Kolmårdstomten ou le père Noël de Kolmården.
Kolmården est un village dans les bois à la périphérie de Norrköping, qui était une ville d’industrie textile, (80.000 habitants) située à 150 kilomètres de Stockholm, avec d’anciennes usines à l’architecture de brique remarquable, reconverties en théâtre, musée du design, boutiques et appartements.
Le 13 décembre, a lieu la fête de la Sainte-Lucie (où l’on peut assister dans chaque temple à une cérémonie où des jeunes filles blondes, comme on voit dans les films de Bergman, chantent, la tête couronnée de bougies, des chants de Noël). A la même date, de la tombée de la nuit à 15 heures (sic) jusqu’à 20 heures, un étrange rituel draine des centaines de personnes venues en famille, et cela jusqu’au 23 décembre.
Les voitures roulent dans un bois jusqu’à une aire de stationnement à 2 euros (au profit d’œuvres caritatives), puis on est invité à monter dans les bois par des sentiers un peu verglassés, balisés par des dizaines de lanternes à bougie ; mieux vaut être bien couvert, même, si en ville, il fait moins froid qu’à Paris ces derniers jours. Et l’on arrive, après dix minutes de marche (tout se mérite dans la vie), à une installation qui pourrait être imaginée par un artiste contemporain et qui plairait sans doute à Lévi-Strauss, l’auteur de si belles pages sur le modèle réduit : c’est un hameau constitué de petites maisons en bois soigneusement construites avec, d’abord, la maison de la mère Noël qui se repose, installée dans un fauteuil à bascule au seul éclairage des bougies. Il n’y de la place que pour une dizaine de personnes, enfants compris.
Un peu plus loin, on peut admirer la piste de départ du grand traîneau du père Noël pour ses tournées du 24 décembre. Les six rennes, malheureusement, ne sont pas encore là. Tomten est en fait un vieux personnage mythique chez nos amis suédois : entouré par sa bande de lutins, il habite sous la maison et protège le bâtiment, les humains et les animaux ; c’est pour cela que l’on place encore souvent un bol de porridge à leur intention près de la porte d’entrée, au moment de Noël.
On peut donc admirer, à proximité, l’école des lutins qui, comme toutes les maisons, est juste éclairée par des bougies. Il y a un tableau noir où sont inscrits des noms d’enfants…Et un temple, avec son harmonium et sa chaire, où trône une grosse Bible ouverte et, juste à côté, une petite bouteille de Julmust : un soda de Noël à base de sucre, houblon et malt, boisson favorite des enfants (50 cl: 1, 50 euro). Et pas besoin d’avoir cinq ans seulement pour ressentir toute la magie des lieux, d’autant plus que la lumière des bougies joue sans cesse sur les planches et les poutres de pin blond. Il y a aussi le dortoir des cinquante deux lutins avec une télévision spéciale sans écran avec un fond de mouches (on dirait chez nous de la « neige ») avec encore une bougie.
Dans une sorte de petit hangar, il y a enfin une charrette faite d’un tronc creusé (de pin évidemment) avec des roues pleines montées sur rails, prête à descendre les lutins sous la terre, via une grande trappe. Le clou de cette installation est un puits de quelques mètres qui débouche de l’autre côté du globe terrestre en apportant la lumière solaire qui est la bienvenue le 13 décembre, date de l’ancien solstice d’hiver. Vous êtes sceptique ? Tant pis pour vous, puisqu’on entend même un brouhaha de voix chinoises… C’est bien une preuve, non ?
Près de là, le père Noël en personne, la cinquantaine, grand et un peu bedonnant (un peu trop d’Aquavit peut-être ?) et les cheveux bien blancs et propres comme tout père Noël respectable, raconte plein de merveilleuses histoires aux enfants près d’un grand feu de bois où leurs papas font cuire des saucisses.
Vous avez dit magique ? Oui, magique, dans sa simplicité, son respect de l’environnement (mise à part, la nécessité d’y aller en voiture) et sa grande poésie. Et c’est conçu et animé par qui ? Håkan Thornell, un agriculteur du village qui fait tout cela bénévolement, loin des centres commerciaux de Noël, dans le Norrland de la Suède. Grand merci, Monsieur et madame Thornell. God Jul , comme on dit en suédois, à vous et à tous nos amis lecteurs…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 23 décembre de 16 heures à 20 heures. Quand vous arrêterez votre traîneau à Norrköping, le plus simple ensuite est de demander la route avant la nuit (c’est près de la mer Baltique si vous venez avec votre bateau) mais c’est tout à fait accessible à condition de connaître le chemin. Encore une fois, God Jul…