LE CHEMIN DES PASSES DANGEREUSES

LE CHEMIN DES PASSES DANGEREUSES  Institut Marcel Rivière La Verrière 25 novembre par Edith Rappoport

 

De Michel Marc Bouchard, mise en scène Laurence Despezelle-Pérardel, compagnie des Pas Perdus

Trois frères se retrouvent égarés au fin fond d’une forêt québecoise, sur le bord d’une route surplombant un lac après l’accident de leur camion. Ils évoquent leurs relations d’enfants, la mort de leur père disparu au même endroit, des années auparavant. Sur le grand plateau nu du théâtre de cet hôpital psychiatrique unique en France, Fabrice Leroux, Walter Hotton et Guillaume Tagnati imposent une très forte tension qui captive un public pourtant clairsemé. La beauté et la violence des souvenirs d’enfance où se mélangent l’amour et la haine, la fascination et le rejet du père.


Archive pour 26 novembre, 2008

L’homme qui a voulu être roi de Ignacio Garcia May

L’homme qui a voulu être roi,  « El hombre que quiso ser rey«  texte et mise en scène Ignacio Garcia May au Centre Dramatique National Maria Guerrero de Madrid du 20 novembre 2008 au 4 janvier 2009  par Irène Sadowska Guillon

hommbrequequiso.jpg Ignacio Garcia May est un auteur à part dans la génération des dramaturges « quadras » espagnols à la fois par la diversité de ses sources d’inspiration, l’interrogation des divers aspects de notre civilisation, mise souvent en perspective d’époques lointaines, mythiques ou projetée dans un futur probable et par le registre extrêmement vaste des formes auxquelles il recourt dans son écriture.
Deux pièces de Ignacio Garcia May Les vivants et les morts et Série B sont déjà publiées en France aux Éditions de l’Amandier.
Dans L’homme qui a voulu être roi il s’inspire d’un récit de Rudyard Kipling dont John Huston a tiré en 1975 son célèbre film L’homme qui voulait être roi avec Michael Caine et Sean Connery. Ignacio Garcia May met le récit de Kipling en abîme d’un conte raconté à des touristes dans un bazar par un marchand de tapis.
C’est l’histoire de deux soldats de l’armée coloniale britannique qui décident d’aller à la recherche du trésor et de la cité mythique d’Alexandre le Grand au Kâfiristân, quelque part à la frontière de l’Afghanistan et du Pakistan. Après moult aventures ils finissent par trouver le trésor et la cité antique d’Alexandre. L’un deux, Daniel, devient roi de la tribu qui y vit et se proclame Dieu. Le nouveau roi et son compagnon, Peachey, tentent de développer le pays, les péripéties s’enchaînent. Au bout de quelques années de règne Peachey veut rentrer chez lui, Daniel, le roi, veut se marier. Le mariage fera sa perte. Sa divinité démythifiée il est décapité. Son ami crucifié ressuscite. Au vu de ce miracle la tribu le laisse partir avec la tête de l’ex roi qui le guidera sur son chemin de retour. On se retrouve à la fin dans la boutique du marchand de tapis qui termine son récit en faisant la quête dans le public.
Dans sa mise en scène d’une grande simplicité et rigueur Ignacio Garcia May multiplie les mises en abîme : de la boutique du marchand qui propose au public – touristes dans un bazar, d’acheter ses tapis, jusqu’aux divers lieux des aventures des deux soldats. Sur scène quelques accessoires dont on fait un usage multiple : une malle : on en sortira à un moment un crâne, un narguilé qui devient serpent, cornemuse, une statue d’Alexandre cachette du trésor.
Un espace mental du conte où quelques signes suffisent pour que la magie du théâtre opère en suscitant l’imaginaire des spectateurs. Dans le même esprit, les costumes jouent sur quelques éléments évocateurs du style afghan : pantalons, tuniques et uniformes de l’armée britannique.
Deux musiciens sur le côté du plateau, l’Espagnol (Eduardo Aguirre) et l’Iraniens (Majid Javadi) jouent d’instruments perses et occidentaux et interviennent dans l’action. La musique originale de Eduardo Aguirre, inspirée par des motifs perses, afghans, pakistanais, joue un rôle fondamental dans la dramaturgie scénique, elle crée un espace sonore et les effets dramatiques.
Les deux acteurs Marcial Alvarez en marchand conteur, soldat, etc. et José Luis Patiño en roi, éblouissent par la maîtrise exceptionnelle de la technique et du registre du jeu, du comique au tragique, toujours en nuances, précis, jamais surchargé.
Mais ce conte sous une allure légère, laisse transparaître des contenus métaphoriques, politiques. Les deux soldats dont la relation peut rappeler certes celle de Don Quijote et Sancho Panza, n’évoquent-ils pas aussi des soldats contemporains, des marines américains dans une expédition néocoloniale, voire une guerre « civilisatrice » peut-être celle d’Irak ou celle d’Afghanistan ?
Animés par le rêve utopique d’un trésor, d’une cité perdue, d’une conquête à la Alexandre le Grand, nos braves soldats du conte, sympathiques par ailleurs, véhiculent « l’idéologie » colonialiste : foi en la supériorité de la race, de la civilisation, de la religion occidentale, en la nécessité de les imposer aux barbares, stratégie de manipulation des peuples indigènes et d’intervention dans les conflits locaux pour s’emparer ou conserver la richesse et le pouvoir.

Irène Sadowska Guillon

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