Dieu comme patient

Dieu comme patient
Ainsi parlait Isidore Ducasse
Les chants du comte Lautréamont
mise en scène de Matthias Langhoff.
par
Irène Sadowska guillon

Adulé par les surréalistes, Isidore Ducasse (dit le comte de Lautréamont, 1846 – 1870) poète « maudit » et révolté, a investi l’œuvre de sa brève vie de 24 ans, Les chants de Maldoror, d’une mission singulière : « attaquer par tous les moyens l’homme, cette bête fauve, et le Créateur qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. »Tout un programme que cette déclaration de guerre du poète au genre humain qui ne lui inspire que dégoût et horreur.Matthias Langhoff capte ce cri furieux de haine, de rage et de révolte contre le monde d’il y a plus d’un siècle qui renvoie à l’horreur de notre monde d’aujourd’hui. Les images projetées du quartier du Palais Royal qu’Isidore Ducasse arpentait naguère, inscrites dans le prologue du spectacle sont autant de traits d’union entre la misère humaine de l’époque du poète et celle de la nôtre. Les images projetées sur des voiles transparents ou opaques et le jeu des acteurs, tantôt simultanés tantôt alternés, tissent la narration scénique. Une narration polyphonique, alchimie parfaite du texte : dialogues, discours, récits partagés par le trio d’acteurs (Anne Lise Heimburger, Frédéric Loliée, André Wilms) qui deviennent parfois personnages : prostituée, clochard, fou, marin, ange, etc., de la musique et des effets sonores, des images filmées, des éléments du décor transformables à usages multiples, créant un univers hallucinant, surréaliste, de bruit et de fureur poétique. Un paysage cauchemardesque dans la tourmente où le torrent de la parole s’affronte à la violence dévastatrice de la nature et à celle des hommes : tempête, tonnerres de vagues déferlantes, rafales de tirs, bombardements.Tout cela est d’une grande beauté plastique. Dans le final le tableau d’un bateau à la dérive avec son équipage de marins morts qui rejouent chaque nuit l’effroyable scène de massacres, est superbe.
Il me semble cependant que Matthias Langhoff a surévalué quelque peu la démesure de la poésie de Lautréamont qui aujourd’hui a perdu de sa force, de sa violence. La parole, la voix de l’indomptable Nietzsche serait incomparablement plus dévastatrice. Mais alors quid de la belle métaphore historique de l’enfer humain de notre temps fournie à Langhoff par Les chants de Maldoror ? Ce message ne peut nous échapper si de surcroît on prête à la poésie de Lautréamont un sens prémonitoire, prophétique, renforcé par des ajouts du propre cru du metteur en scène.

Irène Sadowska guillon

Dieu comme patient d’après Les chants de Maldoror de Lautréamont, mise en scène Matthias Langhoff
Théâtre de la Ville les Abbesses du 5 aux 24 janvier 2009

 

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