Meurtre par omission de Jean-Pierre Klein, mise en scène de Philippe Adrien par Irène Sadowska Guillon

droppedimage.jpgCela pourrait être un théâtre de débat, dialectique à la Brecht ou un théâtre forum à la Boal. Par bonheur il n’en est rien, Jean-Pierre Klein nous propose dans Meurtre par omission une approche beaucoup plus complexe de l’euthanasie allant au-delà d’une simple confrontation du pour et du contre. Sujet difficile, peu abordé sur scène par crainte de heurter les sensibilités.
Deux sœurs, Christine, l’ainée (Agathe Alexis) et Clémence (Anne de Broca) veillent tantôt ensemble, tantôt à tour de rôle, leur sœur cadette, Claire (Nicole Estrabeau) tombée dans un coma dont on ne connaît pas la cause : ingestion de médicaments ? coma spontané ? ou réaction psychosomatique ? Des souvenirs émergents, des rancunes, des rivalités, des culpabilités se cristallisent autour de la figure du père. Les sentiments contradictoires, la révolte, la jalousie des deux sœurs à l’égard de Claire et de sa relation privilégiée avec le père.
Atteint d’une maladie incurable qui amène sa dégradation physique et mentale il l’a choisi pour commettre un « crime d’amour », l’aider à mourir. Crime ou acte d’amour, de délivrance ? Peu à peu, au gré des ressentiments, de l’usure par les veilles auprès de la malade, la frontière entre les positions opposées des deux sœurs s’estompe. De sorte que Christine, hostile au départ à l’euthanasie, passera à l’acte par omission en arrêtant les soins. Quelles sont ses véritables raisons ? Raisons ou pulsions ? Tiennent-elles à son exclusion de la relation complice entre le père et sa sœur Claire ou remontent-elles bien plus loin, à la perte de l’exclusivité de l’amour de son père ? Ce qui justifie à ses yeux son acte : le coma irréversible de Claire. Mais est-il vraiment irréversible ?
Jean-Pierre Klein sème les questions, les énigmes sans avancer de réponses. À nous de les chercher si tant est qu’il y en ait de claires et de précises.
Philippe Adrien dont on connaît l’art de manier le clair-obscur imprime à l’espace dépouillé : un lit médical, une table, deux chaises, une atmosphère de peintures de Rembrandt.
Les deux actrices Agathe Alexis et Anne de Broca, excellentes, imprègnent le lieu de leur présence, des fantômes du passé, des souvenirs, des fautes, des soupçons comme si elles accomplissaient un étrange rituel sacrificiel. Leurs voix se mêlent, s’opposent, s’allient. Les mouvements, la gestuelle sont précis, d’une grande justesse et rigueur. Cette énigmatique cérémonie se déroule sur un rythme lent, toujours tendu, la parole émaillée de silences intenses, avance tel un mouvement d’adagio. Du théâtre comme on en voit rarement.

Irène Sadowska Guillon

Meurtre par omission de Jean-Pierre Klein mise en scène de Philippe Adrien
au Théâtre de l’Atalante du 12 novembre au 10 décembre 2008

rencontres débats à l’issue des représentations

lundi 17 novembre Jean-Luc Roméro, Président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité
jeudi 20 novembre Patrice van Eersel, journalistes à Nouvelle clés
lundi 24 novembre Michel Maffesoli, professeur de sociologie à la Sorbonne
jeudi 27 novembre Didier Dumas, psychanalyste
lundi 1er décembre Dominique Desmichelle, psychanalyste
jeudi 4 décembre Christian Phéline, neurochirurgien


