Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, mise en scène de Yann-Joël Collin, traduction et adaptation de Pascal Collin
Imaginez, pour ceux d’entre vous qui ne la connaissent pas, une grande salle- autrefois réserve à décors de l’Opéra-Comique-toute en béton, aménagée avec un gradin frontal muni d’un bar en haut et d’un autre en bas, et deux gradins latéraux pour le public. Au centre, quelques praticables simples et un rideau. Il y aussi un petit orchestre rock, des guirlandes de lumière un peu partout, une caméra-vidéo retransmettant le visage des spectateurs qui entrent et, plus tard celui des comédiens qui jouent un peu partout dans la salle. Déjà souvent vu mais bon…
On demande à quelques spectateurs de venir se mêler aux acteurs : on n’est pas du tout, on l’aura compris dès les premières minutes, dans l’illusion mais plutôt dans une sorte de lecture personnelle de la pièce par Yann-Joël Collin. Les acteurs, en vêtements de ville tout à fait banals et assez laids, munis la plupart du temps de micros HF, hurlent, courent, montent sur les praticables, éclairés par une poursuite-lumière, en redescendent pour aller jouer dans les rangs du public, et chantent parfois des passages du texte.
Tout ce bric-à-brac scénique, finalement assez racoleur, inspiré du cirque et du music-hall, trop utilisé ces dernières années, a pris un sacré coup de vieux et est surtout dénué de la moindre efficacité. « La théâtralité suraffirmée, dit Yann Joël Collin, par cet improbable mélange, permet de débarrasser la scène de toute inscription réelle ou mythique qui daterait la fiction ou soumettrait la scène à l’histoire, la philosophie ou la littérature » (…) « L’aveu que l’histoire et ses personnages sont un décorum fixe l’attention sur l’essentiel: la situation rendue à son essence et à son exemplarité ». On veut bien! Mais heureusement, le spectacle échappe en partie à ce galimatias pseudo-théorique, et il y a de très belles images, malgré de sérieux problèmes de rythme. La version initiale les premiers jours, durait quatre heures sans entracte! Et la deuxième avec entracte, dure toujours quatre heures… Vous êtes donc prévenus! Ce qui ne correspond pas à la durée normale de la pièce mais, comme l’attention du spectateur est constamment sollicitée, cela arrive tant que bien que mal à passer.
Grâce surtout, à quelques acteurs formidables comme Alexandra Scicluna, Cyrille Bothorel ou Eric Louis. Mais le spectacle et Yann Joël Collin le dit honnêtement-est du théâtre expérimental- la pièce ici semble avoir été lavée et essorée à la machine, et il y manque quand même un sacré parfum de rêve et d’érotisme. Comme on a tiré le texte plutôt vers son aspect farcesque, on a surtout l’impression d’une jeune compagnie de comédiens très unis, qui, dans le sillage d’Antoine Vitez leur maître à plusieurs, s’amusent au sortir de l’école, à nous montrer leur savoir-faire, avec, disons, une certaine complaisance…
Mais sans vouloir offenser personne, la bande de joyeux drilles qui a déjà un beau parcours derrière elle, frise maintenant la quarantaine… Et, comme la pièce ne se laisse pas faire, cela ne fonctionne pas tout à fait. Le moment le plus réussi étant sans doute la fameuse scène de Pyrame et Thisbé. Quant au public, il semble partagé: la professeur de collège qui était près de nous, avait le plus grand mal à faire garder le silence à ses adolescents qui ne s’intéressaient guère aux scènes proposées, sauf à celle de Pyrame et Thisbé, sans doute la plus réussie. L’étiquette: théâtre expérimental, dixit le metteur en scène-a bon dos et a été trop galvaudée, et ce n’est pas une bonne bonne carte à jouer, surtout dans une grande salle, comme celle des ateliers Berthier.
Le plus émouvant pour nous-et sans doute pour nous seul l’autre soir- était de voir dans la salle les jeunes comédiens, issus de la dernière promotion de l’Ecole du Théâtre national de Chaillot, mise à mort il y a deux ans par les bons soins du Ministère de la Culture et d’Ariel Goldenberg. Ils avaient monté une très belle adaptation de Roméo et Juliette beaucoup jouée dans le Midi, et regardaient leurs aînés sur scène.
Alors à voir? Oui, pour les comédiens et l’esprit de troupe assez rare aujourd’hui; non, pour l’adaptation, la mise en scène et la durée excessive du spectacle; s’il était resserré, les choses iraient déjà autrement.. A suivre donc mais Yann Jöel Collin a fait beaucoup mieux, en particulier avec une remarquable mise en scène d’Henry IV du même William Shakespeare.
Philippe du Vignal
Odéon-Ateliers Berthier, rue André Suarès Paris XVIII ème.