Chemise propre et souliers vernis
Chemise propre et souliers vernis, texte, jeu et mise en scène de Jean-Pierre Bodin.
Jean-Pierre Bodin, mais si, souvenez-vous, c’est lui qui avait créé Le Banquet de la Sainte-Cécile où il racontait son enfance à l’harmonie de Chauvigny dans la Vienne, spectacle-culte qui fut joué un peu partout plus 700 fois. Quelques spectacles et quelques cheveux grisonnants après, Jean-Pierre Bodin remet Chauvigny en selle et nous conte les débuts et la vie d’un accordéoniste de ce même village, où vivent des gens, loin du bruit et de la fureur parisienne, qui doivent cultiver leurs tomates et leurs roses trémières. Où l’on boit peut-être encore au café le rouge limé- mélange national des années cinquante ( 2/3 de limonade, 1/3 de rouge)…
C’est la France des gens d’en-bas,comme disait M. Raffarin, celle des fanfares et des harmonies dont Jean-Pierre Bodin en formidable conteur, nous entretient. De ses bals, de ses fêtes rurales avec ses bagarres, ses petites histoires de village et ses mariages où on ne boit pas que de l’eau. Il y a comme une sorte de galerie de personnages: Jeannot l’accordéoniste qui s’est formé tout seul pour arriver à jouer six morceaux identifiables de Tino Rossi, avec comme idole Antonio dit Tony Murena, (1917-1970) d’origine italienne , auteur virtuose des fameux Passion et Indifférence et qui joua même avec Django Reinhardt.
Il y a aussi, Ginette, Germain dit Gobemouche, Edouard et beaucoup d’autres dont l’accordéoniste qui fait aussi office d’organiste à la Collégiale, comme cela se pratiquait autrefois, quand les petites églises avaient encore leur orgue, avant le délire de nettoyage qui s’empara des curés. A Houilles ( Yvelines), il y avait un monsieur Jalade, aveugle, à qui on avait piqué son accordéon et toute la population s’était cotisée pour lui en offrir un autre..
Tous ces personnages que fait revivre Jean-Pierre Bodin,avec force et délicatesse y compris dans les anecdotes pipi-caca, ce sont comme de lointains parents que l’on aurait perdus de vue et qui réapparaissent soudain par la magie du verbe et de la musique. Il y a en effet ,avec Bodin, trois excellents musiciens: Bertrand Péquèriau à la batterie et à la guitare, Bruno Texier au saxo, à la flûte au bugle et à la guitare basse et Eric Proud à l’accordéon et à la guitare, au concertina et au clavier. Le spectacle va son petit bonhomme de chemin, alternant récit de Jean-Pierre Bodin , chansons d’Alexandrine Brisson et musique de bal popu; parfois, comme dans les bals popu, on décroche et l’on est un peu ailleurs: mais ce n’est pas grave et c’est la règle du jeu…
Le spectacle se termine par un bal et, bien sûr, par un coup de rouge limé; à ce moment-là, on se croirait plutôt à Chauvigny dans la Vienne qu’au métro Voltaire, même si, autrefois, l’Artistic était voué aux délices du caf-conç.
A voir: oui, si vous voulez voir un spectacle un peu hors normes qui associe subtilement, à l’exemple des meilleurs comédies musicales, la chanson, le texte et la musique instrumentale de belle qualité… qu’Anne-Marie Lazarini a bien fait d’inviter.
Philippe du Vignal
Théâtre Artistic Athévains, jusqu’au 8 février.