Festival d’Avignon 63 ème édition
Festival d’Avignon 63 ème édition du 7 au 29 juillet.
Putain, déjà soixante trois ans! Le festival a sans doute bien changé depuis ses modestes débuts, et même depuis le décès de Jean Vilar en 71. Dans ce que l’on appelle désormais le 104, ancien lieu autrefois « dédié » comme on dit dans le langage ministériel, aux Pompes Funèbres et à la fabrication de cercueils, magnifique bâtiment du 19 ème siècle reconverti par la mairie de paris en établissement culturel dirigé par Fréddéric Fiesbach et Robert Cantarella, a lieu cette année la grand messe annuelle consacrée à la présentation du programme du Festival.
Peu de visiteurs en ce vendredi matin; l’endroit est beau, très lumineux mais pas vraiment chaleureux…. Quelques vigiles africains fort aimables renseignent les égarés qui en franchissent le portail; pas l’ombre d’un bar ou d’un accueil à l’horizon;merci, monsieur l’architecte! La plaquette indique aimablement que le soir, il y a un camion pizza (sic). Mais il y a du monde là-bas au bout de la grande halle: donc, ce doit être là. C’est bien là: il y a même Hortense Archambault et Vincent Baudrier qui accueillent très gentiment chaque invité- ce n’est pas si fréquent et mérite d’être salué.
Bon, dans la grande salle, il y beaucoup de monde et, sur la scène, les deux directeurs avec leur » artiste associé » de cette année selon la formule qu’ils ont mis en place à leur arrivée: le désormais célèbre Wajdi Mouawad,écrivain et metteur en scène canadien d’origine libanaise et directeur du Théâtre d’Ottawa qui commence par chauffer la salle avec quelques anecdotes amusantes, puis c’est le tour d’Hortense Archambault qui présente les grandes lignes du Festival, avec, précise-t-elle d’emblée, 21 créations sur les 31 spectacles présentés, ce qui est un sérieux atout, et de Vincent Baudrier qui décline le programme.
Copieux, le programme de ces trois semaines! D’abord , la nuit culte de 20 heures à 6h 30 de Wajdi Mouawad, avec trois de ses pièces les plus connues: « Littoral, » « Incendies, » « Forêts » en intégralité, bien sûr dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Le syndrome du « Soulier de satin » (22 h / 9 h) mise en scène de Vitez, a encore frappé! Il y aura aussi dans le parc des Expositions à Château-Blanc (dans la banlieue d’Avignon) une création de Mouawad, « Ciels ».
On attend avec impatience la création du grand Krystof Warlikowski, « Apollonia « d’après Euripide, Eschyle,et Hanna Krall , romancière polonaise dont Le Roi de coeur( le récit d’une femme dont le mari est emprisonné à Auschwitz ) a été publié l’an passé par Gallimard. Cette année, on l’aura vite compris, le festival ne baigne pas dans la franche gaieté , puisque Joël Jouanneau crée « Sous l’oeil d’Oedipe, » d’après Sophocle, Euripide… Pour faire bonne mesure, on aura aussi droit aux « Cauchemars du gecko « de Jean-Luc Raharimananna, mise en scène de Thierry Bédard, dont M. Kouchner a fait interdire » 47″, récit des massacres à Madagascar perpétrés par l’armée française en 1947, dans les structures dépendantes du Ministère des Affaires Etrangères.
Il y a aussi « La Guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres « d’Amos Gitaï, célèbre écrivain israélien, d’après » La Guerre des Juifs « de Flavius Josèphe, né Yossef ben Matityahou ( 1er siècle après J.C. ) , historien juif de langue grecque qui relata la prise de la ville de Jérusalem par Titus, avec Jeanne Moreau, lequel spectacle sera aussi joué aux Festivals d’Athènes/Epidaure, de Barcelone et d’ Istanbul .
On ne nous épargnera pas non plus les conflits africains avec « Les Inepties volantes « de Dieudonné Niangouna, auteur et metteur en scène congolais maintenant bien connu, créé au Centre Culturel français de Pointe-Noire en 2008. Et si l’on a bien compris, c’est encore des guerres au Moyen-Orient dont parleront les Libanais Lina Saleh et Rabih Mroué avec « Photo-romance ». Et le poème « Ismène » de Ritsos,sera mis en scène par Joël Jouanneau…
Vous avez dit tragique? On aurait bien aimé quelques petites douceurs comiques mais cela ne semble pas être indispensable aux deux directeurs actuels, alors qu’on reproche si souvent au théâtre subventionné cette carence, ce qui n’est pas entièrement faux…
Mais Christoph Marthaler , excellent metteur en scène suisse ( il avait présenté en 2007 en Avignon, » Groundings » ,un spectacle sur le naufrage exemplaire de Swissair) crée cette année « Butzbach-le-Gros, une colonie durable ».
Et vous pourrez voir aussi d’Ödön von Horvath, « Casimir et Caroline « , par les Hollandais Johan Simons et Paul Koek qui sera créée à Anvers. Et Claude Régy mettra en scène » Ode maritime », le texte de Pessoa; Denis Marleau le Québécois créera « Une fête pour Boris » de Thomas Bernhard , et Christophe Honoré monte » Angelo, tyran de Padoue » de Victor Hugo mais il y a aussi Jan Lauwers et sa Need company , Jan Fabre avec « Orgie de la Tolérance ». Et une exposition sur le grand metteur en scène et théoricien anglais Gordon Craig.. On en passe , et des moins bons , et des meilleurs, et l’on ne parle pas de la danse,et des dizaines d’autre micro- évènements .
Et pas encore des centaines de spectacles du Festival off qui prend de plus en plus d’importance et auquel vous aurez droit une prochaine fois. Voilà: malgré de nombreuses réductions, les prix d’entrée ne sont pas donnés et le public était l’an dernier plus très jeune, comme dans les théâtres parisiens, ce qui est inquiétant pour l’avenir. Mais , si vous le pouvez, vous aurez de quoi vous nourrir, en Avignon cet été. Le festival, même par ces temps de crise, parait avoir encore de beaux jours devant lui….
Philippe du Vignal