Une Histoire du monde

Une Histoire du monde, cabaret apocryphe, texte et mise en scène de Jean-François Mariotti.

  Cela se passe à Ménilmontant , au Studio de l’Ermitage, une salle à tout faire avec un bar dans le fond , une petite scène de cabaret, et quelques rangées de chaises en plastique même pas attachées au mépris de la loi.. Cette Histoire du Monde, Jean-François Mariotti l’a voulu aux antipodes « d’une quelconque vérité universitaire »;on a envie de lui dire: heureusement…  Cela correspond, dit-il, à une volonté de » comprendre comment nous autres, générations qui vivons au début du XXI ème siècle, pouvons survivre à à cette lourde histoire qui nous précède, comment nous la digérons, comment nous en escamotons la pesanteur par le rire, l’irrévérence, la farce, la grimace ».
  Le propos est un peu prétentieux mais le spectacle mérite mieux que cela, même si, le texte, n’est pas très intéressant: souvent racoleur, facile et surtout trop bavard. Il s’agit d’une sorte de cabaret avec des sketches et des chansons, relatant à la moulinette les « grands moments » de l’histoire du monde occidental: tout y passe depuis la Genèse, et la création de l’homme avec Adam et Eve, les amours de Marc Antoine et Cléopâtre,, la Peste noire du 14 ème siècle, l’assassinat d’Henri IV… par Marat,  la rencontre d’Hitler en fauteuil roulant avec Staline et Franco, le soulèvement des esclaves haïtiens ,les amours de Kennedy et de Marylin Monröe au mieux avec Jackie qu’elle embrasse sur la bouche, etc.. Cela se termine par une sorte de mise à mort emblématique du théâtre. Cela a un côté bande dessinée et fait souvent penser au Magic Circus de Jérôme Savary, quarante ans après! Comme quoi, c’est avec les vieilles casseroles que l’on fait  les meilleures soupes….
  Jean-François Mariotti a su s’entourer d’une bande de treize copains comédiens , flûtiste et pianiste qui savent vite créer une espèce de complicité avec une salle  jeune et  amicale; il faut dire que qu’ils ont chacun un solide métier( et l’on sait que le cabaret est une rude école où il faut savoir jouer et chanter dans un espace restreint). Et ils le font tous très bien, même si la distribution est inégale. Et il y a  d’excellents moments, comme ces trois jeunes femmes  en guépière rouge et bas noirs qui chantent en choeur:  La Carmagnole puis Maréchal, nous voilà…. ou les retrouvailles à la fin d’Adam et Eve, justes couverts de leur feuilles de vigne. C’est le plus souvent assez drôle,mais pas vraiment  impertinent et irrévérencieux comme le voudrait l’auteur et metteur en scène; disons que l’ensemble est, à coup sûr,trop long,trop vite écrit et manque de rythme : il y a une série de fausses fins qui plombent la vraie fin un peu bâclée..
  Malgré tout, cela passe, grâce encore une fois, au savoir-faire des comédiens et à la maîtrise dont sait faire preuve Jean-François Mariotti pour  diriger toute cette bande. Les petits cochons de la télévision publique/ publique ou publique/privée ,ou privée (on ne sait plus trop)  le mangeront sans doute un jour mais, en tout cas, Jean-François Mariotti prouve qu’il est  à l’aise dans ce type de spectacle, comme il l’avait été dans le passé avec …Claudel. C’est toujours fort bon signe quand un jeune metteur en scène n’hésite pas à passer d’un registre à l’autre.
  A voir? Oui, si voulez découvrir une des tendances d’un théâtre marginal sans doute mais qui draine un public jeune et fidèle qui ne boude pas son plaisir mais, attention: le spectacle ,dit évolutif, ne bénéficie pas d’une programmation régulière .. (Mariotti crée aussi à intervalles réguliers une sorte de cabaret inspiré de l’actualité avec des pièces comme Gabegie ou Thermomètre à usage unique): à suivre donc mais  mieux vaut consulter avant le site de la compagnie:www. une-histoire-du-monde.com

 

Philippe du Vignal


Archive pour décembre, 2008

Le Projet RW

  Le Projet RW d’après La Promenade de Robert Walser, par le collectif Quatre ailes., mise en scène, scénographie et images de Michaël Dusautoy.

