L’HÉRITIER

L’HÉRITIER Théâtre 71 de Malakoff

Écriture et mise en scène de Jaïme Lorca, La Troppa

Cette compagnie d’origine chilienne a été accueillie à plusieurs reprises par le Théâtre 71 de Malakoff, elle est en résidence à Sète. Elle retrace un pan de l’épopée de la colonisation de l’Amérique du sud par les espagnols, un héritier du roi Néponucème a été caché par ses parents, à la mort de son père, il revient au grand jour et reçoit une éducation. La Troppa  fait preuve d’un beau savoir faire dans la manipulation de grandes marionnettes portées par les 4 comédiens manipulateurs. La scénographie simple et belle et les marionnettes conçues par Eduardo Jimenez et Rodrigo Ruiz donnent toute sa dimension au texte que les acteurs jouent en espagnol et en français

 

Edith Rappoport


Archive pour 16 janvier, 2009

L’ Avare de Molière

L’ Avare de Molière, mise en scène de Nicolas Liautard. 

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 Harpagon, bourgeois qui a bien réussi dans les affaires, la soixantaine, autant dire dix de plus aujourd’hui, veuf égoïste et  méfiant, s’est réfugié dans la tenue de ses comptes bancaires. Bref, l’argent est sa seule consolation et le mensonge permanent  sa règle de vie qui  a contaminé toute sa maison: les domestiques  le redoutent et ses enfants depuis la mort de leur mère le haïssent cordialement. Et pour cause, il annonce  sans, bien sûr,  lui demander son avis à sa fille Elise qu’il va lui faire épouser un homme  fort riche qui n’a pas dépassé la cinquantaine comme il dit; quant à lui, il continue à croire que la jeunesse ne l’a pas quitté et  a décidé de se remarier avec  Marianne une jeune fille… qui va se révéler être l’amoureuse de son fils Cléante. Mais son intendant Valère, l’intendant d’Harpagon est en fait le fiancé secret d’Elise…  Bref, c’est un monde atrocement dur où tous les coups bas sont permis. Harpagon n’a de tendresse pour personne: les domestiques sont maltraités, payé de temps à autre ,et les enfants considérés comme des gêneurs par ce père qui ne s’embarasse d’aucun scrupule: il prête de l’argent à des taux usuraires à de jeunes gens… dont son fils, ce qu’ils découvrent tous les deux par hasard. Cela commence à faire beaucoup et  La Flêche, le valet d’ Harpagon va précipiter les choses en allant voler la fameuse cassette de son maître pour en faire profiter Cléante. Coup de théâtre, arrive un riche napolitain , le seigneur Anselme qui se révèle être le père de Marianne et de Valère , deux enfants qu’il avait crus perdus lors d’ un naufrage. Heureuse fin, comme on dit aux Etats-Unis: Harpagon, dans un éclair de lucidité,comprend vite qu’il vaut mieux pour lui renoncer à son mariage, s’il veut retrouver sa chère cassette… Vous avez dit chantage?  Sans doute mais Cléante n’a pas trop le choix des moyens… Mais  Anselme promet généreusement de prendre en charge les frais des noces des deux couples, y compris les dots, ce qu’Harpagon avait refusé de faire! On voit que l’argent reste jusqu’au bout le fil rouge de toute l’action C’est à revoir la pièce que l’on se rend compte, si on l’avait oublié,  du talent de scénariste de Molière: chaque scène est le prélude de la suivante et tout est admirablement construit . Quant aux dialogues, écrits au scalpel, ils sont pétillants de drôlerie, d’invention et de rythme, même quand cela devient grinçant: Harpagon: « Je te donne ma malédiction » et Cléante répond: » Je n’ai que faire de vos dons »; Frosine l’entremetteuse qui vit de petits services pas toujours très clairs: « Mon Dieu, je sais l’art de traire les hommes ». Harpagon encore: « Sans dot! Le moyen de résister à cela? La Flèche:  » Qui se sent morveux, qu’il se mouche! « . Valère: « Le seigneur Harpagon est de tous les humains l’humain le moins humain ». Enfin, Frosine à Cléante: « Il vous aime fort, je le sais, mais il aime un peu plus l’argent ».