Archive pour novembre, 2008

Caterpillar de Hawa Demba Dialo mise en scène Claude Yersin par Irène Sadowska Guillon

caterpillar.jpgAprès avoir quitté le CDN d’Angers Claude Yersin travaille beaucoup avec sa compagnie Studio volant en Afrique. On lui doit cette fois la découverte de Hawa Demba Dialo, née en 1970 à Diamou au Mali. Poète, romancière et auteur de théâtre, dont il a créé en mars 2008 à Bamako Caterpillar.
Trois personnages laissés pour compte, jetés tels des déchets dans une décharge, vont se rapprocher et tenter de recréer une famille impossible, sans avenir. Seba (Alimata Balde) jeune bonne tenue en quasi esclavage dans une famille bourgeoise bamakoise, violée et mise enceinte par son patron, est chassé par sa patronne. N’osant pas rentrer dans son village elle échoue dans la décharge. Tout comme Aliou (Tieblé Traore) dit Caterpillar, un Malien qui, expulsé de France et rentré dans son village sans argent, est traité comme un chien et chassé par sa famille. Engagé comme conducteur de Caterpillar il est chargé de nettoyer le terrain vague destiné à la construction et de détruire la cabane qu’il s’était construite et qui sert maintenant d’abri à Seba.
Il y a encore Bijou (Korotoumou Sidibe) fille désavouée de la juge, ex-patronne de Seba, qui, mariée avec un riche, la fait passer pour sa nièce.
Rien ne les lie au départ. Aliou essaye de faire partir Seba qui s’incruste sur ce tas d’ordures ne sachant où aller et de se débarrasser de Bijou qu’il traite de voleuse. Leurs histoires, le désarroi, la faim enfin la naissance du bébé de Seba qu’ils tentent en vain de sauver les rapprochent, une affection nait entre eux. Alors que le bébé affamé meurt Aliou qui a décidé d’adopter tout ce petit monde et de quitter la décharge rêve d’un paradis impossible où il cultivera des tomates, des bananes, du café au lait, des sardines, etc.
Une tragédie atroce, insoutenable et ordinaire que Hawa Demba Dialo montre sans aucun manichéisme, sans délivrer de message, sans didactisme. L’horreur, la violence, la misère matérielle et morale, l’inhumanité, la prédation dans la société malienne, aussi bien dans les familles pauvres qu’aisées.
Une écriture d’une truculence poétique, une langue populaire réinventée, accidentée, prodigue en images. Sur scène peu d’objets : bidons, cuvette, couverture et une hutte détruite à la fin. La mise en scène Claude Yersin, efficace, d’une grande simplicité est rythmée par des bouffées de musique allègre contrastant avec l’histoire tragique pénétrée par moments par l’humour et un certain comique. Une admirable maîtrise du jeu chez les trois acteurs qui donnent à leurs personnages une authenticité, une vérité poignante sans démonstration inutile.
Un spectacle aux antipodes du regard misérabiliste, compassionnel, dénonciateur, porté souvent sur nos scènes sur l’Afrique.

Irène Sadowska Guillon

Joué du 11 au 16 novembre 2008 au Théâtre de la Girandole à Montreuil Caterpillar sera visible de nouveau en mars 2009 en région parisienne
Caterpillar de Hawa Demba Dialo mise en scène de Claude Yersin

GRAFITTIS Théâtre de Chelles 11 novembre par edith Rappoport

 

D’après l’oeuvre de Julio Cortazar, mise en scène d’Anton Kouznetzov dans le cadre des mardis des auteurs.

 

Une fois par mois, le théâtre de Chelles organise des représentations sur des thèmes philosophiques ou politiques. Il s’agit, cette fois de l’Argentine à travers deux personnages, exilés politiques qui se rencontrent dans le métro parisien. Le spectacle est bâti à travers deux nouvelles de Cortazar, on a du mal à démêler les fils de l’intrigue, les acteurs maîtrisant mal leur texte dans cette grande salle dégarnie où nous sommes engoncés dans des sièges trop profonds. L’initiative est courageuse, mais la salle est trop grande pour ce type d’expérience, et nous ne parvenons pas à assister au débat lancé par le dynamique Marc le Glatin.

