La Maison du lac
La Maison du lac d’Ernst Thompson, mise en scène de Stéphane Hillel.
Le nom d’Ernst Thompson ne vous dira sans doute pas grand chose; et pourtant! Ce jeune comédien américain du Vermont, écrivit cette pièce qui le fit connaître à New York d’abord, puis un peu partout dans le monde.
Mark Rydell en réalisa un film (1981) avec Katherine Hepburn , Henry Fonda et Jane Fonda (excusez du peu!) qui eut droit à l’Oscar du meilleur scénario et au Golden Globe; une autre de ses pièces L’Invitation à la Valse connut aussi un grand succès à Broadway avec, de nouveau, Katherine Hepburn.
En France,La Maison du lac fut mise en scène par Raymond Gérôme, avec Edwige Feuillère et Jean Marais en 86, puis par Georges Wilson avec Simone Valère et Jean Desailly. Elle est ici reprise par des acteurs adulés du grand public de leur âge, Maria Pacôme et Jean Piat, 86 ans et 85 ans, l’été prochain… On les a vus un peu partout , elle au théâtre et à la télévision, lui avec Louis Jouvet autrefois, puis à la Comédie-française dans Cyrano, dans Les Rois maudits de Claude Barma à la télévision, et elle, au cinéma avec Philippe de Broca, et dans des pièces de Sacha Guitry mais aussi de Françoise Dorin, etc…
Et la pièce? » Retravaillée » dit Stéphane Hillel ( mais comment ?) par Jean Piat, sa fille Dominique et Pol Quentin, elle a le mérite d’avoir gardé une certaine fraîcheur de scénario: c’est une sorte de tranche de vie de Tom et Kate Murphy dans leur maison de campagne au bord d’un lac dans le Vermont. C’est l’été; ils y attendent Claudia, leur fille et Bill Ray, son nouveau compagnon qui, arrive flanqué, de Billy, un fils qu’il a eu avec une autre femme.
Il y a aussi le postier Charlie, un ami d’enfance de Claudia qui passe à intervalles réguliers. Tom a des relations plutôt grinçantes avec Bill, et avec sa fille, d’autant plus que le couple veut laisser Billy pour trois semaines à Kate et Tom qui, lui, refuse net, parce que selon lui, le gamin est insupportable, vulgaire, etc…
Bien entendu, Tom finira par accepter sinon il n’y aurait pas de pièce; le vieil homme et l’adolescent, fondus de pêche à la ligne, deviendront inséparables pour le plus grand bonheur de Kate. Bill et Kate reviendront de leur escapade en Belgique pour annoncer qu’ils se sont mariés; ce sera l’occasion sans doute pour Claudia d’avoir enfin un vrai dialogue avec son père. C’est la scène freudienne (du Freud de pacotille!) Mais Tom a un malaise et l’on sent bien que, peut-être, le vieux couple ne reverra-t-il jamais leur maison du lac…Les années qu’il leur reste à se chamailler amoureusement là où ils viennent depuis si longtemps, leur sont comptées.
Cela ressemble parfois à du Tchekhov (toutes proportions gardées!) qu’Ernst Thompson a dû lire autrefois mais les personnages du vieux prof de grec n’est pas crédible pour un centime d’euro, comme celui de la fille , de son compagnon, du jeune homme, et du facteur, absolument inutiles, sans aucun doute à cause de dialogues assez faiblards qui se veulent drôles mais qui sont d’une vulgarité exemplaire.
Visiblement, Stéphane Hillel a laissé faire ses vedettes: Jean Piat en fait donc des tonnes et c’est insupportable; Maria Pacôme a tendance à minauder, et on l’entend mal; Béatrice Agenin et Christian Pereira semblent s’ennuyer sec, Damien Jouillerot est beaucoup trop âgé pour le rôle, et Patrice Latronche essaye d’en rajouter dans les rondeurs pour donner un peu de vie à un personnage inexistant.
Quant au décor très réaliste mais mal conçu, il gêne la circulation des comédiens; de temps en temps, le rideau, représentant le lac avec ses arbres et ses pontons pour bateaux, descend pour ponctuer les sept tableaux (il y a en plus une belle tache d’humidité en plein milieu)! Le public,plus très jeune, applaudit à chaque fois. Assez pathétique !
Le texte donne surtout l’impression, dans la version présentée ici, comme nombre de pièces dites de boulevard, de servir de faire-valoir à deux acteurs. Il aurait fallu l’adapter et le situer dans un contexte français (les Américains, eux, ne se gênent pas): cela aurait sûrement donné un peu plus de fraîcheur et de vie. Mais quand on a affaire à une mise en scène aussi bâclée (pas de directions d’acteurs, rythme d’une lenteur accablante que rien ne justifie, scénographie inadaptée, on reste assez perplexe devant cet ovni où rien n’est dans l’axe.
Que sauver du naufrage ? Sur la fin, la merveilleuse complicité de Jean Piat et Maria Pacôme, serrés dans les bras l’un de l’autre, qui savent qu’ils ne reverront peut-être jamais cette maison du lac (dans la pièce comme dans la vie: il y a un très beau moment d’émotion qui passe alors dans la salle, mais il aura fallu attendre presque deux heures pour en arriver là. Et l’éternité, comme disait Alphonse Allais, c’est long surtout vers la fin…
A voir ? Si on vous invite, si vous avez deux heures à perdre, si vous avez de la sympathie pour Jean Piat et/ou pour Maria Pacôme, si vous avez envie de savoir comment une pièce célèbre, autrefois jouée par toute une pléiade de comédiens exceptionnels, américains puis français, puis de nouveau, français, est devenue aussi pâle, si vous avez envie aussi de comprendre comment se divertit la « bonne » bourgeoisie parisienne à ce genre de prestations (cela fait beaucoup de conditions, on vous l’accorde)!
Sinon, au prix où sont les places au Théâtre de Paris, vous pouvez économiser de quoi vous offrir un excellent repas bio pour six personnes minimum avec poisson du lac…
Philippe du Vignal
Théâtre de Paris
J’ai un avis un peu plus positif sur la pièce mais ayant encore moins de 26 ans, je n’ai déboursé que 10 euros…