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  Quelques mots sur Robert Walser ( rien à voir avec Martin Walser, auteur allemand,  bien vivant lui,  dont nous avions parlé récemment à propos d’une mise en scène de Julie Timmermann). Donc Rober Walser est Suisse, comme Jean-Luc  Godard…Né en 1878 à Bienne, il fit vingt-cinq métiers pour vivre et écrire des romans, dont le fameux Les Enfants Tanner (1906), La Rose, etc.. et des  » dramolettes  » comme Blanche-Neige, une espèce de féroce mise en abyme du conte des frères Grimm et nombre de poésies. Il séjourna à Berlin et fit l’admiration de -excusez du peu- Kafka, Musil et Benjamin… Revenu en Suisse, il fut placé dans un hôpital psychiatrique dont il s’échappa le jour de Noël 56; et on le retrouva mort comme un poète: d’épuisement dans la neige, son chapeau près de lui…. Il y a 52 ans de cela; souvenez-vous: Daniel Mesguisch et Thierry Lhermitte,  poussaient leurs premiers cris; Staline prônait la réunification de l’Allemagne et l’affaire de la famille Dominici, accusée d’un crime horrible, faisait la une des journaux…

 Beaucoup des écrits de Walser ne furent retrouvés qu’après sa mort et traduits de l’allemand assez récemment, ce qui explique qu’il soit encore peu connu en France. La Promenade est un court récit, une sorte de journal poétique de la vie quotidienne » Un jour, l’envie me prenant de faire une promenade, je mis le chapeau sur la tête et, plantant là les écritures et les revenants, je quittai en courant le cabinet de travail ou de fantasmagorie pour dégringoler l’escalier » ... Tout est déjà annoncé dans ces quelques lignes d’un récit où les situations sont banales, les personnages juste esquissés mais qui  constitue, adapté par Evelyne Loew, un formidable tremplin à la fabrication d’images poétiques d’une grande pureté, dans la tradition des silhouettes en carton découpé (chères à Nicolas Bataille, décédé le mois dernier. I découvrit et le premier mit en scène Eugène Ionesco.

Il y a des villages de montagne, un petit train, un cirque, des maisons anciennes, des enfilades d’enseignes: bottier, crémier, gantier; il y a aussi des ombres humaines et une sorte de poète le plus souvent installé sur une chaise et une table suspendues en l’air, un libraire qui entre assis sur une table couverte de livres de toutes les couleurs, une jolie cantatrice trapéziste, une mégère de la bonne bourgeoisie avide de gâteaux, un gros fonctionnaire.  C’est à la fois souvent drôle, et répétons- le, d’une poésie fabuleuse…

Le collectif Quatre ailes est sans doute plus à l’aise dans la fabrication de ces images auquel il a donné toute son intelligence scénique, que dans la prise en charge du texte lui-même. Mais tout s’enchaîne, comme par miracle: on sent bien qu’il y a, derrière, un solide travail de compagnie. Le spectacle mériterait sans doute une meilleure direction d’acteurs : cela crie parfois beaucoup et sans raison mais les choses devraient se caler au cours des représentations. Si vous cherchez un spectacle court (une heure dix) d’une belle poésie capable aussi d’attirer des enfants (à partir de sept ans sans doute), allez-y. Par les temps qui courent, ce n’est pas si facile à trouver…

 Philippe du Vignal

 Théâtre des Quartiers d’Ivry, à Ivry-Sur-Seine (Val-de-Marne)  jusqu’au 19 décembre;  et le 22 et 23 décembre au Vingtième Théâtre, 7 rue des Plâtrières, Paris (XX ème)

 

Lisez « Les cahiers de la Maison Jean Vilar »

Lisez « Les cahiers de la Maison Jean Vilar » n° 106, octobre – décembre 2008 par Irène Sadowska Guillon

 