CÔTE D’AZUR La Serre de Lieusaint 10 novembre par Edith Rappoport

Scénographie, écriture scénique et mise en scène de Denis Chabroullet, Théâtre de la Mezzanine.

 

La Mezzanine travaille depuis une trentaine d’années en Seine et Marne, c’est une vraie compagnie qui a construit patiemment son écriture, qui a tissé des liens profonds avec son territoire. Depuis 20 ans, Denis Chabroullet a rompu avec le texte, ses spectacles sont sans paroles articulées, ils nous parlent de la violence du monde qui nous entoure, des pauvres gens qui se débattent et qui sont la richesse de notre monde. Depuis six ans, la Mezzanine a trouvé un havre précaire dans un ancien Jardiland à l’abandon, grâce à Alain Grasset qui avait été, pendant 2O ans le premier directeur de la Coupole, Centre d’animation culturelle de Combs la ville.Avec des moyens modestes, une convention de la DRAC et un soutien des collectivités territoriales, la Mezzanine tourne beaucoup à l’étranger, Allemagne, Italie, Portugal, un peu en France, malgré le dédain des grandes institutions françaises, y compris les plus proches.

 

Le public est accueilli dans un foyer chaleureux, on se croirait dans un chalet de montagne, les gens se pressent autour du bar, des jeunes, des vieux, un public mélangé, des professionnels sont venus dans une navette affrétée par le Théâtre de la Marionnette à Paris qui soutient régulièrement leurs initiatives. On pénètre dans une salle quadrangulaire cernée de panneaux de bois qui s’ouvrent par intermittences sur une station service Azur à l’abandon, vitres brisées, vieille pompe à essence des années 50, tank remisé, bar décati, le tout entouré d’eau. Une jeune femme s’acharne frénétiquement sur un flipper, le patron du bar éructe, un musicien s’agite sur sa batterie. Les 11 comédiens qui incarnent une humanité à l’abandon se vautrent dans les égouts, escaladent ces ruines, s’agressent, une jeune femme dénudée s’agite dans une baignoire, le tank sort poussivement du garage, une grande femme en guêpière se hisse sur le toit, un couple d’hommes promène un vieux landau d’où émergent des vagissements, on se fait brutaliser sur des chaises de dentiste, tout ça sur des rythmes musicaux frénétiques saisissants conçus par Roselyne Bonnet de Tuves et Lionel Sellier. Les spectateurs qui se déplacent autour du dispositif peuvent saisir tous les points de vue à travers les guichets. La Mezzanine m’a offert une belle émotion

Edith Rappoport

Côte d’azur, scénographie/ écriture scénique et mise en scène de Denis Chabroullet par Philippe du Vignal.

cotedazur.jpgCôte d’azur, scénographie/écriture scénique et mise en scène de Denis Chabroullet

Dernier opus du Théâtre de la Mezzanine, dans un ancien Jardiland- lieu de travail de cette compagnie-situé dans les champs à Lieusaint (Seine-et-Marne).

Imaginez une aire de jeu, close par une palissade de planches de vingt mètres sur dix environ, avec des sortes de meurtrières rectangulaires d’un mètre 2, munies chacune d’un volet coulissant en bois. Avec aussi , pour se reposer un peu, des banquettes où les quelque cent  spectateurs peuvent s’asseoir et regarder,  quand ils ne déambulent pas dans une galerie tout autour, où une série d’écrans vidéo retransmet des plans moyens ou gros plans de l’action. Vous suivez? Le dispositif est  intelligemment  conçu, et bien réalisé, puisqu’il place chaque spectateur dans une position de voyeur, qu’il marche ou qu’il soit assis, grâce ces meurtrières  masquées parfois par un rideau qui descend, le laissant frustré et l’obligeant à aller plus loin.