Nicolas Liautard, qui avait monté Amerika d’après Frantz Kafka avec beaucoup de talent  a habilement traité cette farce qui se révèle vite un drame où les générations ne sont pas solidaires, où la cupidité s’étale au grand jour et où les banquiers font de l’argent avec les économies des petits épargnants (prêter plus pour gagner plus).. Le sexe dans l’Avare, nous montre Liautard, rime souvent avec argent et  les hommes d’affaires veulent se refaire une jeunesse avec une seconde épouse  plus jeune… Si cela ne vous rappelle rien, envoyez-nous un commentaire!
Molière avait déjà tout dit et Nicolas Liautard l’a bien compris avec  une mise en scène où le farcesque fait bon ménage avec le glauque, et où la mort ne  plane pas très loin. Et il y a de très belles choses dans cet Avare, comme ce gag où Harpagon, toujours galant,  ramasse le mouchoir de Marianne, pendant que les amoureux s’embrassent vite fait, ou cette horrible confrontation entre père et fils, Harpagon  bougeant comme un jeune mannequin,  ou encore cette fin délirante toute au second degré, que Nicolas Liautard traite avec une rare élégance en envoyant sur scène des dizaines de ballons de fête. Oui, c’est bien la fête, nous dit-il, les amoureux  vont se marier, Anselme a retrouvé ses enfants, et il va payer le Commissaire  à la place d’Harpagon ( c’est l’avant dernière réplique: jusqu’au bout l’argent est roi! ) mais  Nicolas Liautard fait partir chacun en silence rejoindre son destin tandis qu’ Harpagon reste terriblement seul,  assis sur une chaise avec sa cassette retrouvée. Et des idées de cette qualité-là, le jeune metteur en scène en a souvent.
Et puis,  il y a le jeu de Jean Pol Dubois: roublard, anxieux, amoureux de son argent, naïf, colérique, émoustillé par le sexe, attentif à sa forme physique, cupide, sensible à la flatterie, rancunier, tenace, cynique, et sur la fin résigné et abattu, mais  vigilant jusqu’au bout  quant à son fric: il exprime ici une palette de sentiments avec une précision et une sensibilité rares. On l’apprécie beaucoup depuis longtemps mais il est  exceptionnel dans Harpagon, et c’est une grande leçon d’interprétation qu’il offre avec beaucoup de modestie: avis aux jeunes apprentis comédiens, ils en apprendront plus qu’en allant voir Piccoli.
Les jeunes lycéens qui formaient le gros du public à la séance de 19 heures ne s’y sont pas trompés et  lui ont fait un triomphe; le reste de la distribution n’est pas malheureusement du même niveau: diction faiblarde, jeu approximatif avec des phrases presque récitées, criailleries, manque de rigueur dans l’interprétation:  on est parfois à la limite de l’acceptable; et ces jeunes comédiens ont encore beaucoup de chemin à faire… Nicolas Liautard, en tout cas, devrait, si c’est encore possible, resserrer d’urgence les boulons de sa direction d’acteurs.
A voir? Mille fois oui, pour Jean Pol Dubois, et l’intelligence de la  mise en scène . Non, si vous exigez  que tous les rôles soient bien tenus et donc bien attribués, et que l’on puisse apprécier la totalité du texte, et pas seulement celui d’Harpagon,  de Rosine (Marion Suzanne) et d’Anselme ( Wolgang Kleinertz).

