Le Collier d’Hélène
Le Collier d’Hélène de Carole Fréchette , mise en scène de Nabil el Azan.
La pièce a été écrite par Carole Fréchette après un séjour au Liban il y a presque dix ans. Créée en 2002 puis jouée au Théâtre du Rond-Point l’année suivante.
Elle vient d’être reprise à la suite d’une résidence de création au Théâtre national de Palestine à Jérusalem, en collaboration avec la compagnie La Barraca.
Argument des plus simples: une jeune femme européenne, au Liban, pour un congrès mais est restée un peu plus longtemps.
Elle s’aperçoit alors qu’elle a perdu un petit collier de perles en plastique sans aucune valeur qu’elle va tenter, sans l’ombre d’un espoir, de retrouver dans une sorte de quête personnelle. Elle va parcourir une ville à la fois dévastée et en reconstruction, et qu’elle ne connaît évidemment pas. Aucun souvenir, aucun indice pour l’aider, bien sûr à retrouver ce collier.
Elle va rencontrer quelques figures emblématiques de cette ville; d’abord Nabil, un jeune et beau chauffeur de taxi qui lui sert de guide, à la fois patient et attentif à sa demande qu’il juge sans doute irréaliste Sans doute Carole Fréchette a dû être frappée par la beauté des paysages maritimes mais aussi, tout proches par des quartiers entiers aux maisons dévastées. Le Liban, Gaza… Bref, nous avons tous vu ces immeubles éventrés, ces rues couvertes de voitures calcinées, où des gamins continuent quand même à jouer.
La guerre, toujours la guerre, puis le temps de l’après-guerre vécu comme une fatalité parce qu’il faut bien continuer à vivre. Hélène rencontre ensuite un contremaître quelque peu démoralisé, puis un jeune femme au bout du désespoir qui n’arrive pas à admettre qu’elle a perdu son petit garçon, victime d’une bombe. Cette jeune femme souffre cruellement de cette perte , sans commune mesure, bien entendu, avec celle de ce pauvre petit collier.
Mais le sentiment de la perte est universel et Hélène se sent plus vite proche de cette jeune femme arabe dont elle ne connaît même pas la langue… qui, elle, est à la recherche d’une petite balle rouge appartenant à ce petit garçon.
Hélène va aussi trouver sur ses pas, après encore un parcours en taxi, toujours cornaquée par le beau Nabil, un réfugié qui lui redit dans une souffrance sans fin qu »on ne peut plus vivre comme çà et qui lui fait promettre de dire là-bas dan son pays où il n’ira probablement jamais: » Dans les soirées, avec vos amies, quand vous buvez du vin, quand vous regardez par la fenêtre la ville toute blanche, si paisible et si bien ordonnée, dite-le, même si personne ne comprend, même si vous n’êtes plus certaine de savoir d’où vient cette phrase, parce que ça fait longtemps et c’est si loin, à l’autre bout de la terre. Dites-le. » Elle rencontrera enfin un petit revendeur à la sauvette de n’importe quoi, qui veut lui refiler un collier pour remplacer celui qu’elle recherche avec tant de passion inutile. »
La pièce de Carole Fréchette est écrite dans une langue à la fois simple et poétique, bien servie par la mise en scène et l’intelligente direction d’acteurs de Nabil el Azan qui donne les choses à voir avec beaucoup de sobriété et de précision. La scène est vide , juste délimitée par des châssis pivotants. Les comédiens jouent, pour Mireille Roussel en français, et pour Hussan Abu Eiseh, Mahmoud Awad, Saled Bakri, Reen Talhami et Daoud Totah en arabe. Leur jeu est précis, calme et toujours juste et ils ont tous une présence étonnante.
Et il n’y aucune difficulté de compréhension, puisque la traduction s’affiche en arabe, en anglais, et français. Saluons la performance de Mireille Roussel, en scène du début jusqu’à la fin. Nous l’avions vu récemment chez Ludovic Lagarde puis chez Céline Pauthe dans S’agite et se pavane mais elle est ici exceptionnelle et possède une force intérieure et une présence remarquables. A voir, oui sans aucun doute surtout si vous aimez Carole Fréchette.
C’est l’occasion, même s’il y a peu de représentations; Ivry n’est pas toujours facile d’accès et le théâtre des Quartiers d’Ivry est à sept minutes du métro et quand on aime, on ne compte pas… Le Collier d’Hélène est d’une autre dimension et d’une autre saveur que cette Petite Pièce en haut de l’escalier de cette même autrice, récemment jouée au Théâtre du Rond-Point à Paris (voir Le Théâtre du blog ).
Philippe du Vignal
Théâtre des Quartiers d’Ivry, rue Danièle Casanova, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne); jusqu’au 14 mars. et les 17 et le 18 mars, salle Max Jacob, Bobigny ( Seine-Saint-Denis).