Le Retour au désert / O Retorno ao deserto de Bernard-marie Koltès, mise en scène de Catherine Marnas
en portugais et français
Mathilde rentre d’Algérie avec ses enfants pour aller dans une ville de l’Est de la France retrouver la maison familiale, qu’elle a quittée il y a quinze ans. La maison où vit très- trop? – paisiblement son frère Adrien, sa femme et son fils. Il pense que Mathilde vient lui rendre visite, mais ,pas du tout, terrible malentendu, puisque Mathilde met très vite les choses au point: elle revendique le droit de s’y installer….Mais Adrien n’apprécie pas beaucoup cette brutale intrusion dans son univers douillet et en vient même à accuser sans ménagements sa chère sœur de vouloir fuir la guerre d’indépendance.. Cela flirte, au second degré bien sûr, avec le théâtre de boulevard. La pièce écrite par Koltès un an avant sa disparition- c’était en 88- et montée la même année par Patrice Chéreau avec finesse et intelligence , réunissait une distribution de premier ordre: Jacqueline Maillan , Michel Piccoli, Monique Chaumette, Pascal Bongard, Isaac de Bankolé… Elle avait été remontée- avec moins de succès- par Nichet et enfin, l’an passé, par Muriel Mayette à la Comédie-Française. Le texte est souvent brillant et incisif, parle à la fois de la famille bien sûr, de la bourgeoisie provinciale- que Koltès connaissait bien- et des rapports toujours ambigus entre frère et soeur sur fond de règlement de compte, comme dans tout bon héritage qui se respecte. » La mémoire de notre père, lance Mathilde en guise d’introduction, je l’ai mise aux ordures, il y a bien longtemps ». » Ne la salis pas, » réplique Adrien; ce à quoi, Mathilde répond « Cela est déjà sale tout seul ». Tout est clair dès les premières scènes…
La pièce est à la fois violente et, par moments pleine d’humour grinçant, et est écrite dans une langue savoureuse. Catherine Marnas a choisi, elle, d’en faire une lecture bilingue franco-brésilienne, où les comédiens se partagent la plupart des personnages, dans une sorte de dédoublement, avec un surtitrage qui envahit aussi les beaux murs courbes de Carlos Calvo que les acteurs déplacent selon le besoin des scènes. C’est réalisé avec une bonne direction d’acteurs, une maîtrise de l’espace et une beauté plastique indéniables. Reste que cette mise en scène ressemble furieusement à une sorte d’exercice de style imposé; pour faire bref: ce qui serait intéressant vingt minutes, ne l’est pas avec aussi d’évidence puisque ce bilinguisme ralentit le rythme ( 2 heures dix sans entracte!). Comme le plateau est presque plongé dans la pénombre et la distribution, disons, inégale, sauf Franck Manzoni, dont le jeu est tout à fait remarquable, l’ennui est souvent au rendez-vous. A voir, si vous êtes un fervent Koltésien et si vous aimez les accent magnifiques du portuguais brésilien, si vous n’êtes pas allergique au surtitrage et si …vous en avez le temps ( il vous reste quelques jours!).
Philippe du Vignal
Théâtre de la Ville, jusqu’au dimanche 9 novembre.