Ces tristes lieux, pourquoi faut-il que tu y entres ?
Ces tristes lieux, pourquoi faut-il que tu y entres ?
(pitié, redondance et considération tragique)
d’Howard Barker
photographies d’Eduardo Houth
traduit et postfacé par Daniel Loyaza
Il s’agit d’une commande d’un ouvrage original faite à Howard Barker par le Théâtre de l’Odéon pour la collection fondée par Olivier Py : brève initiation au théâtre d’Howard Barker, à son univers d’homme et d’artiste qui croise la création du poète, du peintre et de l’homme de théâtre.Dans laa première partie : une cinquantaine de réflexions aphoristiques sur le théâtre et dans la seconde : un tableau dramatique extrait d’une pièce inédite Un couteau blessé. Ce qui offre un échantillons de deux registres de son écriture.
Le livre est illustré par une dizaine de photographies inédites d’Eduardo Houth, collaborateur et ami de Barker, réalisées chacune à l’occasion d’un spectacle de l’écrivain.
Cette vingtaine de pages d’aphorismes où Barker revient avec ironie et humour caustique sur des thèmes récurrents de son œuvre : le tragique, le secret, le sacrifice, le théâtre de la catastrophe, le visage etc… est une sorte de poème en prose traversé d’images leitmotifs, rappelant des haïku.« En Utopie il n’y a pas de police. Pour le dire autrement, en Utopie, tout un chacun est policier. » « En ce lieu il est interdit de faire l’amour, c’est donc l’endroit où nous devons certainement le faire. Mais vois, d’autres nous ont précédé ici ! Aussitôt le charme se dissipe. La passion n’est rien si elle n’est transgression. Mais nous serons bientôt à court de règles. La perspective atterrante de la Tolérance Absolue… » « L’art est un irritant qui s’ouvre à la pensée qui n’est pas autorisée et à l’inconscient qui a été aboli. »
Dans l’extrait du Couteau blessé, on retrouve, traité sur un mode concis et ironique, les thèmes barkeriens : crime, pitié, manipulation, logique du châtiment et de la justice. Une vraie perle de lucidité et de liberté intellectuelle, et il y a un excellent éclairage sur son oeuvre dans la postface de Daniel Loyaza « Troubles secrets. Notes liminaires sur Howard Barker. » Une analyse très fouillée et accessible de la conception barkerienne du théâtre et de sa fonction, de son rapport à l’histoire, aux mythes, au tragique, de son refus de subordination à un rôle social, politique, esthétique, à toute fonction qui priverait le théâtre de l’autonomie qui lui est nécessaire pour déployer ses effets propres.
La postface est complétée par des notes, des repères biographiques et des éléments bibliographiques.
Un ouvrage tonique d’intelligence exaltante, qui tient de Montaigne et de Nietzsche, un antidote salvateur à la bêtise, à la mesquinerie intellectuelle et à la lâcheté consensuelle environnantes. Un livre à lire et à relire tous les jours.
Irène Sadowska Guillon
Ces tristes lieux, pourquoi faut-il que tu y entres ?
De Howard Barker
Co-édition Théâtre de l’Odéon et Actes Sud
88 pages, 10 €