« Ça, c’est le mal de tout le théâtre moderne : on y pense trop. La scène n’est plus le lieu d’une action, elle est l’antichambre d’une philosophie. Pas la moindre pudeur. Problèmes particuliers de la conscience, attitudes intellectuelles devant l’action, explications plastiques de telle ou telle formule, de tel ou tel philosophe, dialectiques mises en dialogues, logiques implacables, ce sont là les nouveaux joyaux de l’art du théâtre.
Ils luttent sur les meilleures de nos scènes comme jamais, à bien dire, le théâtre ne l’a fait. Ils sont à la mode. Ils sont l’expression de la société qui les accepte. Mais ils ne dépassent pas et n’arrivent pas à toucher un autre auditoire que celui dit de l’élite, des snobs et des moutons. Il suffit de transporter ailleurs que sur une scène close ces pièces nouvelles, si intelligemment pensées, pour s’apercevoir de leurs misères et de leur insignifiance scénique. » écrivait Jean Vilar dans une lettre à la « Revue Internationale du Théâtre » en 1948. Qu’y a-t-il de changé 60 ans après ?
Au sommaire de ce numéro : des « Feuillets de Jean Vilar », des interventions d’Antoine Bourseiller, de Jack Ralite, de Lucien Attoun sur Avignon 68, un entretien avec Wajdi Mouawad, artiste associé du Festival d’Avignon 2009, Jacques Lasalle évoquant avec pudeur et sincérité Christine Fersen, etc…

 

Revue de la Maison Jean Vilar
Montée Paul Puaux, 8 rue de Mons
84000 Avignon

 

Irène Sadowska Guillon

Le Suicidé

Le Suicidé de Nicolaï Erdman, mise en scène de Volodia Serre.

 

  L’auteur ( 1902-1970) est peu connu du grand  public en général mais assez apprécié par les jeunes metteurs en scène qui s’emparent souvent du Mandat  que le célèbre Meyerhold lui avait commandé en 1925 et qui connut un beau succès. En 1928, Erdman écrivit le Suicidé mais la pièce ne reçut pas l’autorisation de la censure soviétique malgré l’intervention de Stanislavski et de Gorki, et Staline assigna l’auteur à résidence.
  L’histoire est à la fois simple et ultra-compliquée dans ses dérives. C’est une sorte de vaudeville délirant, où chaque petit fait de la vie quotidienne tourne vite au cauchemar: tout son entourage est  convaincu que Sémione va se suicider, alors qu’il n’en est rien,malgré son délire personnel et l’horreur qu’il ressent face à l’absurdité de la vie de ses  concitoyens au destin broyé par l’effroyable machine stalinienne;  il faudra expliquer à ce malheureux Sémione le pourquoi de tant d’absurdités, pourquoi le destin individuel n’a aucune importance en face de l’avenir radieux de la grandiose Union soviétique.
  La pièce ressemble, à s’y méprendre parfois, à du Labiche,  qu’Erdman admirait beaucoup mais ,en plus grinçant encore; c’est drôle et chaque réplique fait mouche même si, au bout du bout du grotesque,   on sent , pratiquement à chaque seconde, que la mort est au rendez-vous, impitoyable et loufoque à la fois, puisque l’individu ne compte presque plus…. Comme dans La Cagnotte de Labiche, le pauvre Sémione est harcelé par une bande de profiteurs impitoyables.. Bref, le comique ne fait pas bon ménage avec le politique , dont il est une sorte d’antidote, ce qui n’a sans doute pas dû faire plaisir à Staline Et, en effet, on peut imaginer la puissance explosive des dialogues de Nicolas Erdman à l’époque, puisqu’ils restent aussi virulents, quelque 80 ans après;  sans doute parce que son texte touche à la place de l’individu dans la société et à la mécanique même du pouvoir stalinien qui, hélas, a fait ses preuves ailleurs sur la planète.
  Le texte, brillamment traduit  par Markovicz, est  d’une férocité impitoyable! Il faudrait tout citer:  » Dans les minutes de création, en général, j’exigerai un silence relatif ». (Comme le disait un célèbre homme politique français:  » Pour mes discours, écrivez ce que vous voulez, mais laissez -moi les adjectifs »). Ou «  Un homme qui n’a pas de pantalon , c’est comme un homme qui n’a pas d’yeux ». Ou encore cet improbable réplique «  Je téléphone aussitôt au Kremlin » en demandant le plus haut responsable. C’est d’une drôlerie et d’une férocité qui fait le plaisir d’une salle comble.
  Volodia Serre  a eu raison de  raccourcir le texte, qui dure tout de même plus de deux heures- et c’est quand même parfois long; c’est bien dommage mais le jeune metteur en scène  s’est  perdu  dans sa direction d’acteurs- assez médiocre et qui casse le rythme. Il a cru bon de mettre les dix premières minutes dans l’obscurité presque intégrale et il  fait crier ses comédiens  au mépris évident d’une efficacité bien comprise ( on se demande parfois ce qu’il a a pu apprendre de ce côté-là au Conservatoire!) .  Comme le plateau exigu et mal foutu du Théâtre 13 et la scénographie   n’arrangent pas les choses, les acteurs ont du mal à s’en sortir ( mis à part Catherine Salviat qui joue la belle-mère avec brio et  Alexandre Steiger / Sémione.).
  A voir, à ne pas voir?  Oui, si vous voulez découvrir un texte  brillant et  drôle- bien mis en valeur par la musique au piano de Jean-Marie Senia- mais encore une fois qui aurait demandé une mise en scène plus maîtrisée. Non, si vous exigez un peu plus du théâtre. Enfin, une salle comble comme celle du Théâtre 13, cela mérite d’être souligné, même si la couleur des cheveux  du public reste, une fois de plus, des plus grisonnantes… ce qui n’est pas bon signe quant à l’avenir du théâtre, mais bon, même en période de crise, et donc de diminution budgétaires conséquentes pour la création, il y a parfois des miracles…..

