berlin.
Les 23 et 24 janvier, Teatro Argentina,  Rome.

 

 


L’Etrangère, adaptation librement inspirée de L’Étrangerd’Albert Camus, texte et mise en scène de Jean-Baptiste Barbuscia

Festival d’Avignon

L’Etrangère, adaptation librement inspirée de L’Étranger d’Albert Camus, texte et mise en scène de Jean-Baptiste Barbuscia

Premier roman publié de l’écrivain en 1942. Puis traduit en soixante-huit langues! et le troisième francophone le plus lu dans le monde, après Le Petit Prince de Saint-Exupéry et Vingt mille Lieues sous les mers de Jules Verne. Comme  le faux alexandrin- par lequel commence Du côté de chez Swann (1913) de  Marcel Proust: « Longtemps je me suis couché de bonne heure », les premières phrases de ce roman sont devenues culte:« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : “Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.” Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.

©x

©x

Le personnage principal: Meursault, la trentaine qui est ici également le narrateur, vit à Alger dans ce département encore français… Il reçoit un télégramme: « mère décédée à l’hospice de Marengo ». Il assistera à la mise en bière et aux obsèques sans jamais pleurer. Le lendemain, Meursault ira à la piscine du port. Il y rencontre Marie qui avait travaillé dans la même entreprise que lui.
Le soir, ils vont voir un film et passent la nuit ensemble. Le lendemain matin, son voisin, Raymond Sintès, un proxénète, demande à Meursault de l’aider à écrire une lettre pour dénigrer sa maîtresse arabe qu’il soupçonne de le tromper ! Il l’a frappée et a peur de représailles de son frère. La police convoquera Raymond et Meursault comme témoin de moralité.
Raymond invitera Marie et Meursault à déjeuner au bord de la mer dans un cabanon appartenant à Masson, un ami…

Marie demande à Meursault s’il veut se marier avec elle  et il acceptera. Meursault, Raymond et Masson se promènent sur la plage et croisent deux Arabes, dont le frère de la maîtresse de Raymond. Bagarre : Raymond blessé au visage d’un coup de couteau, retournera à la plage avec Meursault et rencontre à nouveau ces Arabes. Il emprunte à Raymond son revolver et seul, accablé de chaleur tuera l’un des Arabes qui avait pris un couteau et tirera quatre autres fois sur son corps affaissé.

Il est arrêté et son avocat aura bien du mal avec celui qui n’éprouve aucun regret et, aux Assises, on l’interroge plus sur son attitude aux obsèques de sa mère, que sur ce meurtre. Il dit l’avoir commis à cause du soleil et après un sévère réquisitoire du Procureur, il sera condamné à mort. Quant l’aumônier venu le voir avant l’exécution et lui dire qu’il priera pour lui, il se met alors en colère. On retrouve ici les scènes essentielles du roman et un thème central dans l’œuvre d’Albert Camus : le sentiment de l’absurde dans toute vie humaine et sa fin tragique.
Mais, éternelle question, comment et surtout pourquoi adapter un roman à la scène ? Ici, on pense à La Leçon d’Eugène Ionesco, a dit une spectatrice. Effectivement et  un enseignant va donner un cours sur L’Etranger.  Fabrice Lebert se sort au mieux de ce rôle pas facile et joue aussi les autres personnages masculins avec une grande subtilité. Arrive la jeune Marie, un carton à dessin sous le bras (excellente Marion Bajot) . Ses camarades ne sont pas venus à ce cours et elle va mettre un e à la fin du étranger inscrit au tableau. Effectivement, pas d’autre femme que Marie Cardoni, personnage essentiel de ce roman. 

