Sweet home
Sweet home d’Arnaud Cathrine, mise en scène de Jean-Pierre Garnier.
On connaît, bien sûr, les romans du jeune écrivain Arnaud Catherin, notamment( La Route de Midland , Exercices de deuil ) qui est aussi l’ auteur de textes de chansons. Jean-Pierre Garnier a eu l’idée d’adapter pour le scène Sweet Home; il s’agit d’évoquer trois étés d’une famille dans une demeure familiale, à Bénerville ( Manche) où la mère Susan, dépressive, vit recluse dans sa chambre. Après une tentative de suicide du haut de la falaise- un de ses enfants va la rattraper à temps, elle finira par prendre assez de somnifères pour réussir son coup.. .
Et ses trois enfants Lily, Vincent et Martin, celui-ci , beaucoup plus jeune, vont essayer de rattraper une vérité qui, jusque-là, leur a échappé. pourquoi leur mère s’est- elle suicidée? Quels ont été ses rapports avec leur père? Il y a toujours une part d’ombre qui reste enfouie et que l’on aimerait bien éliminer en en parlant? Comment reconstituer une mémoire familiale quand cette mère ne reviendra jamais et qui reste le grand dénominateur commun entre ces trois enfants devenus adultes, quatre même si l’on y ajoute Nathan qui fut autrefois le petit ami de Lily, au temps de leurs jeunes amours. Et cela leur fait du bien de parler, ou plutôt de monologuer, à dire ce qu’ils ont retenu au plus profond d’eux-mêmes, comme dans une sorte d’exorcisme oral. » Ce sont les vivants qui ferment les yeux des morts et ce sont les morts qui ouvrent les yeux des vivants« , disait déjà Tchekov.
Oui, mais voilà; nous connaissons tous la difficulté de porter un roman à la scène, seuls les plus grands y résistent, parce qu’ils possèdent déjà un scénario au tissu suffisamment solide pour résister à la lessive qu’on leur impose. Et si le roman n’est pas construit comme cela- c’est le droit le plus strict de l’auteur- on tombe à coup sûr dans le monologue bavard qui précède un autre monologue bavard, suivi d’un court dialogue auquel succède un nouveau monologue bavard, etc ….. et l’ennui s’installe assez vite.
Dans ces cas-là, si l’on veut à tout prix porter un roman à la scène, mieux vaudrait faire sobre, en particulier pour la scénographie. Mais celle que nous infligent Jean-Pierre Garnier et Yves Collet n’est pas du tout convaincante avec ce plateau à deux niveaux, muni d’escaliers sans garde fou,( bravo d’avoir pensé aux comédiens !), la plupart du temps noyé par une vidéo de vagues, de plage, et illustrative à souhait: quand on parle de lune ou de mer, si on n’avait pas compris, l’image apparaît, ce n’est pas formidable? Combien faudra-t-il dire encore et toujours que la vidéo n’est pas là pour jouer le rôle de béquille ou de faire- valoir inutile, pour ne pas dire de cache-misère, dans une dramaturgie mais qu’elle doit se justifier pleinement, sinon ce n’est pas la peine?
Les comédiens: Valérie Daswood , Thibaut de Montalembert, Sylain Dieuaide et Thomas Durand, bien dirigés, remplissent le contrat ; il y a même de courts mais bons moments , quand, par exemple, Valérie Daswood (Lily) évoque ses amours d’autrefois avec Nathan . Cela rappelle Le blé en herbe de Colette, mais bon, encore une fois, on se demande quelle est la nécessité de porter ce roman à la scène, alors que tant de jeunes dramaturges essayent en vain de se faire jouer…
A voir? Non, à moins que vous n’ayez envie de vous offrir un petit dépaysement en foulant les pelouses de la Cartoucherie( où vous pouvez aussi aller voir L’Oedipe monté par Philippe Adrien dont nous parle Irène Sadowska). Sinon, mieux vaut sans doute sans doute lire le texte d’Arnaud Catherin….
Philippe du Vignal
Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes T: 01-48-28-36-36, jusqu’au 15 février. Navette depuis le métro Château de Vincennes.