 

Philippe du Vignal

 


Théâtre 13, jusqu’au 14 décembre inclus.

Ma vie, mon œuvre, mon pédalo

Ma vie, mon œuvre, mon pédalo  de la compagnie Des Équilibres à L’Orange bleue (Eaubonne) par Jérôme Robert



Ce vendredi 5 décembre à L’Orange bleue – la toute nouvelle et belle salle de spectacle de la ville d’Eaubonne sise en région parisienne (Val d’Oise), Ma vie, mon œuvre, mon pédalo de la compagnie Des Équilibres a pu séduire un public largement intergénérationnel.

Solo pour danseur-acrobate, mais en réalité duo, dans la mesure où le trampoline est omniprésent, cette pièce de danse, de cirque ou d’acrobatie (c’est selon les points de vue) s’interroge sur notre rapport au temps (celui qui est passé et celui qui passera). Mais pas en généralisant. Ce qui rend ce travail très intéressant réside dans le fait que cette réflexion s’applique aux artistes de cirque ou de danse pour lesquels l’effort produit peut sembler inversement proportionnel à toute notion de reimage1.jpgntabilité temporelle. En effet, leur carrière devrait durer à peine plus de temps que celui qui aura été nécessaire à l’élaboration des compétences qu’il aura fallu mettre en œuvre pour tenter de faire art…

 

Cyrille Musy (bien connu des aficionados du cirque contemporain, cofondateur du Collectif AOC) travaille en virtuose le mouvement dansé d’inspiration hi hop, comme l’acrobatie. La touche de Sébastien Lefrançois (chorégraphe) se sent pour notre plus grand bonheur. Si le jeu dramatique (le flot de parole semble presque continue) n’est pas transcendant, son mélange aux mouvements dansés et acrobatiques nous rendent bienveillants.

 

La mise en scène est sobre et donne, à juste titre, la part belle à Cyrille Musy, sans artifice stérile. On regrettera peut-être que François Berdeaux (metteur en scène et auteur) n’ait pas parfois allégé ce joli texte qui mériterait quelques respirations et que l’on se soit parfois sentis obligés de créer de belles images, trop léchées pour pleinement générer l’effet poétique escompté.

 

Ces deux petites réserves ne sont pas de nature à rendre vain ce travail résolument fréquentable…
Nous ne pouvons que vous conseiller d’allez voir ce spectacle à l’Espace Culturel Lucien Jean (rue Marcel Petit  – 95670 Marly-la-Ville) situé à une trentaine de minutes de Paris en voiture : les 12 (14h30) et 14 (16h30) décembre dans le cadre de CirquÉvolution, réseau de diffusion de cirque contemporaine en Val d’Oise réunissant plusieurs villes de ce départements coordonnées par l’Adiam Val d’Oise.
Pour plus de renseignements :
http://www.horslesmurs.fr/plugins/fckeditor/userfiles/file/Actu/FestivalCirquEvolution.pdf

 

