Doubt (Le Doute)
Le Doute de John Patrick Shanley, mise en scène de John P. Kelly.
Le Doute , du New Yorkais John Patrick Shanley est désormais associée au film avec Meryl Streep et Philip Seymour Hoffman, dont le scénario a été tiré de la pièce par l’auteur.
John P. Kelly, a mis en scène cette œuvre à mi-chemin entre enquête policière et drame de conscience. C’est une critique virulente de l’église catholique et de sa rigidité morale incarnée par la Mère supérieure (Sœur Aloysius) incapable de la moindre sympathie humaine. Elle représente l’ordre, la discipline et le respect des règlements , surtout lorsque ceux-ci renvoient aux principes religieux. Personnage coincé, antipathique, elle s’accroche à sa foi comme quelqu’un qui aurait peur de voir s’écrouler les fondements de sa conscience morale. Mais arrive le jeune pasteur Flynn, aux mœurs « inhabituelles » et dont le style « trop familier », voire franchement « ambigu » avec ses jeunes élèves, surtout les garçons, paraît vite suspect aux yeux de la Mère supérieure. Elle convoque Flynn mais ,quand il nie ses accusations, elle se lance dans une croisade personnelle pour extirper le « mal » du couvent.
Cette confrontation symbolique entre l’église traditionnelle et la nouvelle église touchée par le mouvement œcuménique est au coeur de la pièce, puisque la culpabilité du jeune homme est difficile à affirmer et que le doute subsiste. Quant à la Mère supérieure, elle semble emportée par ses obsessions, et on peut aussi avoir quelques doutes sur ses convictions religieuses.
Quant à la mise en scène, assez statique , elle est surtout fondée sur le jeu des comédiens. Mary Ellis a eu du mal à cerner toutes les complexités de cette figure torturée par une vie de répression, et n’a pas vraiment saisi les nuances d’un personnage au bord du déséquilibre mental. Le metteur en scène avait interdit à ses acteurs de voir le film , de peur qu’il ne les influence. Pourtant, Meryl Streeep aurait pu servir de modèle à Mary Ellis qui est loin d’être une débutante, et regarder jouer les grands comédiens est toujours une expérience stimulante, même quand un film connait une surenchère médiatique. Elle aurait pu sans doute ainsi mieux surveiller la tonalité et le rythmes de sa voix souvent trop peu modulée.
L’aueur de la pièce, John Patrick Shanley vient de New-York où la technique de la mémoire affective détermine souvent le jeu des acteurs mais , ici, Mary Ellis reste à la surface des choses. Kris Joseph a lui, une belle présence et sait maintenir l’ambigüité jusqu’à la fin mais son rôle exige aussi beaucoup moins de subtilité… Nathalie Fraser-Purdy est aussi tout à fait remarquable. La mise en scène, malgré tout, finit par nous séduire, dans la mesure où Kelly a su traduire l’intelligence de la pièce.
Alvina Ruprecht
Gladstone Theatre à Ottawa.