Sa majesté des mouches

Sa majesté des mouches de William Golding
mise en scène Ned Grujic

Irène Sadowska Guillon

 

mouches.jpgLe roman initiatique de William Golding Sa Majesté des mouches, publié en 1954, célèbre grâce au film réalisé par Peter Brook, a été adapté pour le théâtre par Nigel Williams. Cette pièce jamais jouée en France est créée par Ned Grujic dans la traduction de Ahmed Madani. Durant la IIe. guerre mondiale un avion britannique s’écrase sur une île déserte. Tous les adultes sont morts dans l’accident, seul un groupe de jeunes garçons survit. Voilà que commence pour eux l’apprentissage d’une vie à la fois autonome, sociale qui ne tarde pas à devenir une lutte pour le pouvoir et à séparer les adolescents en deux camps : l’un dirigé par Ralph respectueux de la règle, de la solidarité, l’autre mené par Jack, constitué en une tribu de chasseurs barbares se mutant en tueurs primaires. La chasse au cochon se transforme en chasse à l’homme.Opposant le bien et le mal, Golding peint dans son roman la transformation d’êtres, au demeurant civilisés – Jack est délégué d’une chorale qui chante au départ un chant pieux en latin – en barbares sanguinaires. On n’est pas loin là du Rhinocéros ionesquien.Ned Grujic, metteur en scène d’origine yougoslave, s’est intéressé à Sa Majesté des mouches cherchant une pièce qui sur le mode métaphorique et universel dénonce la guerre. Projet inévitablement réducteur de l’œuvre de Golding qui offre une matière bien plus vaste.D’où aussi, dans la logique du propos de la mise en scène articulé sur la violence, la pulsion de tuer ancrées en nous depuis notre enfance, le choix de faire jouer les enfants par des acteurs adultes. Attiré par l’allégorie et la métaphore proposées par la pièce Ned Grujic les perd totalement de vue dans sa mise en scène. Tout s’y joue au premier degré et forcement devient invraisemblable. Même le décor : des praticables à plusieurs niveaux, évoquant à la fois un terrain de jeu, une sorte de piste de skate et une île escarpée avec vue sur le ciel et la mer, ne peut gommer l’artifice caricatural du spectacle.
Sur le plateau 11 acteurs déploient beaucoup d’énergie : mouvements acrobatiques, jeu physique, souvent appuyé, courses, luttes, danses tribales, etc.. De sorte que cette maladroite imitation des enfants tient de l’infantilisme.
À quoi s’ajoutent des longueurs, insistance sur des effets et des mouvements répétitifs et pour comble l’interprétation des personnages criarde, chargée de clichés.
Bref cette première mise en scène française de Sa Majesté des mouches n’honore ni le roman de William Golding ni la pièce qui en a été tirée

Irène Sadowska guillon

Sa Majesté des mouches de William Golding misent en scène Ned Grujic
du 6 janvier au 15 février 2009 au Théâtre 13
103 bd Auguste Blanqui 75013 – réservations : 01 45 88 62 22


Archive pour 7 janvier, 2009

Dieu comme patient

Dieu comme patient
Ainsi parlait Isidore Ducasse
Les chants du comte Lautréamont
mise en scène de Matthias Langhoff.
par
Irène Sadowska guillon

Adulé par les surréalistes, Isidore Ducasse (dit le comte de Lautréamont, 1846 – 1870) poète « maudit » et révolté, a investi l’œuvre de sa brève vie de 24 ans, Les chants de Maldoror, d’une mission singulière : « attaquer par tous les moyens l’homme, cette bête fauve, et le Créateur qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. »Tout un programme que cette déclaration de guerre du poète au genre humain qui ne lui inspire que dégoût et horreur.Matthias Langhoff capte ce cri furieux de haine, de rage et de révolte contre le monde d’il y a plus d’un siècle qui renvoie à l’horreur de notre monde d’aujourd’hui. Les images projetées du quartier du Palais Royal qu’Isidore Ducasse arpentait naguère, inscrites dans le prologue du spectacle sont autant de traits d’union entre la misère humaine de l’époque du poète et celle de la nôtre. Les images projetées sur des voiles transparents ou opaques et le jeu des acteurs, tantôt simultanés tantôt alternés, tissent la narration scénique. Une narration polyphonique, alchimie parfaite du texte : dialogues, discours, récits partagés par le trio d’acteurs (Anne Lise Heimburger, Frédéric Loliée, André Wilms) qui deviennent parfois personnages : prostituée, clochard, fou, marin, ange, etc., de la musique et des effets sonores, des images filmées, des éléments du décor transformables à usages multiples, créant un univers hallucinant, surréaliste, de bruit et de fureur poétique. Un paysage cauchemardesque dans la tourmente où le torrent de la parole s’affronte à la violence dévastatrice de la nature et à celle des hommes : tempête, tonnerres de vagues déferlantes, rafales de tirs, bombardements.Tout cela est d’une grande beauté plastique. Dans le final le tableau d’un bateau à la dérive avec son équipage de marins morts qui rejouent chaque nuit l’effroyable scène de massacres, est superbe.
Il me semble cependant que Matthias Langhoff a surévalué quelque peu la démesure de la poésie de Lautréamont qui aujourd’hui a perdu de sa force, de sa violence. La parole, la voix de l’indomptable Nietzsche serait incomparablement plus dévastatrice. Mais alors quid de la belle métaphore historique de l’enfer humain de notre temps fournie à Langhoff par Les chants de Maldoror ? Ce message ne peut nous échapper si de surcroît on prête à la poésie de Lautréamont un sens prémonitoire, prophétique, renforcé par des ajouts du propre cru du metteur en scène.