Par Jérôme Robert

De l’omme

texte, musique et mise en scène de Jacques Rebotier

  De l’omme est le troisième volet du Cycle de l’homme ( 1 contre les bêtes,( prologue) 2 La tragédie de Pluto  et 4 La Revanche du dodo .Cela fait presque une dizaine d’années qu’on a découvert ce théâtre protéiforme associant des collages de texte, des musiques,  des images fixes,des vidéos, des projections de phrases , le tout dans une joyeux capharnaüm … orchestré de main de maître. Et ce  volet du cycle n’échappe pas à la règle.dodo9.jpg
  L’omme, à ce que l’on comprend, est sous la surveillance d’une triste bande de Pères Noël qui se sont emparés du pouvoir pour couvrir  la planète de sang, avec pour compagnons/ complices/témoins de cette énorme fête à la bêtise qu’est devenu Noël, le Grand Saint-Nicolas, un chirurgien déjanté,  Marion une marionnette à taille humaine, et surtout Léon, une espèce de chien-robot qui ,de temps à autre, intervient pour commenter la situation. Il y a aussi des barquettes  et des morceaux de viande accumulées, (parfaitement obscènes au sens étymologique du terme car projetées sur grand écran ou flottant dans l’air) sorties tout droit d’un catalogue de supermarché, plusieurs caddies dont un surdimensionné et  rempli de gros ballons,etc… Et l’on y parle d’anatomie, de sexe, de moyens de reproduction, de l’univers, celui des hommes et celui des bêtes, bref de tout ce qui peut encombrer un cerveau humain, quand il se met à en parler!
 Comme le dit Jacques Rebotier, tout y passe dans « cette encyclopédie médiévale écrite au vingt deuxième siècle, par un papillon, ou une grenouille, ou un dodo… ». Cette revue loufoque où sont convoqués  des jeux sur le langage, des images et des graphismes tout à fait poétiques- qui font souvent penser aux collages de l’excellent Roman Cieslewicz- , pour mieux dire  l’espèce de folie de surconsommation, de suicide collectif qui s’empare régulièrement du monde, surtout au moment des fêtes.
   Il y a des idées fabuleuses  dans ce spectacle  ( on vous les livre en vrac):  un être humain en bougie qui, petit à petit, se consume; ce n’est qu’une image mais qui fait froid dans le dos malgré la flamme qui danse sur l’écran, ou bien ces photos pornos projetées à toute vitesse,et qui servent de base à une loterie, cette fausse déclaration des droits de l’homme aussi absurde  que juste, une ballade en train dans un paysage enneigé qui défile derrière les épaules du conducteur,métaphore d’un monde qui court à sa perte, ou  ces déclarations péremptoires: Les bêtes se battent comme des sauvages »,  » le monde appartient à Dieu et à l’ome qui se lève tôt« , ou cette dernière petite phrase pour la route en guise de moralité finale:  » Si vous n’avez pas envie que le monde vous appartienne,si vous avez envie que le monde n’appartienne à personne, restez couchés ».
 Rebotier, à petits coups de griffe et sans avoir l’air d’y toucher, dit finalement et avec plaisir, beaucoup plus de choses sur l’aventure humaine, sur les animaux, sur le corps humain et sur notre rapport au  monde, que le texte assez  bavard à prétention métaphysique d’Ordet ( voir le blog d’hier)
   Certes, le spectacle ne va pas sans à- coups, sans baisses de rythme dans les enchaînements, surtout vers la fin, et tout n’est pas d’égale valeur,( une petite séance d’élagage n’aurait pas fait de mal), même si le jeu des comédiens, les chansons , la musique et la mise en place restent jusqu’au bout d’une grande rigueur. Quelle vitalité,  quelle absence totale de prétention, quelle  envie de donner du plaisir en  jouant avec les mots et les images sans jamais être vulgaire, avec des vidéos tout à fait justifiées et une scénographie signée Virginie Rochetti , aussi intelligente que subtile ! (Madame Sophie Perez pourrait y prendre de la graine…)
 Cela fait du bien de voir  que la France d’aujourd’hui, trop souvent empêtrée dans un suivisme et un conformisme de bon aloi qui risque de perdurer, possède au moins un Rebotier  qui sait  marier,  avec beaucoup de sensibilité aux êtres et aux choses, les fondamentaux , comme on dit maintenant, du théâtre aux  arts plastiques. Cela fait aussi du bien de voir aussi un public, dont la couleur de cheveux n’ a pas encore viré au gris, comme un peu partout dans les autres salles, ne pas bouder pas son plaisir..
  Y aller ? Oui, absolument,si le spectacle passe près de chez vous…

Philippe du Vignal

Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis,pour les autres parties du cycle, encore jusqu’au 7 décembre; et La Revanche du Dodo ,que nous n’avons pu encore voir, se joue du 16 au 19 décembre au Centre dramatique régional de Tours, puis du 21 au 23 janvier au Théâtre Universitaire de Nantes.