Dans l’espace scénique, un bar délabré des années cinquante aux vitres cassées, avec un billard électrique, et une pendule en noir et blanc, des sièges fatigués et un éclairage pâlichon; quant à  l’enseigne lumineuse AZUR, elle est bien fatiguée et l’éclairage de la lettre U ne cesse de sauter. Derrière ce bar, une sorte d’ancien garage, avec un tableau électrique hors d’usage, un vieux poste de radio en bois et, sous une bâche, un véhicule qui se révélera plus tard être un petit char d’assaut d’où sortira un soldat au casque en feu. Il y a aussi sur un des côtés, un monte-charge et sur l’autre, une vieille pompe rouge fané de gaz-oil. Sur l’aire de jeu, autour du bar et de l’ancien garage,  couverte d’une dizaine de centimètres d’eau,  deux anciens fauteuils de coiffeur  en moleskine rouge, une baignoire-sabot en zinc, une vieille moto-bécane, et un lit-cage … Vous suivez toujours?

Dès l’entrée, on reste admiratif devant cette installation plastique, (même si on  a pu voir autrefois  des choses proches au Centre Georges Pompidou) mais qui possède ici une présence dramatique rappelant souvent l’univers du grand Tadeusz Kantor qui avait une passion pour une réhabilitation éphémère, une seconde vie donnée à des reliques, des objets de « bas étage » comme il disait souvent, des caves, greniers, décharges…
La musique de Roselyne Bonnet des Tuves-jouée par Martial Bore à la guitare et par Lionel Seillier à la batterie, et l’univers sonore qu’elle a composé, sont de premier ordre :chansons populaires,  morceaux de textes classiques dont on arrive à capter la seule musique des alexandrins et des mots-symboles: amour, honneur, gloire, temps, vertu, malheur, etc.  et des airs d’opéra,  ou un chant de Noël, joyeux et désuet. Bref, une sorte de bric-à-brac intelligent,  en parfaite  osmose avec cet environnement. Il y a aussi le travail, de très grande qualité, de Jérôme Buet sur les lumières  qui disent bien le blafard et le glauque d’un univers de bofs.

Oui, bon, mais que s’y passe-t-il au juste? A vrai dire, pas grand chose d’intéressant! Les personnages hurlent, s’injurient, picolent de temps à autre, une fille se fait violer, tout le monde se vautre dans l’eau ou s’y fait traîner, une autre fille nue patauge dans la baignoire. Tout cela dans la buée et les fumigènes: bref, l’univers habituel de Denis Chabroullet… Les comédiens, peu ou mal dirigés, s’engagent physiquement mais font souvent un peu n’importe quoi, sur le plan de la voix et du geste, et, du coup, ne sont guère crédibles.

Il y a, dans les images proposées, les apparences de l’efficacité, mais seulement les apparences. Manque ici une dramaturgie avec une véritable unité entre la structure formelle de moyens scéniques assez considérables, et une fable… qui reste à inventer. Il faut avoir l’honnêteté de dire qu’une grande partie du public semble s’en contenter. Désolé, Denis Chabroullet, nous sommes peut-être trop exigeant, mais pour nous, le compte n’y est pas tout à fait…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Mezzanine à la Serre, les lundi, vendredi et samedi jusqu’au 8 décembre; réservation obligatoire: T: 01-60-60-41-30.

Il y a une navette gratuite, Place Denfert-Rochereau à Paris (réservation obligatoire: T: 01-44-64-79-70) pour les samedi 15, lundi 17, samedi 22 et lundi 24 novembre. Si vous y allez en voiture, prenez votre GPS  et/ou une carte, et demandez bien le parcours, quand vous réserverez: ce n’est pas du tout évident à trouver…

 