L’élève et son professeur vont décortiquer ce roman pour essayer d’en faire jaillir la substantifique moelle.
Jean-Baptiste Barbuscia fait preuve d’habileté et il a une bonne maîtrise de l’espace et du temps. Aux meilleurs moments,  on ressent toute l’importance que peut avoir l’influence capitale d’un enseignant sur la construction intélectuelle d’un élève. Ainsi pour nous, au lycée Condorcet en classe de philo puis en Etudes théâtrales à la Sorbonne, le philosophe Olivier Revault d’Allonnes et toujours lui en Etudes Théâtrales: rarisssime!!! Et  Bernard Dort, spécialiste de Bertolt Brecht : « J’ai trop de boulot avc les thèses pour continuer à vous faire cours, nous avait dit Jacques Scherer, professeur, mais je vous ai trouvé quelqu’un de bien. Cet énarque travaille encore à l’Assistance publique mais je suis certain qu’il vous apportera beaucoup… Arrivèrent des cours d’analyse de textes et de mise en scène  d’une rare efficacité et frappés au coin d’une grande intelligence théâtrale. Au passage, merci, Bernard Dort. Il fut, hélas, vite emporté par le sida.

Jean- Baptiste Barbuscia opère ici un très habile tricotage et on entend bien la langue d’Albert Camus et en particulier la belle lettre qu’il avait écrite à son ancien instituteur, après avoir su qu’il allait avoir le Prix Nobel de littérature : « Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez  tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. »

Le metteur en scène aurait pu nous épargner des lieux communs actuels, comme ces arrivées par la salle, une musique sur fond de batterie électronique, des nappes de fumigènes  qui ne servent strictement à rien… Mais ce spectacle, très honnête et sans prétention, remarquablement bien dirigé et bien joué,  a été longuement applaudi et donne envie de lire ou relire L’Etranger qui a a bercé la jeunesse de nombre d’entre nous. Que demande le peuple ?

Philippe du Vignal

Jusqu’au 26 juillet, Théâtre du Balcon, 38  rue Guillaume Puy, Avignon. T. : 04 90 85 00 80.



La seconde Surprise de l’amour de Marivaux, mise en scène d’Alain Françon

La seconde Surprise de l’amour de Marivaux, mise en scène d’Alain Françon

 Heureux les citadins qui n’ont pas fui Paris et sa canicule intermittente, la fraîcheur du vaste théâtre de la Porte Saint-Martin les attend, et surtout celle (on ose dire « immarcessible » : l’inaltérable chez Marivaux. De quoi s’agit-il ? D’amour. Du mot amour, de le prononcer. Mais quand ? Après beaucoup d’angoisses, interrogations, revirements qui font le charme de ce théâtre. « Quand on aime, encore faut-il le dire », selon la Comtesse du Legs du même écrivain qui est assez difficile pour tisser toute la chaîne, la trame et les même les broderies d’une comédie. Disons comédie, parce que la pièce se termine sur un dénouement heureux, convenu: le mariage des amants (ceux qui jouissent d’un amour mutuel par opposition aux amoureux qui soupirent en vain).

 

©x

©x

Mais « revenons », comme le disent souvent les personnages de Marivaux. Le hasard du voisinage met en présence le Chevalier et la Marquise. Nul besoin de prénoms, pas plus pour le Comte: c’est le statut social qui compte. Un chevalier, cadet d’une famille noble, n’a pas de fortune mais une riche veuve doit pouvoir lui assurer un bel avenir. Elle est belle, de surcroît, comme l’héroïne des Fausses confidences, jouées récemment par la même troupe, sous la baguette du chef d’orchestre Alain Françon. Un premier empêchement : les deux (futurs) amants, qui se sont reconnus comme tels au premier regard, relèvent d’un deuil récent, ce qui devrait les écarter de toute surprise  amoureuse. Ils sont d’accord là-dessus, et c’est précisément cette entente qui les fera glisser, de façon vertigineuse, vers cet interdit. Le deuxième empêchement sera leur amour-propre et leurs doutes. Les obstacles extérieurs, comme le Comte venu lui aussi faire sa cour en voisin, ami d’autrefois du défunt, sont des tremplins pour amener les sentiments à se déclarer. Valet et Suivante  (le statut d’une Lisette est bien plus élevé que celui d’une femme de chambre) jouent les accélérateurs, dans leur propre intérêt, leur désir d’abord, vif et cru, et la nécessité de se marier eux-mêmes, s’assurant ainsi une place solide auprès de bons maîtres. Il faudra bien, à ces tourments et joies, une victime. Nous en aurons deux : le Comte, et Monsieur Hortensius, « pédant », philosophe privé embauché par la Marquise pour la désennuyer en lui faisant la lecture. Sénèque, entre autres, devrait éloigner les passions  mais ce « pédant » est prié sans ménagements d’aller porter son érudition ailleurs. « N’est-ce pas une chose étrange, qu’un homme comme moi n’ait point de fortune ! Posséder le grec et le latin, et ne pas posséder dix pistoles ? (…) Est-ce que l’amour m’expulserait d’ici ? » dit-il à l’acte III. Le pauvre homme avait essayé ses « arguments »  sur la personne de Lisette, accordons lui une pensée…