Irène Sadowska guillon

Dieu comme patient d’après Les chants de Maldoror de Lautréamont, mise en scène Matthias Langhoff
Théâtre de la Ville les Abbesses du 5 aux 24 janvier 2009

Du Vent


Du Vent, théâtre d’objets, texte et mise en scène de Bernard Sultan par Philippe du Vignal
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Sur une petite scène quadri-frontale, quatre personnages, deux hommes et deux femmes sont en proie au vent; cela commence plutôt bien: on voit une petite plume qui se ballade en l’air, ballotée par le vent, juste éclairée par le pinceau lumineux d’une lampe torche;  ensuite, ces personnages qui sont joués , non par des comédiens mais plutôt par des artistes plasticiens et musiciens, essayent de nous faire croire qu’ils sont entraînés par des bourrasques de vent, eux comme les objets qu’ils manipulent comme ces rubans de papier, des sacs en plastique répandus sur scène ou ces feuilles de papier journal qui s’envolent grâce à des ventilateurs apportés  sur scène…De temps à autre, ils courent sur le plateau en faisant beaucoup de bruit… » Les spectacles de Bernard Sultan, prévient aimablement le petit texte de présentation, sont toujours des merveilles de simplicité et d’inventivité qui vont chercher dans notre quotidien le plus proche, les trésors poétiques et ludiques qui s’y trouvent. Une démarche jubilatoire qui célèbre l’économie de moyens, l’amusement de l’esprit et du corps » (sic). On veut bien mais, à cela près que la petite folie douce que Sultan voudrait voir régner sur scène ne fonctionne pas du tout; la faute à quoi ? Sans doute et d’abord à un scénario et à un texte plus que légers, à une gestuelle vraiment trop insuffisante, à des costumes et objets scéniques d’une remarquable laideur,  qu’un élève de première année de Beaux-Arts n’oserait jamais  présenter. Le second degré dans les costumes n’est pas si facile à attraper et tout le monde n’est pas Macha Makeïeff , l’excellente créatrice des costumes des spectacles de Jérôme Deschamps…Ce qui est le plus gênant, c’est sans doute le manque de métaphore dans le spectacle constitué de petits morceaux  mis bout à bout , comme s’il s’agissait de boucler une heure sans trop se soucier d’ un minimum d’unité scénique.Il y a, c’est vrai,  quelques belles images comme ces feuilles de papier de soie blanc que l’on pose sur le corps allongé d’une jeune fille, ou le souffle de ce petit accordéon dont on joue pas tout de suite ,comme pour mieux laisser percevoir toute l’importance de l’air qui l’anime.  Mais le compte n’y est pas,  surtout quand il s’agit d’un spectacle pour enfants à qui on devrait offrir le meilleur. La phrase à retenir de cette après-midi foutue: celle d’un petit garçon de quatre ans qui a dit quinze minutes avant la fin: « Et après? « . Tout était dit en deux mots.

A voir, sûrement pas, que vous soyez adultes ou enfants., que vous habitiez Choisy-le-Roi, Nogent-sur-Marne, Pantin Chevilly-Larue, Elancourt,  Pantin ou à Lorient.

Philippe du Vignal

DU VENT

DU VENT  THÉÂTRE PAUL Éluard de Choisy le Roi par Edith Rappoport

 

Théâtre d’objets de Bernard Sultan Compagnie l’Emporte pièces J’avais accueilli Bernard Sultan au Théâtre Paul Éluard que j’ai dirigé jusqu’en 1984 et je l’avais retrouvé avec plaisir la saison dernière avec ses installations sur les berges de la Seine pour Rêves de riverains. Du vent porte bien son nom : les 4 interprètes s’emploient à en faire avec des ventilateurs et de toutes les manières possibles. Hormis un solo clownesque de Boris Jacta qui m’a fait sourire, ce spectacle est loin  d’avoir le charme des précédents.

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