Raté Rattrapé Raté ,mise en scène de Christian Lucas par Philippe du Vignal

rat.jpgOn connaît depuis longtemps Nikolaus  ce clown plein d’humour ,excellent jongleur et acrobate, qui a débuté au cirque Archaos. Il revient avec un spectacle sous chapiteau  avec deux comparses Pierre Déaux, funambule et Mika Kaski. Ils démontrent- scientifiquement si l’on peut dire- que le chaos est  l’aboutissement irréversible de tout acte humain.I

  Il y a d’admirables jonglages de grosses boules rouges, des échafaudages de cartons qui, grâce à une minuscule dose de dissolvant versée dans un verre en plastique,  basculent de façon magnifique là où ne s’y attendait pas, un numéro de funambule comme on en voit rarement, la construction d’une machine délirante où une bougie qui brûle une ficelle finit par déclencher une suite de catastrophes.  Les trois clowns savent comme personne dire l’absurdité et le burlesque, le logique et l’inattendu. Résultat d’un long travail technique. Ce ne serait pas correct de vous dévoiler la suite de gags mais sachez que c’est merveilleusement drôle et intelligent aux meilleurs moments ; il y a un test qui ne trompe pas:  le visage ébloui et le rire des enfants. 

  Mieux vaut oublier certains gags qui se répètent comme cette baguette de pain sec qu’ils  cassent sur la tête de l’un ou l’autre, ou les longueurs dues à une mise en scène  laborieuse qui plombe un peu le spectacle, surtout vers la fin. Mais les trois comparses de la Compagnie Pré-O-ccupé , s’il sont bien dirigés, peuvent vite rejoindre le niveau d’excellence des fameux clowns Les Cousins, eux aussi réunis en trio.

Philippe du Vignal

 Dans le cadre de la 4 ème édition du Village de Cirque, Pelouse  de Reuilly jusqu’au 2 novembre.

 


Archive pour octobre, 2008

SUD NORD Théâtre Paul Eluard de Choisy le roi par Edith Rappoport

 

De Jean-Louis Sagot Duvauroux, mise en scène Patrick Le Mauff, compagnie BlonBa

 

Je retourne avec plaisir au Théâtre Paul Eluard que j’ai dirigé de 1978 à 1984, je suis heureuse d’y retrouver Patrick Le Mauff que j’avais accueilli avec Denis Guénoun pendant plusieurs semaines. Sud Nord est un koteba des quartiers élaboré par cette compagnie franco-malienne dans le cadre de Tous les Coisyiens du monde, opération menée par Didier Mouturat qui dirige le Théâtre Paul Éluard depuis une dizaine d’années. 7 acteurs maliens de Bamako dialoguent avec le directeur, Mouturat joue son propre rôle sur grand écran, le meneur de jeu Skype tape sur son ordinateur, le dialogue s’établit entre Bamako et Choisy le Roi, les acteurs massifs et plein de vie mènent un train d’enfer à la jeune femme enceinte qui veut faire naître son enfant en France. Cette commedia dell’arte africaine donne toute se dimension à l’ignoble guerre menée contre les sans papiers.

 Edith Rappoport

Habbat Alep de Gustave Akakpo, mise en scène de Balazs Gera

habbataleptheatrefichespectacleune.jpg Ce jeune écrivain togolais a déjà plusieurs pièces derrière lui comme Catharsis, Tactic à la rue des pingouins, La mère trop tôt. Habbat Alep raconte les tribulations d’un jeune métisse qui revient dans le pays de son père, originaire du Proche-Orient. Mais il est accueilli par sa cousine qui est enceinte et que son père lui destine pour sauver son honneur et celui de sa famille.
Le jeune homme, écrivain et non journaliste comme il le répète aux contrôles de douane, fait des recherches sur une langue menacée: le mina, langue orale parlée dans la région de Lomé. C’est en fait une sorte de récit de voyage dialogué où le jeune écrivain rencontre beaucoup de gens dans le quotidien d’un  pays pauvre.
La pièce est écrite dans une langue souvent magnifique, à la limite de la virtuosité et Gustave Akakpo reconnait avoir été influencé par Sony Labou Tansi; cela se sent, surtout dans l’approche particulière qu’il a de la langue française, à la fois disons réaliste et profondément poétique, à la façon d’un conteur.