 On sourit beaucoup, on rit souvent, non sans cruauté –les personnages ne s’en privent pas non plus-des malheurs, gaffes, timidités, bonnes manières qui bloquent la communication et écartent deux êtres que lie tout de suite un amour qui ne veut pas dire son nom. Entre pièges–une fausse confidence du Comte-litotes, et jeux de langage, on voit se dérouler, encore une fois avec délices, la chaîne classique du marivaudage. Ce n’est surtout pas coquetterie superficielle, on le sait maintenant, mais dissection, anatomie de l’amour dans le corps et le cœur de deux êtres.
Même équipe que pour Les Fausses confidences Thomas Blanchard, Rodolphe Congé, Suzanne de Baecque, Pierre-François Garel, Alexandre Ruby et Georgia Scalliet. Alain Françon, avec une précision chirurgicale, une économie parfaite et la beauté d’un travail à l’aiguille, nous donne un Marivaux à l’état pur.

 Christine Friedel

 Jusqu’au 13 juillet, Théâtre de la Porte Saint-Martin, Paris ( Xème). T. : 01 42 08 00 32.

 


On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie d’Éric Feldman, mise en scène d’Olivier Veillon

 

 On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie d’Éric Feldman, mise en scène d’Olivier Veillon

 Ce récit intime auto-fictionnel évoque avec singularité, l’horreur de l’holocauste et ses conséquences dans la grande Histoire et dans la propre existence de l’auteur et interprète, Éric Feldman. Célibataire et sans descendance, il fait le bilan de sa vie et explore avec humour et gravité les traumatismes des «enfants cachés »,  survivants de la Shoah : ses parents, ses oncles et tantes, son grand-père Moshé.

©x

©x

Le spectacle s’ouvre avec légèreté et décalage sur le thème de la relaxation. Un début surprenant et plein d’humour, pour une pièce sur la Shoah… Le narrateur-personnage a de quoi s’occuper : carnet de notes, tasse, théière, téléphone portable.Dans la salle encore éclairée, il s’adresse à nous : « Je disais la détente… La détente, c’est pas évident. Être détendu, c’est pas évident, mine de rien. » Eric Feldman nous fascine, passant d’une humeur enjouée à un état dépressif, avec ironie et drôlerie personnelles, très communicatives. Le rythme de sa voix, tout en nuances, ses regards, et un sourire complice, tendre ou malicieux, la rareté des déplacements font de ce spectacle une véritable performance d’acteur et un devoir de mémoire, à la profonde efficacité.
Recourir à l’humour pour nous rappeler l’atrocité et l’innommable des camps nazis, est un tour de force. Peut-on s’amuser de tout? Oui, dans cette pièce plus proche d’un récit-témoignage, que d’un solo, aucun pathos, aucune morale mais des paroles qui nous touchent et nous surprennent… Éric Feldman passe d’un registre grave, à ceux de la vie ordinaire : la psychanalyse, le yoga… La langue expressive, riche de théâtralité et l’humour juif, parviennent à nous fait rire et simultanément à penser toujours et encore : « Plus jamais ça.  » C’est aussi notre destin à chacun ici posé, face aux tragédies de l’Histoire qui s’abattent sur la vie des hommes. Une grande émotion s’empare du public, face à l’injustice sans limite ! Les souvenirs d’Éric Feldman comme ceux de ses ancêtres, semblent surgir en sa mémoire au fil des mots et créent une temporalité de l’instant-même, donnent un remarquable  sentiment de véracité au récit et à ce moment tragique de l’Histoire.
 Le spectacle original, sobre et vif comme une alerte, ravive en ce XXI ème siècle, notre conscience, et éclaire, espérons-le, celle des jeunes générations : ne jamais oublier malgré le temps qui passe. Surprise, à la fin de la représentation et face à l’atrocité, un souffle nous traverse l’esprit : le miracle d’être vivant !