La madone des poubelles texte et mise en scène de Jacques Lassalle par Irène Sadowska Guillon

arton193.jpgJacques Lassalle a voulu écrire une pièce sur une jeune fille, pas forcément majeure, qui rappelle Lolita de Nabokov et sur la crise, la corruption, le système mafieux en Argentine du début des années 2000. Il l’a fait. Cela donne La madone des poubelles. « Une tragédie bouffe », dit-il. Il y a Lola, une belle jeune femme du peuple sympathiquement vulgaire, qui, telle une orchidée dans une décharge, vit avec son père Rosko, escroc roublard, toujours à l’affût du gain et son frère travesti, dans un garage devenu entrepôt de vêtements et d’objets récupérés. Il y a un policier, Inspector Segundo, recyclé en maquereau qui contrôle les affaires de Rosko en prélevant sa part et veille sur Lola promise au puissant chef mafieux en prison encore pour deux ans. Il y a enfin un Français au cœur noble, Gratien, qui, victime d’un coup de foudre, s’entiche de la belle Lola au point d’abandonner pour elle domicile, travail, de subir moult humiliations et coups en tentant de l’arracher aux griffes des méchants mafieux. Bref une sorte de Pygmalion qui a trouvé sa Galatée.
Tout ce petit monde vit et opère sous le contrôle et la permanente menace du chef mafieux au bras long faisant la loi depuis sa prison. Rosko et son fils sortent des clous et le payent de leur vie. Gratien, en bon samaritain, touché par la grâce de l’amour fou, tabassé, laissé pour mort, respire encore alors que Inspector Segundo emmène Lola pour la mettre à l’abri.
Pour faire vrai Jacques Lassalle accumule tous les clichés argentins y compris la « religion » du football, la musique omniprésente diffusée par la radio et le tango qu’on danse sur scène. Le réalisme règne : il y a un garage avec ses portes – rideau de fer, des poubelles, de vieilles mobylettes, des tas de fripes qui servent de déguisement, etc.
Mais tout cela sonne faux, et même les acteurs, certains de vrais argentins comme Rodolfo de Souza, Roxana Carrara, Andres Spinelli, malgré leurs efforts, ne parviennent pas à insuffler un peu d’âme, de vie, de vérité à cette Argentine misérable, caricaturale, de pacotille. L’action traîne interminable, pesante, maladroite, sans grâce ni un brin d’humour et même quelques rares coups de théâtre arrivant clopin-clopant ne nous sortent pas de la léthargie et du profond ennui.
Peut-être derrière tout cela y a-t-il une intention plus ou moins avouée de faire à la façon de Brecht, mais c’est raté. On reste dans un socio-mélodrame de mauvais cinéma dans le ton « Pierre Bourdiesque ».

 

Irène Sadowska Guillon

 

La madone des poubelles texte et mise en scène de Jacques Lassalle au Théâtre de l’Est Parisien du 6 au 28 novembre 2008

Le Procès-Spectacle, mise en scène de Michel Roger , création collective de la compagnie Jolie Môme.