Mais la mise en scène de cette pièce intéressante n’est pas tout à fait au diapason, en grande partie sans doute à une scénographie encombrante (de grands châssis noirs que l’on déplace sans cesse) et à une direction d’acteurs assez hésitante qui ne semble pourtant pas due au fait que ce soit des acteurs français jouant des personnages africains  On vous rendra compte d’A petites pierres, l’autre pièce de Gustave Akakpo qui se joue aussi au Tarmac.

Philippe Du Vignal

Le Tarmac de la Villette, Paris XIX ème jusqu’au 1 er novembre.

Le Shaga de Marguerite Duras, mise en scène de l’auteur.

La pièce avait été créée en 1968 au feu Théâtre Gramont devenu salon de coiffure! et où Michel Simon avait joué autrefois Du Vent dans les branches de Sassafras de René de Obaldia, tout près du restaurant où Marcel Proust avait ses habitudes. Après cinq mois de répétitions, absolument nécessaires, puisque Marguerite Duras partait en fait d’un canevas, on retrouve la pièce avec l’une des actrices Claire Deluca, accompagnée de Jean-Marie Lehec et Hervine de Boodt, exemplaires de rigueur et d’intelligence.

Le shaga est une langue inventée par Marguerite Duras à partir de mots cambodgiens, siamois et malais et que parle une jeune femme; les deux autres personnages, un homme et une femme parlent, eux, notre vieux bon français et tentent avec beaucoup de mal, de dialoguer avec elle…
Et ils parlent, ils parlent sans cesse pendant une petite heure, »impudiques et gais » disait Marguerite Duras. Ils fabulent aussi beaucoup mais les mots quotidiens et les expressions les plus usuelles employés minent le langage, de l’intérieur  et jusqu’à le nier. Dans une sorte de subversion où l’absurde et le non-sens font bon ménage avec un humour corrosif. Entre Samuel Beckett, Lewis Caroll parfois, Eugène Ionesco et  Raymond Devos…  Sur une petite scène,  aucun décor, quelques projecteurs, pas de musique et un bidon en plastique comme seul accessoire.Du pur artisanat mais cousu main et luxueux dans son extrême simplicité. A la fois jubilatoire et magnifiquement théâtral.

 Un bémol: cela se passe dans un tout petit espace: et il ne vous reste que trois jours: aujourd’hui dimanche à 17 heures, et lundi et mardi à 20 h 30. Et comme il n’y a que cinquante places, mieux vaut réserver. Le spectacle se rejouera sans doute mais où et quand? Parlez-en à Muriel Mayette, l’administratrice de la Comédie-française, elle aura peut-être une idée…

Philippe du Vignal

Le Théâtre du Temps  9 rue Morvan, métro Voltaire, Paris XIème. T. : 01-48-73-12-38

Le Roland, librement inspiré de La Chanson de Roland, écriture et mise en scène d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre

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   On connaît plus qu’en général on ne lit ,la fameuse Chanson de Roland  ( XI ème siècle) considéré comme l’un des premiers romans français, et peut-être une sorte de texte incitatif aux Croisades en Terre sainte, avec des épisodes majeurs dont la fameuse trahison de Ganelon, beau-frère et de Charlemagne et beau-père de Roland, qui va négocier avec Marsile le roi de Sarrazins pour s’assurer la mort de Roalnd, qu’il déteste. Roland sonnera du cor pour appeler des renforts dans une grande bataille entre Maures et français. Mais Charlemagne arrivera trop tard pour aider son neveu qui aura déjà été tué. Il se vengera en faisant condamner Ganelon à être écartelé… Le tout en quelque 4.000 vers!
  Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre a eu l’idée de transposer  les relations entre les personnages de cette Chanson de geste: Roland, le Grand Charlemagne,Ganelon le traître, Aude la Fiancée de Roland « dans l’univers fantasmé des principaux actionnaires d’une grande entreprise de couteaux: Montjoie Monde « . Avec, ajoute-t-il  » l’irruption du Moyen-Age au sein d’un couple, d’un groupe puis d’un individu ». Avec une parodie du Moyen Age au début du moins assez heureuse; certes, le filon a été largement exploité au cinéma ( Les Visiteurs, etc.. mais cela fonctionne un petit peu: après tout, s’est-il sans doute dit,  nous sommes restés de grands enfants…
  Il y a une scène  presque carrée avec de chaque côté une banquette pour une quinzaine de spectateurs, avec des tables de cuisine en inox avec dessus, tomates et poulets pour préparer un poulet basquaise dont Aude a oublié la recette, et c’est grave, puisqu’il s’agit de recevoir toute une bande  d’employés de la fameuse entreprise de couteaux. On engage David un spectateur pour aider Aude à préparer  son fameux poulet, David finalement ravi d’être pris en otage. On engage aussi trois spectateurs à venir jouer sur scène; justement, cela tombe bien; il y a , par hasard, dans la salle un pianiste, un batteur et un contre-bassiste!  Les recrutements  dans la salle, c’est un vieille ficelle que le théâtre  utilise depuis la nuit des temps…
 Plus c’est gros, mieux cela marche: Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre l’a bien compris, et il n’hésite pas: courses dans la salle, coup de vent froid avec de gros ventilateurs, anachronismes  et décalages de bon aloi: genre cotte de maille et costumes noirs contemporains, champagne versé dans la casserole de poulets  qui vont tomber par terre avec les tomates, quand on essaye de l’avaler Ah! Ah!. Ah!, et , dans la salle un peu clairsemée, quelques rires de collégiens  qui disent : beurk…(J’ai personnellement une répulsion profonde quand on joue avec de la nourriture sur scène, quelle que soit le type de nourriture, et je ne suis pas certain que les gens qui s’occupent des Restaurants du coeur apprécieraient).
 Les acteurs, bien dirigés, en font beaucoup  mais les bonne idées ne sont pas  exploitées (après tout,  s’ils faisaient vraiment cuire ce fameux poulet basquaise et en offraient aux spectateurs des banquettes, puisqu’il y a largement le temps: la chose dure deux heures  quarante sans entracte!!!  On peut imaginer avec bonheur ce que le Théâtre de l’Unité aurait fait avec un pareil texte.
Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre aurait intérêt à réfléchir sur ce qu’est une véritable dramaturgie, et un scénario bien bâti . On s’étonne au passage que  le Conservatoire national ne lui en ait pas au moins donné les quelques bases indispensables,  quand on veut affronter ce genre de métier…C’est dommage, puisqu’il disposait au départ d’une scène et d’un théâtre  neuf et tout à fait remarquables; deux heures quarante plus loin,on se demande encore bien pourquoi  il a tenu à rendre indigeste et souvent ennuyeuse un spectacle qui aurait pu être drôle s’il avait été mené sans complaisance- on a parfois l’impression gênante d’une bande de copains de promo qui s’amusent plus que le public-  et avec plus d’efficacité  en une heure vingt.

 

Philippe du Vignal

Centre dramatique de Montreuil ,mais c’était jusqu’au 17 octobre puis en tournée

Scènes étrangères à Paris par Irène Sadowska Guillon Avant la séance de cinéma – Cabaret russe- L’opéra paysan

Avant la séance de cinéma – Cabaret russe de Yuri Pogrebnitchko Théâtre Okolo Stanislavskogo de Moscou
et L’opéra paysan de Béla Pintér Théâtre Szkené de Hongrie

 