 Elisabeth Naud

 Spectacle vu le 29 juin, au Théâtre du Rond-Point, Paris ( VIII ème).


A partir du 6 septembre, Théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue René Boulanger, Paris ( Xème). T. : 01 42 08 00 32


La Souricière d’Agatha Christie, mise en scène de Lilo Baur, traduction de Serge Bagdassarian et Lilo Baur

La Souricière d’Agatha Christie, mise en scène de Lilo Baur, traduction de Serge Bagdassarian et Lilo Baur

Lilo Baur aime le ski de fond et la neige… Comme pour La Puce à l’oreille de Georges Feydau à la Comédie-Française, elle situe l’intrigue dans une auberge prise dans une tempête de neige qu’on voit s’accumuler peu à peu derrière les vitres. La scénographie de Bruno Lavenère est d’une grande beauté, avec au fond, encadrant les fenêtres, l’arche du Vieux Colombier imaginée par Jacques Copeau au début du XX ème siècle mais qui fut ensuite détruite…
Nous avons vraiment l’impression d’être dans un endroit isolé par les intempéries. Les costumes d’Agnès Falque comme les maquillages et coiffures de Cécile Kretschmar très réussis, ajoute au réalisme de cette intrigue policière.Seule, la température nous rappelle à la réalité de cet été… Agatha Christie, disparue en 1976 à quatre-vingt cinq ans, continue d’être très lue et plus de 100. 000 exemplaires de ses romans étaient vendus dans le monde il y a deux ans et cette pièce est jouée sans interruption à Londres depuis… 1952. Comme souvent chez cette écrivaine, tous les personnages peuvent être coupables!

©X

©X

Leurs camarades vont jouer à la Scala d’Avignon Les Serges et dans la Cour d’Honneur, Le Soulier de Satin. Ici, Clotilde de Bayser (Madame Boyle) Christian Gonon (M. Paravicini), Serge Bagdassarian (Major Metcalf), Anna Cervinka (Mademoiselle Casewell), Claire de La Rüe du Can (Mollie Ralston), Yoann Gasiorowski ( 14 au 17 juin) Jean Chevalier (4 au 13 juin), Adrien Simion (18 juin au  13 juillet) Inspecteur Trotter, Sefa Yeboah Christopher Wren, Jordan Rezgui (Giles Ralston) jouent jusqu’à mi-juillet avec une énergie communicatrice, cette Souricière qui avait d’abord écrite pour la radio par cette écrivaine anglaise qui fut anoblie.
«La circulation dans l’auberge, dit Lilo Baur, avec entrées et sorties permanentes dans le salon central, me fait beaucoup penser à Georges Feydeau. Les personnages n’ont pas d’intimité et peuvent à tout moment être surpris par quelqu’un. » Mise en scène donc très rythmée-le public, lui aussi, ne cesse d’être surpris-et très cinématographique ! La musique originale de Mich Ochowiak participe à un climat proche des films d’Alfred Hitchcock.Le spectacle affiche complet mais n’hésitez à aller voir cette création : il y a une liste d’attente et sans doute une reprise.

Jean Couturier

Jusqu’au 13 juillet, Comédie-Française,Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris (VI ème). T. : 01 44 58 15 15.