RAPPEL IMPORTANT

  Le Théâtre de bouche de Ghérasim Luca ( le plus grand poète français, parce que roumain,disait avec intelligence Gilles Deleuze), mis en scène par Claude Merlin , et dont nous vous avions rendu compte il y a trois semaines, se joue encore au Théâtre Le Colombier à Bagnolet ( Métro Gallieni) le 16,17,18,19 décembre à 20h30 et le 20 décembre à 16 h et à 20 h 30, puis au Picolo , 58 rue Jules Valès à Saint-Ouen,(Métro Porte de Clignancourt).
  Courez vite lire tout le bien qu’on en avait dit ( le blog du 14 novembre)

LA CAGNOTTE

 La Cagnotte-Théâtre Antoine Vitez Ivry 3 décembre d’Eugène Labiche, mise en scène Adel Hakim Théâtre des quartiers d’Ivry par Edith Rappoport

Adel Hakim s’est emparé de l’impitoyable mécanique théâtrale de Labiche avec une troupe de de 11 acteurs rompus à une caricature fermement dessinée et très habitée. Des petits bourgeois de la Ferté sous Jouarre satisfaits et égoïstes jouent à la bouillotte, autre version du poker, ils ont accumulé une cagnotte et se disputent pour savoir comment la dépenser. L’un veut une dinde truffée, l’autre aller à la foire voisine, la sœur du maître de maison veut se faire accompagner à Paris pour se rendre à la rencontre du prétendant qui a enfin répondu à la petite annonce matrimoniale qu’elle fait passer sans succès dans les journaux. Chambourcy a mal aux dents, on ira donc à Paris où la petite troupe qui se régale dans un restaurant ne pourra payer la note, se retrouvera en prison, s’en échappera pour se retrouver à l’agence matrimoniale. Leonida Chambourcy se retrouve face à son prétendant, un joueur de cartes qui fréquente le salon Chambourcy depuis 20 ans. Il y a une hallucinante scène de mise à prix de femmes à marier dont la dot grossit . La petite troupe sauvée in extremis par le fiancé de Blanche Chambourcy qui arrive pour régler la note, rentrera à la Ferté sous Jouarre, sans avoir rien compris.
Dans cette salle pleine d’un public jeune et très mélangé, cette féroce épopée sur l’égoïsme qui ravage notre société est jouée avec une rigueur allègre proche de la biomécanique de Vsevolod Meyerhold.

Ordet

  Ordet ( La Parole) de Kaj Munk, traduction et adaptation de Marie Darieussecq et Arthur Nauziciel, mise en scène par Arthur Nauziciel.

 