Philippe du Vignal

Théâtre des Quartiers d’Ivry jusqu’au 1 er février.

Œdipe de Sophocle

Œdipe de Sophocle par la Compagnie du 3° Œil
mise en scène Philippe Adrien

 


tempete.jpgAprès Le malade imaginaire, Le procès d’après Kafka et Don Quichotte Philippe Adrien poursuit son travail avec la compagnie du 3° Œil dirigée par Bruno Netter, acteur aveugle, et composée en partie d’acteurs handicapés, en montant Œdipe de Sophocle. Une approche intelligente et réussie du mythe. Un parti pris dramaturgique tenu avec cohérence de raconter l’histoire d’Œdipe comme un conte ou une légende à travers une mise en abyme d’Œdipe roi, inscrit sur le mode du flash back, dans le corps d’Œdipe à Colone qui constitue ainsi le prologue et l’épilogue de l’histoire. Le spectacle commence par l’arrivée d’Œdipe, vieillard aveugle, banni de Thèbes, guidé par Antigone, à Colone où il raconte son histoire tragique : l’oracle, le parricide, l’inceste. Puis on bascule dans Œdipe roi où dans Thèbes ravagée par la peste Œdipe mènera une enquête pour découvrir la vérité sur son abandon par ses parents, son meurtre de Laïos, son père, son mariage avec Jocaste, sa mère, qui amènera son auto mutilation et son bannissement. On retourne de nouveau à Colone où s’achève le cheminement d’Œdipe vers sa mort. Le texte, nouvelle traduction de Bertrand Chauvet qui a adapté avec Philippe Adrien et Vladimir Ant les deux pièces en les imbriquant l’une dans l’autre, élaguant les références inutiles, fait entendre avec une remarquable clarté et acuité, dans un langage à la fois poétique et usant d’expressions contemporaines, accessible à tout public, la tragédie d’Œdipe et les propos de ses protagonistes. Les pointes d’humour dans le texte et dans le jeu, produisant un décalage, une distanciation, confèrent à l’histoire d’Œdipe une dimension de conte.
En parfaite adéquation avec la dramaturgie scénique la scénographie de Gérard Didier prend en charge l’imbrication des deux pièces en construisant une perspective du destin d’Œdipe. Au fond du plateau, un grand œil avec un trou rond au centre dans lequel sont projetées parfois des images de paysages et où Œdipe disparaît à la fin.
Une belle dramaturgie d’éclairages : en clair obscur pour les parties d’Œdipe aveugle à Colone et des lumières vives pour Œdipe roi.
Le rythme impeccable, la tension dramatique parfaitement tenue, la fluidité des enchaînements des scènes, enfin le jeu des acteurs d’une bonne maîtrise, (quelques uns jouant deux personnages, Bruno Netter et Bruno Ouzeau se partageant le rôle d’Œdipe vieux et jeune) contribuent à la réussite de ce spectacle.

 

Irène Sadowska Guillon

 

Œdipe de Sophocle mise en scène de Philippe Adrien
au Théâtre de la Tempête à Paris du 13 janvier au 15 février 2009
réservations 01 43 28 36 36

 

Loth et son Dieu

Loth et son Dieu d’Howard Barker
création mondiale d’Agathe Alexis au Théâtre de l’Atalante.
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Loth et son Dieu (2007 – 2008) avant-dernière pièce d’Howard Barker, marque une nouvelle période et un tournant dans son écriture, qui tout en conservant ses grandes lignes thématiques du théâtre de la catastrophe (références aux grands mythes, dimension métaphysique) devient plus épurée, plus elliptique et en même temps d’une grande densité poétique. Une écriture qui se refuse au traitement réaliste, au premier degré, et demande pour s’incarner sur scène un langage recourant à la métaphore, à une composition quasi musicale et chorégraphiée du jeu des acteurs. C’est ce qui a guidé la démarche d’Agathe Alexis dans sa mise en scène de Loth et son Dieu. Howard Barker recycle ici dans le monde contemporain le mythe biblique de Loth et de sa femme que Dieu décide de sauver avant de détruire Sodome et ses habitants se livrant à la débauche et aux pires abominations. Envoyé par Dieu l’ange Drogheda qui a pour mission de faire sortir Loth et sa femme de Sodome, leur donne un rendez-vous dans un café sordide, infecte, à l’image de la pourriture de la ville et de ses habitants incarnés par le serveur se contorsionnant avec une sensualité provocante. Mais la femme de Loth n’est guère exempte des vices de ses concitoyens. En présence de son mari qui lui voue un amour exalté, sans limites, elle va entraîner Drogheda, à la fois fasciné, excité et répugné, dans un jeu pervers de séduction – résistance que celui-ci reprend à son compte, humiliant Loth qui, complaisant et déchiré par la douleur, refuse toujours d’admettre la trahison de sa femme. Ne pouvant toucher au couple élu de Dieu Drogheda rend le serveur aveugle, sourd et muet. Sa souffrance éveille la pitié de Loth qui s’oppose à l’ange. Celui-ci punit son insoumission en brûlant la bibliothèque chérie de Loth. À la fin Loth abandonne le serveur et s’en va avec sa femme.
Agathe Alexis articule sa mise en scène sur l’amour fou, la passion démesurée et douloureuse de Loth pour sa femme auxquels seul Dieu aurait droit. L’amour fou mis à l’épreuve, résistant à l’abject, à la trahison, à Dieu même ? La catastrophe qui frappe Loth est en même temps révélatrice de son libre arbitre.
En accord avec le parti pris du décalage du réalisme, le décor de Christian Boulicault, exploitant l’espace de l’Atalante dans toute sa longueur évoque un café : une table, trois chaises, deux autres chaises de côté, deux poteaux avec des petites glaces, un escalier, et crée l’effet d’extrême proximité, les spectateurs se trouvant quasiment à l’intérieur de l’aire du jeu.
Le jeu du quatuor d’acteurs : Agathe Alexis (femme de Loth), Michel Ouimet (Loth), François Frapier (l’ange Drogheda) et Jaime Flor (le serveur), participe du même souci de décalage du réalisme. Leur jeu, organisé sur un rythme lent, il creuse dans un tissage de dialogues, d’éclats de voix et de silences, le langage poétique, recherché de Barker. Une grande maîtrise du jeu à laquelle échappe parfois le serveur danseur tombant par moments dans une démonstration excessive de la souffrance.

