Petite rubrique : actrices seules en scène par Philippe du Vignal
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D’abord : Paula Spencer, et La Femme qui se cognait dans les portes de Roddy Doyle, auteur irlandais peut-être plus connu pour ses romans porté à l’écran par Alan Parker dans The Commitments ou par Steven Frears (The Snapper ou The Van. Michel Abecassis a adapté et mis en scène ces deux romans de Roddy Doyle qui racontent la vie d’une pauvre femme qui se fait, des années durant, rouer de coups par son mari épousé autrefois, quand il était jeune, beau et séduisant et dont elle a eu plusieurs enfants, jusqu’à ce qu’elle ait la force de le pousser physiquement dehors.
Après sa mort, elle se raconte et exorcise avec beaucoup d’humour et de tendresse, les rapports difficiles qu’elle a eus avec ses enfants, son mari et le monde du travail. C’est Olwen Fouéré,une comédienne franco-irlandaise qui interprète, avec un savoir-faire et une sensibilité remarquables, cette vie douloureuse, en prise constante avec la brutalité et la violence au quotidien. C’est plutôt du genre bien fait (le spectacle vient de finir à la Tempête mais sera repris au Bouffes du Nord) et l’heure que dure le spectacle, passe vite. Mais cette transposition scénique ne s’impose pas vraiment, ce qui est souvent le cas quand on passe du roman au théâtre…..
De l’autre côté du périphérique, cette fois côté Nord, pas très loin de la mairie d’Aubervilliers, dans une impasse avec des vieux rosiers, des glycines et des roses trémières (si, si), existe une salle paroissiale qui devrait être inscrite à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques…. La scène existe encore avec sa vieille rampe et quelques rangées de fauteuils en moleskine rouge mais le metteur en scène Jérémie Fabre a installé dans l’autre sens son dispositif scénique: un simple grand drap blanc qui fait office d’écran, et un parquet nu, pour mettre en scène L’absente, un poème dramatique écrit-et bien écrit!-puis joué que l’actrice avait déjà lu à la Maison de la Poésie au printemps dernier.
C’est l’histoire (la sienne et pas tout à fait la sienne, sans doute) de son arrivée à Paris depuis une province du Sud qui déclenche tout un processus de mémoire: le premier vrai souvenir d’une enfance déjà lointaine, la première perte, le déchirement jamais vraiment avoué, la coupure avec les géniteurs vécue avec un ouf de soulagement ( seule sans doute mais à moi, Paris…) mais aussi avec une grande mélancolie intérieure. Ce que Delphine Branger dit, avec beaucoup de pudeur et de retenue, à travers ses souvenirs c’est aussi toute la difficulté d’apprendre à vivre dans une ville, inconnue ou presque, à la fois merveilleuse et dure, où papa/maman ne sont plus là (ouf! libre et débarrassée de conflits familiaux qui ont dû peser lourd dans la construction de son être le plus intime) mais où les points de repère ont aussi disparu.
Elle est là, seule face à nous, face à elle même , à la fois fragile et plus solide que l’on pourrait croire, juste accompagnée par la musique et les sons de Gar@zinski (sic) dont elle chante quelques chansons… Comme nombre de jeunes metteurs en scène, Jérémie Fabre, qui a déjà un parcours derrière lui et qui sait diriger des acteurs et comme Delphine, il a été formé à très bonne école mais se croit pourtant obligé, lui aussi de nous infliger des bouts de vidéo (le corps nu d’une jeune femme enceinte, Delphine nue dans un beau jardin, etc… : anecdotique, au mieux illustratif et qui ne sert rigoureusement à rien, sinon à parasiter la présence et la voix magnifiques de son actrice dont le monologue atteint, aux meilleurs moments, une belle théâtralité. Encore à l’état de maquette, L’Absente devrait encore se bonifier…
Enfin, il faudrait accorder une mention spéciale à la jeune actrice Mathilde Duffilot qui jouait samedi dernier Elizabeth II en compagnie de son majordome Laurent G. Dehlinger lui aussi remarquable dans L’Arrivée de la Reine d’Angleterre, mise en scène par Joana Bassi pour l’inauguration de L’Orange bleue, Espace Culturel d’Eaubonne, (Val d’Oise). Ce spectacle de rue un peu mince, est sans doute beaucoup trop long pour une pochade, surtout quand il commence à ne pas faire chaud du tout. Il y avait le Maire, François Balageas, qui jouait son rôle de maire dans le spectacle, Marie-José Beaulande, son adjointe à la Culture et aux Finances (cet intitulé sauf erreur est sans doute unique en France!) le Préfet (quand même), le président du Conseil Général et toutes les huiles politiques mais aucun représentant de la Ministre de la Culture qui a dû sans doute estimé que, pour la banlieue, elle avait déjà donné, surtout après le pataquès de Bobigny, dont on vous contera la lamentable histoire digne d’une république bananière! Il y avait surtout la population d’Eaubonne venue visiter son théâtre, emmenée par les comédiens tout de rouge habillés du Théâtre de l’Unité.
A l’heure où le Sarko ricane, sans gêne aucune, de La Princesse de Clèves, cela fait chaud au cœur et c’est plutôt réconfortant, d’autant plus que le lieu, dirigé par Tristan Rybaltchenko, est accueillant et doté d’une belle scène ( la salle est moins réussie!)…
Philippe du Vignal