affiche6nov3dechirepage119640.jpg La Compagnie Jolie Môme, c’est d’abord un troupe, une vraie troupe de douze comédiens/chanteurs /musiciens comme il n’y en a plus guère, à part la Comédie-française mais qui n’ a pas, mais pas du tout-on s’en doute- les mêmes moyens, et  qui travaille dans un tout autre registre. lls sont logés à La Plaine Saine-Denis à La Belle Etoile, un lieu merveilleux, généreusement prêté et mis aux indispensables normes de sécurité  par la Ville de Saint-Denis qui peut être fière de son initiative . Imaginez une ancienne salle des fêtes municipale, avec son plafond parsemé d’étoiles dorées et  supporté par des fermes Polonceau *,avec une partie accueil  dotée de tables où l’on peut se restaurer et derrière, une belle petite salle de 150 places.
  Le Procès- Spectacle, qui vient d’être créé dans sa forme actuelle, est une sorte de réponse artistique au procès -qui se tiendra le 11 décembre prochain à la 14 ème chambre correctionnelle de Paris- procès intenté par la C.F.D.T., qu’on ne présente plus , pour violation de domicile contre Michel Roger et Ludovic Prieur. Le metteur en scène qui n’en est pas à son coup d’essai- avait même réussi avec tous ses copains intermittents du spectacle à  obliger le Ministre de la Culture de l’époque Renaud Donnedieu de Vabres à quitter la Cour d’Honneur du Palais des Papes à Avignon en disant aux comédiens: « S vous jouez, ce sera sans le Ministre; sinon vous ne jouez pas. Le Ministre est parti… Donc, le metteur en scène et ses complices s’étaient invités dans les locaux de la CFDT,  il y a trois ans déjà , pour demander au nom de quoi les « accords » concernant le statut des intermittents du spectacle avaient été signés. mais la CFDT n’avait pas du tout apprécié…Le ridicule ne tue pas!
  Ce procès- spectacle avec un président, une procureur , une avocate,un greffier et tout un défilé de témoins, dont Spartacus, Eve, une espèce de gourou indien dont les mandras approximatifs sont traduits par un commentateur à l’accent québécois, la Crise incarnée par une jeune femme en robe blanche, etc… est une sorte de cabaret politique aux dialogues burlesques finement ciselés qui sont constamment soutenus par un petit orchestre de quatre excellents musiciens/chanteurs . C’est bien, entendu, le plus souvent en phase avec l’actualité politique du moment: « casse-toi pauvre conne », lance à un témoin la Procureure  à qui le Président demande de surveiller son langage;  un autre témoin cite la phrase d’un ex- syndicaliste CFDT: « Si le patronat rétablissait l’esclavage, la CFDT négocierait le poids des chaînes.
  Le langage est souvent cru et d’un humour grinçant, parfois à la limite de la vulgarité ou de la facilité, mais, comme ce cabaret politique est bien écrit et toujours intelligemment fait, que la musique et les chansons sont vraiment impeccables, cela passe la rampe sans difficulté: Michel Roger et ses complices savent emmener leur public là où ils veulent avec un savoir-faire de premier ordre et chacun sait que le cabaret est une rude école pour les artistes…
   Cela fait souvent penser à Coluche et au Café de la Gare de la grande époque.Il y aussi une ou invité-surprise par soir; hier c’était la comédienne Valérie Marinho de Moura du Collectif Génocide made in France qui rappelle l’épisode tristement célèbre de l’intrusion de l’ Etat français dans la préparation du génocide rwandais. Ce sont les dix minutes « sérieuses » de la soirée. Il y aura prochainement:Patrick Braouezec, député PCF, Alain Krivine de la LCR ou Maurice Lemoine , rédacteur en chef du Monde Diplomatique.
   Certes, le spectacle mériterait d’être mieux construit- il y a parfois des longueurs et la machine patine un peu dans le dernier quart d’heure; mais les choses devraient se caler après les premières. Si vous ne connaissez pas encore Jolie Môme, c’est une bonne occasion de découvrir la belle insolence de ce cabaret politique et si vous avez une petite place dans votre voiture- la Belle étoile est un peu loin du métro- faites signe à Madame Albanel, cela lui changera peut-être les idées et elle verra qu’il y a aussi des gens talentueux en banlieue dont le spectacle mérite vraiment le détour, et suggérez-lui, au paasage, de demander à la Comédie-Française de l’inviter  au Vieux-Colombier …( Ne rêvons pas trop!)

Philippe du Vignal

 

La belle Etoile  à La Plaine Saint-Denis, du jeudi au samedi à 20 h 30; mieux vaut réserver, il y a du monde au: 01-49-98-39-20.

