Ordet

  Ordet ( La Parole) de Kaj Munk, traduction et adaptation de Marie Darieussecq et Arthur Nauziciel, mise en scène par Arthur Nauziciel.

 

On connaît, bien sûr, le fameux film (1955) que  Carl Dreyer adapta de l’oeuvre de Kaj Munk,(1925) auteur dramatique et pasteur luthérien qordet.jpgui avait pris position en faveur d’Hitler  dans les années 30 puis avait combatu l’antisémitisme et appelé les Danois à la résistance, avant d’être assassiné par la Gestapo.
Cela se passe donc au Danemark: le vieux Morgen Borgen dirige avec énergie une grande exploitation rurale. Son fils aîné Mikkel a pour épouse Inger, et ils ont deux filles. Le second fils, Johannes étudiant en théologie, est en plein délire mystique et se prend pour le Christ. Quant à Anders, il est amoureux d’Anne, la fille de Peter Skraeder le tailleur, responsable d’une secte religieuse rivale, et qui ne veut pas de ce mariage. Inger, enceinte, perdra son bébé en accouchant et mourra peu après. Morgen et Peter finissent par se réconcilier. Et Johannes qui s’était enfui, ressuscite Inger que l’on a déjà mise dans un cercueil…
Comme le dit Arthur Nauziciel, Ordet n’est pas une pièce religieuse mais une sorte de suspense métaphysique. Une expérience. Un entre-deux monde. C’est un objet théâtral étonnant qui pose la question de la croyance. La pièce est très bavarde: on y traite de la vie, de la mort ,de la condition humaine, de la foi, du rapport que nous avons au monde visible, du miracle physiologique, alors que nous le savons tous impossible.
Alors, comment dire cela au théâtre? Arthur Nauziciel a pris courageusement le parti d’un certain minimalisme, voire d’un
e certaine sécheresse: peu de lumières, une scénographie épurée (mais bien laide et ratée) de son ami Eric Vigner, une directions d’acteurs au scalpel. Et il  a demandé à l’excellent ensemble Organum ( Marcel Pérès, Mathilde Daudy et Antoine Sicot) de soutenir par leurs voix a capella les dialogues de cette pièce  écrite assez vite et qui manque singulièrement de construction dramatique. Dreyer avait compris que des images d’une force incomparable devaient  absolument  servir d’appui logistique à ce si l’on voulait exprimer l’angoisse métaphysique des personnages de Kaj Munk; il avait aussi bien compris que 120 minutes y suffiraient largement.
Autant dire tout de suite que ces presque trois heures théâtrales sont vraiment estoufadou- et assez  ennuyeuses- comme on dit en Provence. Heureusement, Nauziciel a su s’entourer d’ une distribution irréprochable avec, entre autres:  Pascal Grégory( le vieux Morgen) qui est presque en permanence sur le plateau, Catherine Vuillez ( Inger) , Xavier Gallais ( Johannes) et Jean-Marie Winling ( Peter le tailleur). C’est du solide, du cousu main et on retrouve chez Nauziciel l’exigence fondamentale de Vitez qui fut son maître. Reste à savoir s’il était bien utile de monter cet  objet théâtral qui ,de mémoire, n’est jamais joué, ou bien il aurait fallu en faire une véritable adaptation, au lieu de laisser filer les dialogues, quitte à y glisser de temps à autre quelques petites répliques un peu faciles, histoires d’ éveiller l’attention du public.
A voir ? Oui, si vous ne craignez pas les tunnels bavards, longs et mal éclairés et si vous aimez bien les miracles finaux; non, si les bavardages métaphysico-religieux vous ennuient au plus haut point: dans ce cas, ne venez pas dire qu’on ne on vous aura pas prévenu….

Philippe du Vignal

Théâtre des Gémeaux à Sceaux ( le spectacle a été créé au dernier Festival d’Avignon) jusqu’au 7 décembre.

 


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