Caterpillar de Hawa Demba Dialo mise en scène Claude Yersin par Irène Sadowska Guillon
Après avoir quitté le CDN d’Angers Claude Yersin travaille beaucoup avec sa compagnie Studio volant en Afrique. On lui doit cette fois la découverte de Hawa Demba Dialo, née en 1970 à Diamou au Mali. Poète, romancière et auteur de théâtre, dont il a créé en mars 2008 à Bamako Caterpillar.
Trois personnages laissés pour compte, jetés tels des déchets dans une décharge, vont se rapprocher et tenter de recréer une famille impossible, sans avenir. Seba (Alimata Balde) jeune bonne tenue en quasi esclavage dans une famille bourgeoise bamakoise, violée et mise enceinte par son patron, est chassé par sa patronne. N’osant pas rentrer dans son village elle échoue dans la décharge. Tout comme Aliou (Tieblé Traore) dit Caterpillar, un Malien qui, expulsé de France et rentré dans son village sans argent, est traité comme un chien et chassé par sa famille. Engagé comme conducteur de Caterpillar il est chargé de nettoyer le terrain vague destiné à la construction et de détruire la cabane qu’il s’était construite et qui sert maintenant d’abri à Seba.
Il y a encore Bijou (Korotoumou Sidibe) fille désavouée de la juge, ex-patronne de Seba, qui, mariée avec un riche, la fait passer pour sa nièce.
Rien ne les lie au départ. Aliou essaye de faire partir Seba qui s’incruste sur ce tas d’ordures ne sachant où aller et de se débarrasser de Bijou qu’il traite de voleuse. Leurs histoires, le désarroi, la faim enfin la naissance du bébé de Seba qu’ils tentent en vain de sauver les rapprochent, une affection nait entre eux. Alors que le bébé affamé meurt Aliou qui a décidé d’adopter tout ce petit monde et de quitter la décharge rêve d’un paradis impossible où il cultivera des tomates, des bananes, du café au lait, des sardines, etc.
Une tragédie atroce, insoutenable et ordinaire que Hawa Demba Dialo montre sans aucun manichéisme, sans délivrer de message, sans didactisme. L’horreur, la violence, la misère matérielle et morale, l’inhumanité, la prédation dans la société malienne, aussi bien dans les familles pauvres qu’aisées.
Une écriture d’une truculence poétique, une langue populaire réinventée, accidentée, prodigue en images. Sur scène peu d’objets : bidons, cuvette, couverture et une hutte détruite à la fin. La mise en scène Claude Yersin, efficace, d’une grande simplicité est rythmée par des bouffées de musique allègre contrastant avec l’histoire tragique pénétrée par moments par l’humour et un certain comique. Une admirable maîtrise du jeu chez les trois acteurs qui donnent à leurs personnages une authenticité, une vérité poignante sans démonstration inutile.
Un spectacle aux antipodes du regard misérabiliste, compassionnel, dénonciateur, porté souvent sur nos scènes sur l’Afrique.Irène Sadowska Guillon
Joué du 11 au 16 novembre 2008 au Théâtre de la Girandole à Montreuil Caterpillar sera visible de nouveau en mars 2009 en région parisienne
Caterpillar de Hawa Demba Dialo mise en scène de Claude Yersin
Vous pouvez retrouvez des images de ce spectacle sur http://www.lequai.tv/fr/bdd/video_id/232