Loth et son Dieu
Loth et son Dieu d’Howard Barker
création mondiale d’Agathe Alexis au Théâtre de l’Atalante.
Loth et son Dieu (2007 – 2008) avant-dernière pièce d’Howard Barker, marque une nouvelle période et un tournant dans son écriture, qui tout en conservant ses grandes lignes thématiques du théâtre de la catastrophe (références aux grands mythes, dimension métaphysique) devient plus épurée, plus elliptique et en même temps d’une grande densité poétique. Une écriture qui se refuse au traitement réaliste, au premier degré, et demande pour s’incarner sur scène un langage recourant à la métaphore, à une composition quasi musicale et chorégraphiée du jeu des acteurs. C’est ce qui a guidé la démarche d’Agathe Alexis dans sa mise en scène de Loth et son Dieu. Howard Barker recycle ici dans le monde contemporain le mythe biblique de Loth et de sa femme que Dieu décide de sauver avant de détruire Sodome et ses habitants se livrant à la débauche et aux pires abominations. Envoyé par Dieu l’ange Drogheda qui a pour mission de faire sortir Loth et sa femme de Sodome, leur donne un rendez-vous dans un café sordide, infecte, à l’image de la pourriture de la ville et de ses habitants incarnés par le serveur se contorsionnant avec une sensualité provocante. Mais la femme de Loth n’est guère exempte des vices de ses concitoyens. En présence de son mari qui lui voue un amour exalté, sans limites, elle va entraîner Drogheda, à la fois fasciné, excité et répugné, dans un jeu pervers de séduction – résistance que celui-ci reprend à son compte, humiliant Loth qui, complaisant et déchiré par la douleur, refuse toujours d’admettre la trahison de sa femme. Ne pouvant toucher au couple élu de Dieu Drogheda rend le serveur aveugle, sourd et muet. Sa souffrance éveille la pitié de Loth qui s’oppose à l’ange. Celui-ci punit son insoumission en brûlant la bibliothèque chérie de Loth. À la fin Loth abandonne le serveur et s’en va avec sa femme.
Agathe Alexis articule sa mise en scène sur l’amour fou, la passion démesurée et douloureuse de Loth pour sa femme auxquels seul Dieu aurait droit. L’amour fou mis à l’épreuve, résistant à l’abject, à la trahison, à Dieu même ? La catastrophe qui frappe Loth est en même temps révélatrice de son libre arbitre.
En accord avec le parti pris du décalage du réalisme, le décor de Christian Boulicault, exploitant l’espace de l’Atalante dans toute sa longueur évoque un café : une table, trois chaises, deux autres chaises de côté, deux poteaux avec des petites glaces, un escalier, et crée l’effet d’extrême proximité, les spectateurs se trouvant quasiment à l’intérieur de l’aire du jeu.
Le jeu du quatuor d’acteurs : Agathe Alexis (femme de Loth), Michel Ouimet (Loth), François Frapier (l’ange Drogheda) et Jaime Flor (le serveur), participe du même souci de décalage du réalisme. Leur jeu, organisé sur un rythme lent, il creuse dans un tissage de dialogues, d’éclats de voix et de silences, le langage poétique, recherché de Barker. Une grande maîtrise du jeu à laquelle échappe parfois le serveur danseur tombant par moments dans une démonstration excessive de la souffrance.
Irène Sadowska Guillon
Loth et son Dieu d’Howard Barker
mise en scène d’Agathe Alexis à l’Atalante à Paris du 12 janvier au 16 février 2009
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