 

Irène Sadowska Guillon

 

Loth et son Dieu d’Howard Barker
mise en scène d’Agathe Alexis à l’Atalante à Paris du 12 janvier au 16 février 2009
réservations 01 46 06 11 90

 

Loth et son dieu

Loth et son dieu, d’Howard Barker, mise en scène d’Agathe Alexis.

 

 D’un Barker à l’autre à quelques jour d’intervalle; cette fois, c’est à l’Atalante, la création d’une des dernières pièces de Barker écrite en 2007-2008, et beaucoup plus courte que Gertrude( Le cri), mise en scène par Corsetti à l’Odéon et avec quatre personnages seulement; Barker revisite le fameux épisode de la Genèse où un ange sauve Loth et sa femme quand Dieu décida de détruire Sodome , mais Loth commettra, énnivré par ses filles, un double inceste, stratagème qu’elles ont trouvé pour perpétuer la race. Nombres d’artistes ont traité cet épisode biblique( entre autres, des peintres comme Barbieri, Greuze et surtout  l’immense Simon Vouet au 17 ème siècle).
Quand Barker s’empare d’un  mythe de cette dimension, on se doute qu’il va le détourner. Et c’est surtout de la passion sans partage, d’une sorte d’amour délirant de Loth pour son épouse, de la fascination pour le sexe  qu’elle a eu toute sa vie, et du  mélange d’envie irrésistible et de haine qu’éprouve l’Ange, un certain Drogheda dont veut nous parler Barker. . Il y a aussi la figure d’un serveur que l’Ange va rendre aveugle. Cela se passe dans un café sordide,  tout en longueur, imaginé par Christian Boulicault, dans la petite salle de l’Atalante transformée, sans que l’on sente vraiment la nécessité. La scène frontale aurait-elle été un handicap? Pas si sûr… Mais, bon, ce parti pris d’une scène en longueur ne change pas fondamentalement les choses
 Agathe Alexis a mis en scène cette pièce qui- et c’est un euphémisme- n’a pas la dimension des autres textes de Barker, en particulier Gertrude (le Cri) qui a été écrite il y a une vingtaine d’années. Dans  Loth et son dieu, l’on n’arrive pas à bien cerner  qui sont ces personnages que Barker voudrait sans doute hors normes et auxquels on n’arrive pas à s’intéresser vraiment, d’autant que le texte comporte un certain nombre de tunnels. Mais les comédiens-pourtant confirmés comme Michel Ouimet, François Frapier et Agathe Alexis elle-même- ne semblent pas vraiment  à l’aise; et l’ennui s’installe alors très vite.
  » Il faut rendre compte du conflit entre le mouvement et le langage, valoriser toute la modernité de Howard Barker, la polyphonie des voix et des divers enjeux de l’oeuvre », précise Agathe Alexis; on veut bien , à ceci près que l’on pourrait dire ce genre de choses à propos de n’importe quel texte contemporain ou non; en réalité, tout se passe comme si elle avait eu des difficultés à faire passer, malgré beaucoup ( ou trop? ) de rigueur,  comme elle l’aurait voulu, la métaphore  de la catastrophe dans ce couple jusque-là uni de Loth et de sa femme. En tout cas, on ne m’ôtera l’impression qu’  il n’y avait aucune urgence à monter cette pièce épurée mais bavarde  de Barker, même si c’était pour la créer en France.
 A voir? C’est selon: si vous êtes un barkerien convaincu ou si vous aimez découvrir, assis sur des bancs munis de mauvais coussins, une courte pièce( 80 minutes) jamais jouée en France; sinon, ce n’est pas vraiment  la peine; allez donc plutôt voir Gertrude ( Le cri)  dont nous avons  déjà parlé le 13 janvier , qui est d’une grande qualité …
 Irène Sadowska-Guillon n’est pas  du même avis que moi; lisez son papier demain;  vous aurez un autre son de cloche.