Faust de Charles Gounod, direction musicale de Louis Langrée, mise en scène de Denis Podalydès

Faust de Charles Gounod, direction musicale de Louis Langrée, mise en scène de Denis Podalydès

Avec les décors d’Éric Ruf, les costumes de Christian Lacroix, les masques de Louis Arène… toutes les fées se sont penchées sur ce Faust qui a reçu, du Syndicat de la critique, le prix Claude Rostand, (meilleure coproduction lyrique régionale et européenne).
Julien Dran (Docteur Faust), Jérôme Boutillier (Méphistophélès), Vannina Santoni (Marguerite) interprètent avec justesse et fougue les rôles principaux. Leurs performances vocales ont ébloui le public de la salle Favart surchauffée malgré la climatisation. Louis Langrée -chemise noire trempée!- est à la tête de l’Orchestre national de Lille avec le merveilleux chœur de l’Opéra de cette ville. Il a a voulu monter dans sa version d’origine, le deuxième opéra le plus joué au monde après Carmen. Et ici, pour la première fois depuis sa création en 1859, avec dialogues parlés et textes chantés. Le travail des musicologues du Palazzetto Bru Zane et du Centre de musique romantique française sont à l’origine de cette renaissance.

© Stéfan  Brion

© Stéfan Brion

Denis Podalydès a réalisé une mise en scène classique et très lisible avec les costumes sobres fin XIX ème siècle de Christian Lacroix. Tonalité sombre et grise, comme si les personnages évoluaient dans l’antichambre de la mort. Il y a seulement au début du quatrième acte, des couleurs chatoyantes, quand démons et damnés se transforment en prostituées, et que le docteur Faust se livre à ses plaisirs dans la nuit de Walpurgis. La scénographie d’Éric Ruf, très mobile, apparait comme un élément  vivant. Il aime montrer les coulisses autour d’un plateau nu comme pour Le Soulier de Satin, avec, ici, un plateau tournant où les techniciens et les deux interprètes accompagnant Méphistophélès mettent en place les éléments de décor. Entre les II ème et III ème actes, sont inversés de hauts châssis représentant l’habitation de Marguerite : un bel effet…
La chorégraphie de Cécile Bon occupe aussi une place importante. La nuit de Walpurgis au dernier acte imposait le corps de ballet de l’Opéra qui, ici, était absent… Mais les danseuses Julie Dariosecq et Elsa Tagawa sont un fil rouge très présent sur ces quatre heures. Denis Podalydès résume bien cet opéra: « Je ne sais plus qui a dit : « Faust, c’est l’histoire d’un infanticide. » Il y a en effet derrière l’histoire fantastique et religieuse, un fait-divers banal et sordide dans une nouvelle qu’aurait pu écrire Gustave Flaubert ou Guy de Maupassant… Un vieil homme, triste mais riche, veut goûter une dernière fois aux plaisirs de l’amour avec une jeune fille pauvre qui sera enceinte de lui. Mais il la quitte… Elle tuera l’enfant et sera condamnée à mort.
On retrouve les grands standards vocaux avec un réel plaisir. Entre autres à l’acte II, quand Faust chante cette cavatine : « Salut ! Demeure chaste et pure. Où se devine la présence d’une âme innocente et divine. »
Au même acte, Marguerite chante l’air immortalisé par la Castafiore, une créature dHergé : «Ah! Je ris de me voir si belle en ce miroir! » Ce spectacle affiche complet mais il serait bien qu’il soit repris et vu par un large public…

Jean Couturier

Opéra-Comique, place Boieldieu, Paris (II ème), du 21 juin au 1er juillet. T. : 0 825 01 01 23.


Carmen de Georges Bizet par les Voix des Outre-mer à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille

Carmen de Georges Bizet par les Voix des Outre-mer à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille

 Nous avons eu le plaisir d’assister à l’un des rendez-vous lyriques proposés cette année par les territoires ultramarins, le 30 juin dernier, à l’amphithéâtre Olivier Messiaen de l’Opéra Bastille. À la magnifique représentation de l’opéra comique Carmen de Georges Bizet, bien sûr, sans le décor où il a été (re)créé en décembre dernier par les Voix des Outre-mer, ce qu’il reste du théâtre-opéra au bas de la montagne Pelée qui le réduisit en cendres, avec la ville de Saint-Pierre et expédia ad patres ses habitants, le 8 mai 1902.