On connaît, bien sûr, le fameux film (1955) que  Carl Dreyer adapta de l’oeuvre de Kaj Munk,(1925) auteur dramatique et pasteur luthérien qordet.jpgui avait pris position en faveur d’Hitler  dans les années 30 puis avait combatu l’antisémitisme et appelé les Danois à la résistance, avant d’être assassiné par la Gestapo.
Cela se passe donc au Danemark: le vieux Morgen Borgen dirige avec énergie une grande exploitation rurale. Son fils aîné Mikkel a pour épouse Inger, et ils ont deux filles. Le second fils, Johannes étudiant en théologie, est en plein délire mystique et se prend pour le Christ. Quant à Anders, il est amoureux d’Anne, la fille de Peter Skraeder le tailleur, responsable d’une secte religieuse rivale, et qui ne veut pas de ce mariage. Inger, enceinte, perdra son bébé en accouchant et mourra peu après. Morgen et Peter finissent par se réconcilier. Et Johannes qui s’était enfui, ressuscite Inger que l’on a déjà mise dans un cercueil…
Comme le dit Arthur Nauziciel, Ordet n’est pas une pièce religieuse mais une sorte de suspense métaphysique. Une expérience. Un entre-deux monde. C’est un objet théâtral étonnant qui pose la question de la croyance. La pièce est très bavarde: on y traite de la vie, de la mort ,de la condition humaine, de la foi, du rapport que nous avons au monde visible, du miracle physiologique, alors que nous le savons tous impossible.
Alors, comment dire cela au théâtre? Arthur Nauziciel a pris courageusement le parti d’un certain minimalisme, voire d’un
e certaine sécheresse: peu de lumières, une scénographie épurée (mais bien laide et ratée) de son ami Eric Vigner, une directions d’acteurs au scalpel. Et il  a demandé à l’excellent ensemble Organum ( Marcel Pérès, Mathilde Daudy et Antoine Sicot) de soutenir par leurs voix a capella les dialogues de cette pièce  écrite assez vite et qui manque singulièrement de construction dramatique. Dreyer avait compris que des images d’une force incomparable devaient  absolument  servir d’appui logistique à ce si l’on voulait exprimer l’angoisse métaphysique des personnages de Kaj Munk; il avait aussi bien compris que 120 minutes y suffiraient largement.
Autant dire tout de suite que ces presque trois heures théâtrales sont vraiment estoufadou- et assez  ennuyeuses- comme on dit en Provence. Heureusement, Nauziciel a su s’entourer d’ une distribution irréprochable avec, entre autres:  Pascal Grégory( le vieux Morgen) qui est presque en permanence sur le plateau, Catherine Vuillez ( Inger) , Xavier Gallais ( Johannes) et Jean-Marie Winling ( Peter le tailleur). C’est du solide, du cousu main et on retrouve chez Nauziciel l’exigence fondamentale de Vitez qui fut son maître. Reste à savoir s’il était bien utile de monter cet  objet théâtral qui ,de mémoire, n’est jamais joué, ou bien il aurait fallu en faire une véritable adaptation, au lieu de laisser filer les dialogues, quitte à y glisser de temps à autre quelques petites répliques un peu faciles, histoires d’ éveiller l’attention du public.
A voir ? Oui, si vous ne craignez pas les tunnels bavards, longs et mal éclairés et si vous aimez bien les miracles finaux; non, si les bavardages métaphysico-religieux vous ennuient au plus haut point: dans ce cas, ne venez pas dire qu’on ne on vous aura pas prévenu….

Philippe du Vignal

Théâtre des Gémeaux à Sceaux ( le spectacle a été créé au dernier Festival d’Avignon) jusqu’au 7 décembre.

Grisélidis Réal

La Catin révolutionnaire, d’après les lettres de Grisélidis Réal, mise en scène de Régine Achille-Fould.

 

En général, on annonce un spectacle avec les noms de l’auteur et du metteur en scène. Ici, les deux piliers en sont l’auteur et l’actrice, soutenue par le piano de Manuel Anoyvega ou de Gabriel Levasseur. Il y a  ici un remarquable équilibre des forces entre deux femmes égales en dignité, la prostituée et l’actrice.  Actrice, parce qu’elle ne joue pas la comédie : elle porte, un personnage de femme hors du commun, tout ce qu’elle cette porte elle-même de la condition féminine, et, au-delà des laissés pour compte, réprouvés et parias de notre société. Cela, sans un gamme de pathos, sans morale sucrée, sans slogans, sans indulgence, sans attendrissement, sans embarras : les faits, rien que les faits, la dignité, le courage qui ne demande rien, et un humour altier.
Dans les années quatre-vingt, Grisélidis Réal, prostituée -“péripatéticienne écrivain“,  selon elle – a échangé une longue correspondance avec Jean-Luc Hennig, alors journaliste à Libé. L’écriture se fait radeau de survie, mais aussi expérience philosophique de la liberté, de l’armature qui fait qu’on reste une personne.
Total respect,comme disent les gamins. Et plaisir d’admirer une admirable – allons, dédramatisons – comédienne.

Christine Friedel.

Théâtre du Marais jusqu’au 12 décembre.