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Atalante, 10 place Charles Dullin, 75018 Paris jusqu’au 16 février; à noter aussi : la reprise à l’Atalante, du 4 au 30 mars,  de l’Antigone de Sophocle, mise en scène de René Loyon, avec la jeune actrice formidable qu’est Marie Delmarès et René Loyon  qui incarne Créon avec beaucoup d’intelligence  C’est monté simplement avec beaucoup de finesse, la salle est bien un peu petite pour ce type de spectacle et les décors assez laids mais vous ferez avec.
. Il y a aussi la lecture le lundi 19 janvier de La douzième Bataille d’Izonzo, mise en lecture d’Agathe Alexis avec Jean-Pierre Léonardini, Agathe Alexis et Lou Wenzel, jeune actrice formidable elle aussi,  passée comme Marie Delmarès, par l’Ecole du Théâtre national de Chaillot.

Ph. du V.

Loth et son Dieu

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Loth et son Dieu, d’Howard Barker – mise en scène Agathe Alexis

 

L’un est sauvé, l’autre pas. Dieu a maudit Sodome, et Loth doit partir, sans sa femme. Être sauvé pour quoi ? Ironie du sort et révolte de la passion contre le salut. L’ange annonciateur – fort viril, aucun doute théologique – complique les choses en tombant fou lui aussi de la femme de Loth, et en persécutant le serveur-danseur du cabaret obscur et sinistre ou tout cela se joue, rien que pour monter sa puissance. C’est glacé, violent, très bien joué et réalisé, dans le “nez à nez“, presque corps à corps des spectateurs et des acteurs de la petite salle de l’Atalante. Le “théâtre de la catastrophe“ d’Howard Barker, en quête de la tragédie moderne, n’émeut pas, n’entraîne pas autre chose que trouble et malaise. Sa façon moderne de continuer à croire que le théâtre fait bouger les choses.

Christine Friedel

 

Avec Agathe Alexis, François Frapier, Michel Ouimet, Jaime Flor. Au théâtre de l’Atalante, jusqu’au 16 février. ________

 

Un voyage d’ hiver

Un voyage en hiver de Corine Miret et Stéphane Olry , mise en scène de Stéphane Olry 

