Le Shaga de Marguerite Duras, mise en scène de l’auteur.
La pièce avait été créée en 1968 au feu Théâtre Gramont devenu salon de coiffure! et où Michel Simon avait joué autrefois Du Vent dans les branches de Sassafras de René de Obaldia, tout près du restaurant où Marcel Proust avait ses habitudes. Après cinq mois de répétitions, absolument nécessaires, puisque Marguerite Duras partait en fait d’un canevas, on retrouve la pièce avec l’une des actrices Claire Deluca, accompagnée de Jean-Marie Lehec et Hervine de Boodt, exemplaires de rigueur et d’intelligence.
Le shaga est une langue inventée par Marguerite Duras à partir de mots cambodgiens, siamois et malais et que parle une jeune femme; les deux autres personnages, un homme et une femme parlent, eux, notre vieux bon français et tentent avec beaucoup de mal, de dialoguer avec elle…
Et ils parlent, ils parlent sans cesse pendant une petite heure, »impudiques et gais » disait Marguerite Duras. Ils fabulent aussi beaucoup mais les mots quotidiens et les expressions les plus usuelles employés minent le langage, de l’intérieur et jusqu’à le nier. Dans une sorte de subversion où l’absurde et le non-sens font bon ménage avec un humour corrosif. Entre Samuel Beckett, Lewis Caroll parfois, Eugène Ionesco et Raymond Devos… Sur une petite scène, aucun décor, quelques projecteurs, pas de musique et un bidon en plastique comme seul accessoire.Du pur artisanat mais cousu main et luxueux dans son extrême simplicité. A la fois jubilatoire et magnifiquement théâtral.
Un bémol: cela se passe dans un tout petit espace: et il ne vous reste que trois jours: aujourd’hui dimanche à 17 heures, et lundi et mardi à 20 h 30. Et comme il n’y a que cinquante places, mieux vaut réserver. Le spectacle se rejouera sans doute mais où et quand? Parlez-en à Muriel Mayette, l’administratrice de la Comédie-française, elle aura peut-être une idée…
Philippe du Vignal
Le Théâtre du Temps 9 rue Morvan, métro Voltaire, Paris XIème. T. : 01-48-73-12-38