Il sont sept devant nous : le jeune Alex, (26 ans), présumé coupable comme on dit,d’avoir donné un coup de couteau ayant entraîné la mort d’un autre jeune un soir de beuverie. Jean -Pierre et Patricia, ses père et mère, Frédéric son jeune frère, Cécile, sa petite amie, Germain, le frère jumeau de Rémi qui a été tué baignant dans son sang sur un trottoir, et Hélène la narratrice, quelques minutes avant l’ouverture du procès en assises.
En bref, des familles, fascinées par l’irréversible et l’irréparable, marquées au fer rouge par un acte criminel commis par l’un d’entre eux , qu’ils doivent malgré tout assumer devant la société et qui les poursuivra jusqu’à la fin de leur vie. Avec leurs doutes, leur orgueil, surtout celui des parents du jeune Alex, leurs espoirs aussi que la vérité, leur vérité( Alex n’aurait jamais pu faire cela) sorte enfin au fil des audiences qui vont se dérouler. Il y a aussi la prise de conscience que la violence que le père a utilisée dans l’éducation de leur enfant, a fini par se transmettre. Ce que veut aussi dire Nadia Xerri-L., c’est une morceau de la vie de gens sans histoires qui a soudainement basculé, face à une douleur trop grande pour eux; du tragique, le plus souvent sordide, celui des faits divers de la France d’aujourd’hui comme on en connaît un exemple à quelques kilomètres de chez soi, voire dans le voisinage immédiat. Lors d’un soir de fête, la frontière du fameux « Tu ne tueras pas » des dix commandements a vite été franchie, avec, au compteur annuel français, deux cent meurtres jamais vraiment élucidés… L’horreur vécue au quotidien par des gens appartenant souvent à des » milieux modestes, » comme on dit à France-Inter.
Nadia Xerri-L. a pris comme point de départ un article de Ouest-France relatant le procès d’un jeune homme accusé de meurtre qui répète en boucle- ce qui a dû exaspérer le jury d’assises-: » ce n’est pas mon histoire » et dont l’arme du crime, un couteau n’a jamais été retrouvé. Cela pourrait être effectivement l’amorce de ce que Peter Weiss a appelé le théâtre-documentaire, comme on avait pu le voir dans le spectacle Rwanda 94, où l’on tente d’élucider des faits, de parvenir à une vérité. ce peut être aussi une sorte de révélation, comme le firent les journaux vivants en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale.
Le Théâtre de l’Unité a très bien réussi ce pari avec ses fameux kapouchniks ( en russe: soupe) à Audincourt qui théâtralisent l’actualité de la semaine, mais Jacques Livchine et Hervée de Lafond ne changent pas d’un mot les extraits d’articles qu’ils ont été cherchés au fil de la presse hebdomadaire. Oui, mais………….. cette transposition scénique est fondée sur une véritable dramaturgie… Ce qui n’est pas le cas avec ce texte qui, à quelques exceptions près, ne possède pas de dialogues suffisamment solides pour éviter le bavardage. Que nous dit cette pièce que l’ on ne sache déjà? Rien, c’est un fait, et les faits sont têtus.
Et la mise scène n’arrive pas non plus à compenser le déficit textuel; comme c’est tragique, Nadia Xerri-L. pense que la scène doit être noire, vraiment noire, avec une lumière rouge ( pourquoi rouge? Cherchez bien, vous allez trouver); les comédiens , simple coïncidence sans aucun doute, ont aussi des costumes noirs! Ils sont placés face public la plupart du temps, et, pas vraiment dirigés, ils font ce qu’ils peuvent, mais la pièce distille un ennui qui s’installe assez vite. A voir? Allez plutôt voir le dernier film de Depardon; il sait faire, côté document, et rapport qualité /prix, vous ne serez pas déçu, à moins que le sort des derniers paysans du Sud de la France ne vous laisse indifférent. Sinon, grimpez jusqu’au Théâtre des Abbesses.
Philippe du Vignal
Théâtre des Abbesses, (métro Pigalle) jusqu’au 22 novembre à 20 h 30,dimanche à 15 h.( vous avez le temps de réfléchir; au moins, on vous aura prévenu)