 Le spectacle reprenait les costumes et les rappels de motifs et de couleurs des plaids, des fichus, des foulards et des madras antillais qui tiennent des tartans écossais et irlandais ; et la même distribution lyrique ; et une troupe de danseurs traditionnels ; avec cependant, par-dessus le marché, si l’on peut dire, l’excellent orchestre du Théâtre de… Rungis dirigé par Laurent Goossaert, complété par deux chorales d’enfants provenant de la banlieue parisienne. Rappelons que, depuis sa création en 2019, le Concours des voix des Outre-mer, fondé par Fabrice Di Falco, contre-ténor de renommée internationale originaire de Martinique et Julien Leleu, contrebassiste de jazz, a permis la révélation d’artistes extrêmement talentueux. En 2024, le public a pu découvrir, entre autres, Axelle Saint Cirel (Prix du jury 2023), qui a interprété La Marseillaise lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et Luan Pommier (Lauréate 2020), qui a interprété piano-voix l’hymne des Jeux paralympiques. La troupe formée par Fabrice di Falco et Julien Leleu va donner à Avignon, du 6 au 10 juillet, un autre opéra, Porgy and Bess de George et Ira Gershwin.

 Pour ce qui est de Carmen, opéra en quatre actes de Georges Bizet avec un livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy tiré de la nouvelle de Prosper Mérimée, les versions ne manquent pas. Citons-en quelques-unes : les ballets de Kassian Goleïzovski (Carmen suite, 1931), Ruth Page et Bentley Stone (Guns and Castanets, 1939), Eugene Loring (Carmen Jones, 1943), Roland Petit (1949), Alberto Alonso (Carmen Suite, 1967), John Cranko (1971), Alfonso Cata (Douce Carmen, 1975), Antonio Gades (1983), Peter Darrell (1985), Karine Saporta (1991), Mats Ek (1992), Dominique Boivin (1992), Francisco Sedeno (Carmen Graffiti, 1995), Amedeo Amodio (1995), Thierry Malandain (1996), Matthew Bourne (The Car Man, 2000), Abou Lagraa (2024).
Nombre de cinéastes ont été fascinés par l’héroïne, d’Arthur Gilbert (1907) à Mark Dornford-May (2006, U-Carmen eKhayelitsha), en passant par Gerolamo Lo Savio (1909), Jean Durand (1911), Stanner E.V. Taylor (1913), Lucius Henderson (1913), Charlie Chaplin (Burlesque on Carmen, 1915), Cecil B. DeMille (1915), Raoul Walsh (1915), Ernst Lubitsch (1918), George Wynn (1922), Jacques Feyder (1926), Raoul Walsh (1927, Loves of Carmen), Cecil Lewis (1931), Lotte Reiniger (1934), Florián Rey (1938, Carmen, la de Triana), Christian-Jaque (1945), Charles Vidor (1948, Les Amours de Carmen), Otto Preminger (1954, Carmen Jones), Tulio Demichelli (1959, Carmen de Grenade), Carmine Gallone (1962, Carmen 63), Carlos Saura (1983), Francesco Rosi (1984). Compte n’étant tenu ni des réalisateurs télé ni des auteurs ou autrices de vidéodanse ou de vidéo-art comme, par exemple, Geneviève Hervé (1983, Cattiva Carmen).

© N.V.

© N.V.