Ce n’est pas que le théâtre français aille mal, même si parfois on en doute au vu de certains spectacles étrangers qui émaillent cette rentrée théâtrale.
C’était au Théâtre de la Ville, du 19 septembre au 10 octobre, un grand moment de théâtre avec La trilogie du pouvoir du metteur en scène néerlandais d’Anvers Guy Cassiers qui réinterprète l’histoire avec le regard et les moyens scéniques d’aujourd’hui, donne une grande place au texte littéraire traité avec une immense inventivité scénique,  scénographique, sonore dans l’agencement de la mise en scène.
C’était aussi deux pures merveilles de théâtre musical : un spectacle russe Avant la séance de cinéma – Cabaret russe de Yuri Pogrebnitchko, du 13 au 18 octobre, dans un petit théâtre, l’Atalante, et L’opéra paysan spectacle en hongrois de Béla Pintér du 16 au 21 octobre au Théâtre de la Cité internationale dans le cadre du Festival d’Automne. Tous les deux, tels des étoiles filantes, programmés seulement pour cinq ou six représentations, laissent une trace lumineuse dans le firmament théâtral parisien partagé entre la pesante gravité, le télescopage des messages et des discours et la frivolité des divertissantes comédies à trois sous.
Avant séance de cinéma – Cabaret russe, spectacle en français et en russe de Yuri Pogrebnitchko qui inscrit dans une ambiance de cabaret le récit Le sermon aux railleurs de William Saroyan, écrivain américain d’origine arménienne. L’histoire d’Aram, qui part chercher fortune à New York, racontée avec simplicité, une certaine naïveté et humour. Faute de fortune trouvera-t-il au moins le salut ? Trois musiciens, deux acteurs et une extraordinaire comédienne chanteuse jouent avec virtuosité d’un surprenant registre de tons, de rythmes et d’émotions. Romances russes, chansons populaires, tangos, danses endiablées, qui tissent une mosaïque musicale émaillée d’humour, de gags fins, de moments comiques dans la lignée du cinéma muet.
Même énergie, investissement total et maîtrise du jeu chez les acteurs chanteurs et musiciens dans L’opéra paysan de Béla Pintér. Un décor simple, quelques éléments : chariot, outils, banc, pour signifier un village. Alors qu’on doit célébrer deux mariages arrangés surgissent de vieilles histoires secrètes, sordides, les souvenirs refoulés d’un meurtre rappelant Le malentendu de Camus – des parents qui tuent un voyageur pour s’emparer de son argent sans reconnaître en lui leur fils parti et rentré riche au pays. Une parfaite osmose du tragique et du comique dans le langage trivial, rustique, cru et dans les situations où le sordide, l’atroce, le dérisoire, le farcesque s’imbriquent.
Tout cela inscrit dans une partition de Benedek Darvas, composée de musiques populaires transylvaniennes, des chants traditionnels qui deviennent des arias et des récitatifs inspirés par la musique baroque pour cordes, interprétée sur scène par des musiciens intégrés dans l’action. Excellente fluidité de l’enchaînement des séquences avec des flash-back dans le passé, maîtrise des ruptures de rythme, du registre du jeu, du chant, des situations et des mouvements chorégraphiés.
Ne ratez surtout pas ces deux compagnies à leur prochain passage à Paris ou en région.

Irène Sadowska Guillon

Ishem Baily – Bruno Geslin – Kiss me quick par Christine Friedel

kis46528411.jpgTournez manèges : au son d’une belle interprétation d’Elvis Presley (par Mathieu Desbordes – mais l’original est quand même moins au-dessus…), trois « filles », trois générations (Evelyne Didi, Lila Redouane et Delpine Rudasigwa, impeccables) errent entre confessions, exhibitionnisme, pauvres appels au secours (« où est mon rouge à lèvres ? J’ai perdu mon rouge à lèvres !). Où du strip-tease comme microcosme : ces petites et grandes misères, écrites à partir d’entretiens (réalisé par Susan Meiselas), ouvrent l’œil sur un monde à la fois très conventionnel et plein des petites surprises de la vraie vie. Le tout est un peu embrumé par l’insistante nostalgie d’une Amérique fantasmée : le monde dans lequel nous vivons ?

 

Christine Friedel

Alain Foix – Bernard Bloch Le ciel est vide par Christine Friedel

ciel.jpgAlain Foix – Bernard Bloch Le ciel est vide

Au départ, il y eut « l’affaire Dieudonné », image minable de l’antagonisme qui s’est développé à l’échelle mondiale surtout au cours du vingtième siècle entre juifs et « maures ». À la question que lui posait là-dessus Bernard Bloch, Alain Foix a répondu en invitant dans une sorte de paradis visité par la mémoire du monde les deux étrangers du théâtre de Shakespeare, Othello et Shylock, le Maure et le Juif. Tous deux sont de Venise, la ville des échanges et du commerce, où l’on a des chances de rencontrer – et de mépriser – tous les peuples de la Méditerranée. Tous deux souffrent dans leur amour : Othello a soupçonné et tué Desdémone, Shylock a été volé, abandonné et renié par sa fille Jessica. Cela ne fait pas d’eux des frères, pour autant. Les deux fantômes féminins entrent en scène à leur tour, moins difficilement complices. Mais la mort ne réconcilie pas, et, dans la séparation, l’idée affleure que le véritable étranger, l’autre radical, c’est pour l’homme la femme…
Alain Foix réinvente un lyrisme très ambitieux, parfois obscur. La mise en scène et la scénographie (de Didier Payen) – une longue table de biais, répondant à l’écran où le monde vient se rappeler à nous (images de Domnique Aru) -, presque trop belles, nous maintiennent à distance. Peut-être fallait-il oser (surtout pour les femmes) une diction moins respectueuse, pour ne rien perdre de l’énergie du propos.

