Nous sommes en 1953, en Union soviétique comme on disait alors,quelques semaines avant la mort de Staline, c’est à dire pour des jeunes d’aujourd’hui, dans un siècle bien lointain… Le directeur d’un hôpital central de malades mentaux a invité un brillant écrivain à venir y séjourner pour y écrire une histoire du communisme que l’on pourrait raconter à ses patients dans un but thérapeutique, surtout si cette histoire fait l’apologie du « petit père des peuples » et de ses amis, responsables, comme lui d’exécutions sommaires par centaines de milliers. Youri Petrovski a donc affaire aux infirmières dont l’une devient complètement hystérique quand il lui apprend qu’il a serré la main de Staline en personne et finit par le violer. Le directeur, bien entendu, regarde ce qui se passe dans la chambre de l’écrivain par caméras interposées. Petrovski rencontre aussi les malades classés en débiles légers, moyens ou profonds, dont certains ne sont que des opposants au régime, placés là par précaution politique.
Quant au directeur, arrogant et prétentieux, il règne en maître absolu sur l’hôpital, sorte de microcosme qui constitue une sorte de miroir de la société soviétique; Visniec -poète et auteur dramatique- connaît bien son affaire, puisque, d’origine roumaine, il a dû en 87,quitter son pays qui étouffait sous la dictature, deux ans avant la mort de Ceaucescu pour se réfugier en France. Sa pièce, qui se voudrait un pamphlet politique virulent, se révèle être assez répétitive, passées les dix premières minutes. Quand certains » malades » se révèlent être en fait des opposants politiques, on sent que la pièce pourrait prendre un tournant intéressant mais il est trop tard…
Il y a bien quelques scènes de franche comédie, comme cette engueulade du directeur avec l’une des infirmières qui se termine par une partie de canapé, ou la fête à laquelle les malades invitent Petrovski, ou bien encore les belles images vidéo de la fin où une belle jeune fille nous dit qu’elle a besoin d’utopie ( mais ce très court texte n’est pas de Visniec) , pendant que passent des extraits de film de l’époque ù l’on voit le défilé du peuple devant le corps embaumé de Staline, et les minutes de silence un partout dans le pays. Cendre Chassane s’en tire par cette habile pirouette pour boucler la pièce.
Mais les dialogues et l’intrigue de cette Histoire du communisme racontée aux malades mentaux, malgré un titre alléchant, sont trop légers pour que l’on ait envie de s’y plonger vraiment. Pourtant, Cendre Chassane a réalisé une mise en scène qui ne manque pas d’intérêt, avec des images souvent très fortes comme celles de ces caméras de surveillance qui retransmettent des vues des couloirs sinistres de l’hôpital, avec grossissement sur le mur de fond de scène …Même si on peut regretter que la scénographie soit aussi pauvrette. Les cinq acteurs bien dirigés- Nathalie Bitan, Cendre Chassane, Xavier Czapla, Isabelle Fournier et Jean- Baptiste Gillet-qui jouent plusieurs personnages ( infirmières, malades, directeurs, opposants politiques) font un très bon travail. Mais, rien à faire, le texte, redondant et bavard, ne dit absolument rien que l’on ne sache déjà ou que l’on ne puisse apprendre dans n’importe quel récit ou film historique bien documenté, n’offre guère d’intérêt.
On se demande pourquoi Cendre Chassane, qui avait monté il y a peu Un triomphe de l’amour de Marivaux assez remarquable, a été chercher cet ovni … On préférerait qu’elle nous parle de ce qui se passe en France aujourd’hui sous n’importe quelle forme,( fable, cabaret politique…). Ce serait plus audacieux et plus convaincant…. D’autant plus qu’elle sait mettre en scène, aucun doute là-dessus. Quitte à se répéter, les kapouchniks du Théâtre de l’Unité en sont un exemple d’un excellent niveau et sa revue politique mensuelle à base d’extraits de presse fait un véritable tabac à Audincourt, dans la banlieue de Montbéliard (le prochain est samedi 15 novembre) .
A voir? Peut-être, si vous habitez Clamart ou les environs immédiats, si vous avez envie de voir quelques belles images vidéo et cinq acteurs réaliser une belle performance. Sinon, ce n’est pas vraiment la peine.
Théâtre Jean Arp de Clamart , jusqu’au 23 novembre.