Pour leur version, Fabrice Di Falco et Julien Leleu, ont procédé à quelques changements dans le livret, situant l’action non à Séville mais aux Antilles, transposant le rituel ou spectacle de corrida en fête de carnaval, enrichissant les paroles de répliques en langue créole – l’opéra dit comique n’implique pas que l’œuvre soit nécessairement une comédie mais qu’à la musique et au chant s’ajoutent des dialogues parlés. Et, à ce propos, nous avons trouvé les interprètes hommes particulièrement convaincants comme comédiens tandis que les femmes nous ont paru remarquables sur le plan de l’art lyrique.
Tous ont ainsi pu être mis en valeur, d’une façon ou d’une autre, que ce soit le ténor Paul Gaugler (Don José) : le baryton Dmytro Voronov (Escamillo), Juan José Medina (Le remendado), le baryton Auguste Truel, (Morales), la soprane Livia Louis Joseph Dogué (Mikaela), la soprane Axelle Rascar Moutoussamy (Frasquita), la soprane Ève Tibère (Hermancia), Ludivine Turinay (Mercedes) et, surtout, l’exceptionnelle Marie-Laure Garnier dans le rôle-titre.

Le niveau artistique est remarquable. Nous avons eu en tête, par moments, la version métisse du Carmen Jones de Preminger mais aussi et surtout l’adaptation sud-africaine, entièrement black cast, avec ces dames bien en chair, signée par le metteur en scène Mark Dornford-May. Grâce à l’apport dramaturgique de Richard Martet, aux scènes carnavalesques de la troupe de danseurs, à la mise en scène et aux lumières de Julien Leleu, aux interventions spirituelles résumant l’action contées en français classique et en créole par Fabrice Di Falco, nous n’avons pas senti les deux heures que dure tout de même cet opéra. La salle, conquise, a longuement rappelé les artistes.

 

Spectacle vu le 30 juin à l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille, Place de la Bastille, Paris (XII ème ).


Lettre ouverte à Adèle Van Reeth, directrice de France Inter: La fin de l’émission Autant en emporte l’histoire?

 

La fin de l’émission Autant en emporte l’histoire?

 Lettre ouverte à Adèle Van Reeth, directrice de France Inter
Les E.A.T, Écrivaines et Écrivains Associés du Théâtre, ont appris la fin de cette émission qui restait la seule sur France Inter, ouverte aux fictions originales et leur permettait de travailler encore pour le service public. Les fictions radiophoniques ont tout à fait leur place sur les ondes. Il aurait été plus judicieux de réfléchir à un format nouveau et plus moderne, plus libre plutôt qu’à penser à une éradication de l’imaginaire sur France Inter.

 

©x

©x


Il semblerait que vous et vos équipes n’ayez envisagé aucune autre émission pour permettre la création de fictions originales et qu’il s’agit donc d’un choix politique, intellectuel de signer sous votre gouvernance, la disparition de la présence des autrices et auteurs à France Inter.

Nous ne doutons pas que,  face à la mobilisation, vous aurez à cœur de nous recevoir avec d’autres représentants des autrices auteurs, artistes, interprètes et réalisateurs pour lutter vous aussi contre ce vaste mouvement d’invisibilisation des auteurs et autrices, en rendant précaires les artistes et que vous refuserez de vous ranger au côté des décideurs politiques qui, en région, sabrent la Culture


Les Écrivaines et Écrivains Associés du Théâtre


www.eatheatre.fr contact.eatheatre@gmail.com T. : 01 42 29 78 64. 

 


Articles plus anciens

Qui sommes nous?

En attendant Godot de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski

Les Brigands, musique de Jacques Offenbach, mise en scène de Barrie Kosky

Festival d’AvignonLe Canard sauvage d’après Henrik Ibsen, adaptation de Maja Zade, mise en scène de Thomas Ostermeier

L’Etrangère, adaptation librement inspirée de L’Étrangerd’Albert Camus, texte et mise en scène de Jean-Baptiste Barbuscia

La seconde Surprise de l’amour de Marivaux, mise en scène d’Alain Françon

On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie d’Éric Feldman, mise en scène d’Olivier Veillon

La Souricière d’Agatha Christie, mise en scène de Lilo Baur, traduction de Serge Bagdassarian et Lilo Baur

Faust de Charles Gounod, direction musicale de Louis Langrée, mise en scène de Denis Podalydès

Carmen de Georges Bizet par les Voix des Outre-mer à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille

Lettre ouverte à Adèle Van Reeth, directrice de France Inter: La fin de l’émission Autant en emporte l’histoire?

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...