 

Christine Friedel

 

Avec Anna Azoulay, Philippe Dormoy, Hassane Kouyaté, Morgane Lombard

 

Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre Le Roland par Christine Friedel

Un point de départ : la violence, la guerre, la barbarie, c’est « le moyen âge ». Or, quelle guerre nous est mieux racontée que celle de Charlemagne contre les Sarrazins ? La Chanson de Roland vous a un côté G.W.Bush  contre le terrorisme très tentant pour la troupe du “Théâtre irruptionnel“. Maintenant, plus que la guerre sanglante, la guerre économique enflamme le monde. Dans la réécriture de Hédi Tilette, Roland et Olivier, les beaux-frères ennemis devenus frères de sang à la vie à la mort (lire à ce sujet Victor Hugo) deviennent cadres sup’, chacun son style, dans l’entreprise Magne (Charles), « trahie » par un Ganelon passé à la concurrence. Ça se tiendrait, sans le tour de passe-passe qui fait qu’on ne sait plus où est l’ennemi.
Mais peu importe : les idées ludiques ne manquent pas. Ainsi, la guerre, c’est la boucherie. Donc l’équipe se sert fort justement des gants et tabliers de cottes de mailles fabriqués pour protéger les boucher d’aujourd’hui des inévitables glissements de couteaux. Et c’est là que ça va de moins en moins bien :  ces beaux objets pleins de sens sont à peine utilisés, comme les poulets crus qui auraient dû nous montrer la crudité de la guerre (?), mais dont personne ne sait trop quoi faire, comme le public sur le plateau, tout juste soumis à un tir de pistolet à eau, comme ces « spectateurs » (ou amateurs complices ?) longuement retenus sur scène, pour leur plus grande fierté, certes, mais pour l’ennui certain du public…
Conclusion, hélas pas nouvelle : les « zidées » ne font pas le théâtre.

 

 

Christine Friedel

Nouveau Théâtre de Montreuil- CDN puis en tournée

Joël Pommerat Je tremble (1 et 2) par Christine Friedel

tremble2222222.jpgDu cabaret, Je tremble a tous les éléments : le rideau pailleté, le présentateur s’adressant au public au micro, la musique incessante, vouée à créer puis à soutenir l’émotion, le défilé de « monstres » capables d’exploits surnaturels dans des lumières somptueuses. En même temps, Je tremble va droit à l’exact opposé du divertissement promis : le présentateur annonce sa mort à la fin du spectacle, les corps souffrent. La fille qui revient vers une “famille“ empêtrée ne tient plus debout sur ses hauts talons, elle chute et rechute, en ce qui  pourrait être un numéro de clown, réel et tragique. Un corps démembré en (très élégantes) ombres chinoises rappelle le numéro de la « femme coupée en morceaux », mais les morceaux sont définitivement séparés, sans réparation. Par magie (saluons la régie, exemplaire), un jeune corps se substitue au corps vieilli de la femme qui ne peut se croire aimée telle qu’elle est ; et l’homme quitté, perdu,   souffre de son amour volé : la magie a opéré à l’envers, encore une fois du côté de la douleur. Et ainsi des autres « numéros » de ce cabaret très particulier.
Le travail de Joël Pommerat et de la compagnie Louis Brouillard est toujours fondé sur l’écoute des êtres, de la vie ici et maintenant, d’où ils tirent une poésie unique. Cette fois, ils ont volontairement contaminé ce compte-rendu – toujours respectueux – de la réalité du monde par les formes spectaculaires de l’exhibition : c’est d’une grande beauté, ironique et brutale. Le monde offre un tel réservoir de malheur, de monstruosité - ce qu’on appelle l’inhumain, ou le « trop humain ». 

 

 

Christine Friedel

 

Théâtre de Bouffes du Nord, et en tournée.

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