Ebauche d’un portrait d’après le Journal de Jean-Luc Lagarce
Théâtre Ouvert reprend le spectacle imaginé par François Berreur avec Laurent Poitrenaux qui avait eu un succès immédiat la saison passée. C’est une sorte de feuilleton dit Berreur, où l’on entend Jean-Luc Lagarce, auteur dramatique peu reconnu sa vie durant, nous parler de son quotidien, de sa famille ouvrière, de ses doutes et de son désespoir, de sa lutte face au sida qui a empoisonné les sept dernières années de sa vie, de la différence entre ce que les gens perçoivent de lui et ce qu’il ressent lui qui se considère comme « une personne qui a raté sa vie professionnelle et sentimentale« . Laurent Poitrenaux ,avec beaucoup de précision et de sensibilité rend admirablement cette espèce de mélancolie qui a poursuivi Lagarce tout au long de sa visite sur terre et de cette relation curieuse qu’il a entretenue avec Lucien et Micheline Attoun, quand il cherchait à monter ses spectacles et ses pièces . Il parsème son journal des morts qui l’ont visiblement obsédé dès sa jeunesse: Coluche, Copi, Anouilh Beckett, Ionesco, Blin, Simone Signoret, Montand, Jean Genet et combien d’autres dont les noms s’inscrivent sur le mur du fond. Lagarce n’était pas toujours tendre, en particulier avec Koltès mais comme le souligne ces fragments de son Journal raconte la vie théâtrale de cette fin de XX ème siècle et la façon bien à lui, jeune homme issu des environs de Montbéliard d’affronter ce milieu.
Le spectacle est sans doute un peu trop long et le petit film qui le clôt n’apporte pas grand chose et peut-être faire l’épargne de certains moments faits d’anecdotes ou de silhouettes trop rapidement esquissées qui ne doivent pas avoir beaucoup de signification pour les jeunes gens d’aujourd’hui. Mais cette ébauche de portrait de Lagarce demeure un simple et beau spectacle qui touche le plus public au plus profond de lui-même. Je n’ai cessé de repenser à Lagarce venu quelques mois avant sa mort à l’Ecole de Chaillot m’apporter une photo pour un article, comme un collégien timide, terriblement amaigri par la maladie; nous avions bu un café ensemble et échangé quelques propos. Je ne l’ai plus jamais revu…..
Philippe du Vignal
Théâtre Ouvert jusqu’au 18 octobre; le texte est édité aux éditions Les Solitaires intempestifs