Meurtre par omission de Jean-Pierre Klein, mise en scène de Philippe Adrien par Irène Sadowska Guillon
Cela pourrait être un théâtre de débat, dialectique à la Brecht ou un théâtre forum à la Boal. Par bonheur il n’en est rien, Jean-Pierre Klein nous propose dans Meurtre par omission une approche beaucoup plus complexe de l’euthanasie allant au-delà d’une simple confrontation du pour et du contre. Sujet difficile, peu abordé sur scène par crainte de heurter les sensibilités.
Deux sœurs, Christine, l’ainée (Agathe Alexis) et Clémence (Anne de Broca) veillent tantôt ensemble, tantôt à tour de rôle, leur sœur cadette, Claire (Nicole Estrabeau) tombée dans un coma dont on ne connaît pas la cause : ingestion de médicaments ? coma spontané ? ou réaction psychosomatique ? Des souvenirs émergents, des rancunes, des rivalités, des culpabilités se cristallisent autour de la figure du père. Les sentiments contradictoires, la révolte, la jalousie des deux sœurs à l’égard de Claire et de sa relation privilégiée avec le père.
Atteint d’une maladie incurable qui amène sa dégradation physique et mentale il l’a choisi pour commettre un « crime d’amour », l’aider à mourir. Crime ou acte d’amour, de délivrance ? Peu à peu, au gré des ressentiments, de l’usure par les veilles auprès de la malade, la frontière entre les positions opposées des deux sœurs s’estompe. De sorte que Christine, hostile au départ à l’euthanasie, passera à l’acte par omission en arrêtant les soins. Quelles sont ses véritables raisons ? Raisons ou pulsions ? Tiennent-elles à son exclusion de la relation complice entre le père et sa sœur Claire ou remontent-elles bien plus loin, à la perte de l’exclusivité de l’amour de son père ? Ce qui justifie à ses yeux son acte : le coma irréversible de Claire. Mais est-il vraiment irréversible ?
Jean-Pierre Klein sème les questions, les énigmes sans avancer de réponses. À nous de les chercher si tant est qu’il y en ait de claires et de précises.
Philippe Adrien dont on connaît l’art de manier le clair-obscur imprime à l’espace dépouillé : un lit médical, une table, deux chaises, une atmosphère de peintures de Rembrandt.
Les deux actrices Agathe Alexis et Anne de Broca, excellentes, imprègnent le lieu de leur présence, des fantômes du passé, des souvenirs, des fautes, des soupçons comme si elles accomplissaient un étrange rituel sacrificiel. Leurs voix se mêlent, s’opposent, s’allient. Les mouvements, la gestuelle sont précis, d’une grande justesse et rigueur. Cette énigmatique cérémonie se déroule sur un rythme lent, toujours tendu, la parole émaillée de silences intenses, avance tel un mouvement d’adagio. Du théâtre comme on en voit rarement.Irène Sadowska Guillon
Meurtre par omission de Jean-Pierre Klein mise en scène de Philippe Adrien
au Théâtre de l’Atalante du 12 novembre au 10 décembre 2008rencontres débats à l’issue des représentations
lundi 17 novembre Jean-Luc Roméro, Président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité
jeudi 20 novembre Patrice van Eersel, journalistes à Nouvelle clés
lundi 24 novembre Michel Maffesoli, professeur de sociologie à la Sorbonne
jeudi 27 novembre Didier Dumas, psychanalyste
lundi 1er décembre Dominique Desmichelle, psychanalyste
jeudi 4 décembre Christian Phéline, neurochirurgien