unvoyagedhiverpierregrosbois.jpgLa règle du jeu était des plus simples mais elle était précise: Corine Miret partirait de Paris pour aller non sur la Côte d’Azur, le Cantal ou les Pyrénées- Orientales mais dans l’Artois… Vous avez dit l’Artois ? Mais si, souvenez -vous,  Bruay-en- Artois qui fit autrefois la une des journaux avec une histoire de crime mal géré, l’agglomération de Lens,  et de Liévin rasée pendant la première guerre mondiale, une région pas du tout  riche (presque 30 % de chômage!) où, une fois n’est pas coutume, le Ministère de la Culture a eu la riche idée de créer un Musée du Louvre-bis qui ouvrira ses portes dans quelques années.
  Donc,  Corine Miret est partie là-bas, courageusement , dans une petite commune où elle ne connaissait personne et où elle a fréquenté les cafés, la mairie, les lieux publics, bref, tous les lieux où elle pouvait rencontrer des gens, et à l’issue de ses sept semaines de séjour, elle a invité les personnes les plus proches et leur a dévoilé le pourquoi de son voyage jusque là, pas très loin de Paris et finalement aux antipodes de son monde et de son mode de vie parisien: créer un spectacle à partir de ce qu’elle aura vécu avec eux. C’est un des privilèges des gens de théâtre , sans doute après avoir fréquenté tant de situations et de personnages que d’être à peu près bien partout avec les » vraies gens » , riches et pauvres, voire très pauvres, jeunes et vieux, français, européens ou pas.
  Elle rend compte quotidiennement à Stéphane Olry resté lui à Paris ,de sa vie là-bas par le biais d’enregistrements sonores qu’elle lui envoie et sur lesquels il va travailler pour bâtir le spectacle.  Et c’est Corine Miret, elle-même, qui s’y colle pour nous dire ce récit de voyage d »‘exilée volontaire » comme elle dit, où elle a dû affronter l’inconnu mais aussi savourer les rencontres qu’elle a pu faire, au gré du vent;  seule et sans entraves, elle était sans doute plus ouverte, plus sensible  à la vie quotidienne des autres. Ce qu’elle  nous dit très bien, et avec beaucoup de retenue et parfois d’émotion.
   Pendant que le récit se déroule, une jeune femme pose des dizaines de morceaux de moquette dans un puzzle  compliqué sur lequel, elle va enfin  installer des maquettes de petites maisons qui, au fur et à mesure, formeront des rues ou des hameaux, une usine, etc…Les morceaux de moquette sont vraiment  laids mais les maisons donnent envie d’y habiter  (c’est  le syndrome du modèle réduit cher à Lévi-Strauss qui a encore frappé). Corine Miret est entourée, entre autres,  de l’auteur Stéphane Olry qui dit quelques mots de temps en temps, Jean-Christophe Marti le compositeur qui dirige de petits airs souvent  chantés à bouche fermée,  Hubertus Biermann , le gardien du centre socio-éducatif qui raconte sa vie quotidienne avec un fort accent belge et par Sandrine Buring qui personnifie la terre…
 Cela se passe dans la nouvelle salle de l’Echangeur, ancienne petite usine de béton brut, sans rideaux ni pendrillons avec des chaises coques en plastique rouge. Donc, pas de dorures, pas de chichis… Le temps se déroule lentement mais plutôt agréablement, et la fin est très belle quand Corine Miret raconte la fête qui a précédé son départ, pendant que toutes les petites maisons s’allument dans la nuit. On reste cependant un peu sur sa faim, les comparses de la narratrice semblant faire de la figuration intelligente, ce qui  nuit sans doute à ce récit de voyage qui a  du mal à décoller en tant que spectacle…  Seule en scène, avec ses petites maisons, Corine Miret, aurait été sûrement  plus efficace.
 Y aller? pourquoi pas? Je n’y emmènerai cependant personne; donc, à vous de voir. On a comme l’impression que les femmes sont plus sensibles à ce spectacle que les hommes mais c’est une intuition… En tout cas,  Christine Friedel l’a bien aimé et vous le dira sur ce même blog.

 

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Echangeur jusqu’au 31 janvier 01-43-62-71-20

Un voyage d’hiver, de Corine Miret et Stéphane Olry

Un voyage d’hiver, de Corine Miret et Stéphane Olry

Corine Miret et Stéphane Olry sont des expérimentateurs : dans leur laboratoire imaginaire, ils explorent très concrètement ce que c’est, par exemple, qu’une glorieuse défaite pour les Verts de Saint-Étienne (Mercredi 12 mai 1976, c’était du football), ce que raconte de la francitude une collection de cartes postales (Nous avons fait un beau voyage, mais…). Parfois, ils sont les cobayes de leur propre enquête, Stéphane Olry s’imposant de pratiquer en treize semaines les treize vertus recommandés par Benjamin Franklin dans ses mémoires (Treize semaines de vertu, actuellement en tournée, publié aux éditions de l’Amandier) et Corine Miret partant vivre sept semaines en terre inconnue : Un voyage d’hiver. “La Parisienne“ aura vécu un temps d’innocence absolue : table rase, elle aura laissé venir les contacts, les rencontres, les micro-événements, lestés alors de toute leur densité d’humanité. Et au bout des sept semaines, elle explique à la-dame-qui-fait-ses-vitres, au gardien-poète-de-la-salle-polyvalente et aux autres ce qu’elle est venue chercher. Quelques mois plus tard, de ses récits envoyés à Stéphane Olry naît ce voyage d’hiver. Sept personnes, sept fonctions construisent le récit de cet isolement choisi qui mène à tout sauf à la solitude, sept présences différentes, minimalistes ou pas, en action ici et maintenant, tissent les liens invisibles de cette aventure, forte d’être sans événements. Le tout ne ressemble à rien de connu et en même temps s’impose en une tendre évidence : la vie, la vie expérimentée par toutes nos perceptions aiguisées.
Christine Friedel

L’Echangeur, à Bagnolet, jusqu’au 31 janvier.

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