Gombrowiczshow

  Gombrowiczshow, conception Sophie Perez et Xavier Boussiron

    Le dossier de presse nous prévient aimablement : vous allez voir ce que vous allez voir:  » scénographie et écriture pour elle, beau-arts et musique pour lui, ils n’ont pas leur pareil pour réinventer la mise en scène et pour dire la mise en abyme » (sic).  » Il ne s’agit pas de reprendre ni d’inspecter Gombrowicz mais bien de récupérer chez lui ce qui semble nous appartenir pour nous en débarrasser » (sic).  Oui, mais que nous donne-t-ton à voir?
  En fait pas grand chose, disons-le tout de suite…( et je serai plus sévère que notre co-blogueuse et néanmoins amie Christine Friedel) Et surtout pas du Gombrowicz. Cela commence déjà mal: rideau en lamé rouge, hommes en smoking, femmes

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en robes longues , dorures et paillettes et  hurlement de chansons dans les micros HF: Perez nous reconvoque une fois de plus à la mise en abyme, comme elle dit, du music-hall. Chansons, extraits de texte des Envoutés du célèbre auteur polonais qu’on essaye d’entendre en vain ( c’est sûrement fait exprès ?). puis on va chercher un spectateur dans la salle « pas un abonné de préférence » (sic) comme au bon vieux temps du Magic Circus de Jérôme Savary qui, lui, savait y faire ; juché sur un faux rocher, il sera prié de rester là jusqu’à la fin du spectacle. Bien entendu, comme on n’est pas à un ficelle près, on convoque aussi le théâtre dans le théâtre… C’est décidément une tendance très branchouille dans tous les mauvais spectacles actuels. De temps à autre, les comédiens s’affublent de masques et de perruques  dont certains, avouons-le, sont assez réussis; il y a aussi des jets de fumigènes et des coups de trompette, l’accouchement d’une femme qui expulse un os, et une petite maison, un grand oiseau qui surplombe la scène et qu’on emporte avec cérémonie sur les rochers qui encombrent la scène. Il n’y a même pas de véritables belles images,sans doute à cause d’une scénographie assez pauvrette ( signée aussi de Perez)
  Il y a aussi, comme encore chez Savary de la neige qui tombe, ( mais cette fois sans aucune poésie) une espèce de parodie des entretiens de Jacques Chancel qui est peut-être une des rares choses- avec certains moments musicaux- à sauver d’un spectacle qui voudrait passer pour une avant-garde de bon aloi mais qui enchaîne les poncifs. A la fin, on a droit à un texte de Rita, la veuve de Witold, sur les derniers jours de son écrivain de mari à Vence ( l’achat de rideaux, l’installation de l’appartement) : bref, que du passionnant…
  Ce Gombrowiczshow se voudrait burlesque, parodique et innovant, il ne réussit qu’à être plat, prétentieux et  vite ennuyeux. Sophie Perez, heureusement pour elle, a une équipe de  très bons acteurs -dont Gilles Gaston Dreyfus et Sophie Lenoir – qui font le maximum pour donner corps et vie à cet amalgame improbable de textes ( Gombrowicz mari et femme, Perez et Boussiron), et à ce semblant de mise en scène…Sophie Perez a aussi l’immense chance d’avoir une équipe technique de premier ordre à son service- et cela n’a pas de prix- et d’avoir été accueillie plusieurs fois par Ariel Goldenberg, l’ex-directeur de Chaillot qui  l’a encore programmé- comme Jean-Baptiste Sastre- avant son départ forcé.. On ne peut croire en effet que ce soit Dominique Hervieu et José Montalvo ( les nouveaux directeurs) qui soient à l’origine de cette commande.
   Il faut  seulement espérer que Sophie Perez ne va pas demander de l’argent à l’Etat pour continuer à se faire plaisir  et à faire savoir qu’elle est porteuse d’une certaine avant-garde à la fois théâtrale et plastique…. Qu’elle continue à faire joujou, grand bien lui fasse (après tout,  on est en démocratie) mais,de là ,à ce qu’elle bénéficie d’une aide publique, il y aurait quand même des limites. En tout cas, c’est sûr, ce n’est pas avec ce genre de choses que l’on donnera goût au théâtre aux jeunes gens.
  A voir? Sûrement pas; sauf, si vous êtes un inconditionnel de Perez ( il y en a et il a bien quelque rires dans la salle) mais le compte n’y est pas, surtout à 27 euros la place. (sic) . Allez plutôt voir Sombreros  de PhilippeDecouflé dans la Salle Jean Vilar, ou bien donnez  vos 27 euros aux Restos du coeur, cela fera au moins des heureux, et allez voir la Tour Eiffel illuminée. Si vous êtes provinciaux et que la choses passe près de chez vous, évitez-la.

Philippe du Vignal

Théâtre national de Chaillot,jusqu’au 6 décembre.

    

 

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