Note à benêts: la ferme Polonceau est la géniale invention d’un ingénieur du 19 ème siècle qui a imaginé des charpentes métalliques dont les éléments sont reliés par des plaques à pivots qui permettent à la toiture d’avoir une certaine souplesse et de mieux résister au vent. Au moins, vous aurez appris deux choses l’existence de la Compagnie Jolie Môme et  ce qu’était une ferme Polonceau. Bon dimanche…

 

Le retour au désert de Bernard Marie Koltès mise en scène Catherine Marnas, par Irène Sadowska Guillon

Encore une étoile filante, cette remarquable version franco-brésilienne de Catherine Marnas du Retour au désert de Koltès, avec seulement six représdesert.jpegentations au Théâtre de la Ville du 4 au 9 novembre. Catherine Marnas et ses acteurs rendent non seulement la force poétique et l’impureté de la langue française désirée par Koltès mais encore ils restituent pour la première fois à la pièce sa substance comique, les clins d’œil boulevardesques qui jusqu’à présent, jugés incompatibles semble-t-il avec l’image du théâtre de Koltès, passaient à la trappe.
Il y a une parfaite maîtrise du bilinguisme dans le spectacle, l’intelligente distribution de la traduction théâtralisée dans l’espace du texte dit en français et en portugais, tantôt surtitré tantôt repris par les doubles de certains personnages. Cette circulation des langues colorées de l’étrangeté des sonorités et des accents colle parfaitement au propos de la pièce et à la thématique de l’autre qui sous-tend l’œuvre de Koltès. Étrangeté qui, parce qu’elle capte davantage notr
e attention, fait entendre mieux le texte.
La province française des années 1960 repliée sur elle-même et une famille bourgeoise et bien française retranchée du bruit et des fureurs du monde derrière les murs de la demeure familiale. Voila qu’elle se trouve soudain perturbée par des apparitions : réelle de Mathilde, sœur d’Adrien qui débarque avec ses deux enfants d’une Algérie en guerre réclamant sa part d’héritage, et irréelle tenant du fantôme hamletien et de visions mystiques. Le couple infernal Mathilde et Adrien se déchire, les conflits familiaux ne cessent d’agiter ce petit monde, le comique se teinte de tragique.
Les acteurs français et brésiliens campent les personnages avec une belle vitalité et conviction. Catherine Marnas qui joue adroitement des références littéraires, historiques, mythiques (on est pas loin des Atrides), confère à la pièce une dimension métaphorique. De sorte que cette demeure provinciale barricadée du monde est à la fois l’image des bunkers des riches protégés des pauvres en Amérique Latine et ailleurs, de l’Occident se protégeant derrière ses frontières de l’intrusion de l’autre, des murs qui s’érigent pour le tenir à distance.
Un spectacle à ne pas manquer s’il passe
près de chez vous

 

Le retour au désert de Bernard Marie Koltès mise en scène Catherine Marnas au Théâtre de la Ville à Paris du 4 au 9 novembre 2008

Irène Sadowska Guillon

Nunzio de Spiro Simone et La Busta de Spiro Simone et Francesco Sframeli

Nunzio de Spiro Simone, mise en scène de Carlo Cecchi
La Busta de Spiro Simone et Francesco Sframeli, mise en scène de  Francesco Sframeli (en dialecte sicilien pour la première, et en italien pour la seconde)

labusta.jpg

 Ils sont deux, l’un logeant sans doute l’autre, et compagnons d’infortune, cela se sent très vite. Habitués à vivre ensemble tant bien que mal, et le plus souvent, plus mal que bien. Meubles de cuisine réduits à l’essentiel, vêtements de mauvaise qualité, nourriture approximative et  du dernier moment.

