La madone des poubelles texte et mise en scène de Jacques Lassalle par Irène Sadowska Guillon
Jacques Lassalle a voulu écrire une pièce sur une jeune fille, pas forcément majeure, qui rappelle Lolita de Nabokov et sur la crise, la corruption, le système mafieux en Argentine du début des années 2000. Il l’a fait. Cela donne La madone des poubelles. « Une tragédie bouffe », dit-il. Il y a Lola, une belle jeune femme du peuple sympathiquement vulgaire, qui, telle une orchidée dans une décharge, vit avec son père Rosko, escroc roublard, toujours à l’affût du gain et son frère travesti, dans un garage devenu entrepôt de vêtements et d’objets récupérés. Il y a un policier, Inspector Segundo, recyclé en maquereau qui contrôle les affaires de Rosko en prélevant sa part et veille sur Lola promise au puissant chef mafieux en prison encore pour deux ans. Il y a enfin un Français au cœur noble, Gratien, qui, victime d’un coup de foudre, s’entiche de la belle Lola au point d’abandonner pour elle domicile, travail, de subir moult humiliations et coups en tentant de l’arracher aux griffes des méchants mafieux. Bref une sorte de Pygmalion qui a trouvé sa Galatée.
Tout ce petit monde vit et opère sous le contrôle et la permanente menace du chef mafieux au bras long faisant la loi depuis sa prison. Rosko et son fils sortent des clous et le payent de leur vie. Gratien, en bon samaritain, touché par la grâce de l’amour fou, tabassé, laissé pour mort, respire encore alors que Inspector Segundo emmène Lola pour la mettre à l’abri.
Pour faire vrai Jacques Lassalle accumule tous les clichés argentins y compris la « religion » du football, la musique omniprésente diffusée par la radio et le tango qu’on danse sur scène. Le réalisme règne : il y a un garage avec ses portes – rideau de fer, des poubelles, de vieilles mobylettes, des tas de fripes qui servent de déguisement, etc.
Mais tout cela sonne faux, et même les acteurs, certains de vrais argentins comme Rodolfo de Souza, Roxana Carrara, Andres Spinelli, malgré leurs efforts, ne parviennent pas à insuffler un peu d’âme, de vie, de vérité à cette Argentine misérable, caricaturale, de pacotille. L’action traîne interminable, pesante, maladroite, sans grâce ni un brin d’humour et même quelques rares coups de théâtre arrivant clopin-clopant ne nous sortent pas de la léthargie et du profond ennui.
Peut-être derrière tout cela y a-t-il une intention plus ou moins avouée de faire à la façon de Brecht, mais c’est raté. On reste dans un socio-mélodrame de mauvais cinéma dans le ton « Pierre Bourdiesque ».
Irène Sadowska Guillon
La madone des poubelles texte et mise en scène de Jacques Lassalle au Théâtre de l’Est Parisien du 6 au 28 novembre 2008