L’un, très humble, travaille dans  une usine qui lui fait profiter de sa pollution, et il tousse sans arrêt, en avalant par tubes entiers, sans trop y croire, des pilules que le patron lui offre généreusement; l’autre, très autoritaire, vit sans aucun doute de trafics douteux. Il revient de voyage et s’apprête à repartir pour le Brésil…  De temps en temps, quelqu’un glisse une enveloppe sous la porte dont la dernière contient un paquet d’argent. Mais on n’en saura pas beaucoup plus!
  Tous les deux enfermés dans un monde clos, victimes désignées d’ un système où l’ordre et le silence règnent, où les femmes ne tiennent pas les leviers de commande: la Sicile ne leur laisse pas d’autre choix. Ils ne disent rien de déterminant mais semblent condamnés à une logorrhée d’autant plus forte qu’elle s’exprime de façon répétitive, et ils ne semblent  guère avoir de passé derrière eux, quant au futur… Au fond, ce qui se dit n’a guère d’importance- on pense souvent à  Cédrats de Sicile, cette nouvelle devenue  pièce remarquable de leur ancêtre Luigi Pirandello: ils mangent et parlent beaucoup de nourriture, comme s’il  s’agissait de donner un peu de consistance au temps, de le consommer avec leur pauvre repas improvisé, parce qu’ils sentent qu’il leur est chichement compté.
 Comme toujours, on est un peu gêné par le surtitrage et on aimerait entrer plus dans leur délire… Le texte ne semble pas toujours convaincant mais comme c’est très bien interprété  par Spiro Simone et Francesco Sframeli, les cinquante minutes du spectacle passent vite.

La Busta ( L’Enveloppe) écrite cette fois en italien,  est encore plus grinçante; un pauvre type muni d’une très grande enveloppe (un souvenir de la performance de Tadeusz Kantor?) arrive dans une grande administration pour rencontrer le Président… qu’il ne rencontrera jamais, bien sûr. Comme dans la première pièce,  tout a lieu dans un huis-clos, une antichambre  grise à la Kafka, où règne en maître un appariteur qui fait penser tout à la fois aux personnages de Beckett, Ionesco et Mrozek. Il tient enfermé dans un réduit un pauvre bougre qu’un cuisinier nourrit de sauce tomate vidée dans une auge à chien.
 Très vite, le pauvre type se retrouvera piégé, déclaré coupable d’on ne sait trop quel crime, simplement parce qu’il en a trop dit ou pas assez, parce qu’il est surtout la victime idéale du système mis en place. L’appariteur s’absente de temps en temps, muni d’un casque et d’une matraque, donner une « leçon de démocratie »: la menace, la corruption, le chantage permanent par voie de lettre anonyme sont bien au rendez-vous d’un système politique et financier qui n’a guère de point commun avec ce que l’on appelle la démocratie…
  La pièce fonctionne sans doute mieux que la première, peut-être plus conventionnelle. Cela n’a rien de vraiment révolutionnaire mais se laisse voir, surtout si on comprend l’italien, et a au moins le mérite d’être court :  cinquante-cinq minutes comme Nunzio

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point, 1 avenue Franklin D. Roosevelt, Paris VIII ème jusqu’au 30 novembre.

La lettre. Pierre-Yves Chapalain (texte et mise en scène) par Christine Friedel

lalettre.jpgÀ la recherche de la tragédie contemporaine, Pierre-Yves Chapalain imagine un bord de mer assez attendu (À peine nous sortions des portes de Trézène…) quoique glacé, une histoire de lettre qui se matérialise par surprise dans la poche d’une veste oubliée (gardez la sur vous !), et une histoire de famille à complication. Mais, s’agissant de la famille, et de la tragédie, c’est presque un pléonasme. Frère disparu, père malade, mère passant sa vie à « découper la viande », passants qui passent, fille enceinte… Cela finit par un rappel explicite de l’affaire entre Atrée et Thyeste : la salutation à la tragédie antique n’était pas indispensable, d’autant qu’il s’agissait de trouver la tragédie contemporaine. Pourtant, scéniquement, cela tien debout.
Dans un décor riche de sa simplicité – un empilement sauvage de chaises, côté cour, et quelques uns de ces meubles modestes et dépareillés dans l’espace -, Pierre-Yves Chapalain réussit son coup avec une très bonne équipe de comédiens qui n’ont pas peur de prendre à bras le corps une langue charnue, poilue, non pas pauvre, mais avare, “regardante“. Elle pèse tout son poids de silence, et tout mot dit est maudit, par la difficulté même qu’ont eu les protagonistes à l’accoucher.

 

Christine Friedel

 

Théâtre de la Tempête – Cartoucherie

12345

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...