Le vieux qui lisait des romans d’amour
Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepulveda, adaptation et mise en scène de Patrick Chevalier.
On connaît sans doute le roman mythique( traduit en trente cinq langues! ) de cet écrivain chilien, inscrit aux Jeunesses communistes sous Pinochet et condamné à… 29 ans de prison; il fut libéré au bout de deux années grâce à Amnesty International,. il vécut ensuite dans de nombreux pays d’Amérique centrale, fonda une troupe de théâtre à Quito, puis il alla vivre 14 ans à Hambourg et enfin décida de partir pour l’Espagne.
Le roman raconte l’histoire d’Antonio José Bolivar qui pense avoir un peu plus que les soixante ans qu’on lui attribue. Il vécut longtemps dans la forêt amazonienne, en parfaite harmonie avec la nature pourtant inhospitalière et très ami avec les indiens Shuars dont il avait peu à peu adopté le mode de vie. Il travaille quelques hectares de terre difficile avec l’aide de sa jeune femme Dolorès , morte depuis de la malaria. Antonio José avait appris des Shuars un parfait respect de la terre et de ses animaux, même si elle n’était guère féconde… terre que les Américains du Nord saccageaient sans état d’âme. Il a depuis quitté la jungle et vit seul, un peu misérablement dans la campagne avec quelques ustensiles de cuisine, deux chaises , des caisses en bois comme meubles la photo de son mariage avec Dolorès dans un cadre doré , quelques livres et un petit réchaud à pétrole. A part quelques Indiens, il a un seul ami blanc, un dentiste qui s’occupe de sa santé.
Quand la pièce commence, on apprend qu’une femelle jaguar, depuis que des blancs ont tué ses petits, est en train de semer la terreur et il n’ y a que lui qui peut l’éliminer. Le jaguar a déjà plusieurs morts à son actif,dont elle d’un chercheur d’or Napoléon Salimas, mais Antonio José hésite à éliminer l’animal à coup de fusil. Il le fera cependant mais en restera anéanti… C’est un personnage hors du commun qui a beaucoup vécu et qui ne se fait plus trop d’illusions sur ce que peut être le bonheur. D’autant plus qu’un américain a tué deux de ses copains Shuars, qu’il vengera en abattant un autre Américain. Son seul plaisir est de lire de vieux romans d’amour que son ami dentiste lui a piqués dans un bordel de la ville. Le roman est tout à fait passionnant ,d’abord parce qu’il traite d’un immense et terrible problème: la déforestation de l’Amazone qui, comme chacun sait, est le plus important poumon de la planète… et l’on sent bien que Sepulveda connaît bien et les personnages qu’il fait vivre, et le monde de la jungle.
Reste à savoir si l’on peut arriver à recréer ce type d’univers sur une des petites scènes du Lucernaire ! Soyons francs: la réponse ne peut être que négative. Patrick Chevalier qui joue le rôle du dentiste a tenté de mettre en scène des fragments de ce roman, mais, pour arriver à un résultat moyen, il aurait déjà fallu déjà une solide dramaturgie, ce qui est loin d’être le cas, et le vieil acteur (Paco Portero) qui interprète Antoni José, s’il a bien la tête de l’emploi- cheveux blancs en katogan, visage émacié et corps longiforme- est tout à fait crédible… tant qu’il ne parle pas! Il faudrait qu’il soit vraiment dirigé; malheureusement la direction d’acteurs comme la mise en scène sont aux abonnés absents.
Et mieux vaut oublier la scénographie qui se voudrait réaliste mais à laquelle il est impossible de croire un instant. Il y a bien une bande -son intéressante mais qui est mal utilisée. Que peut-on sauver du naufrage ? Pas grand chose sinon quelques brefs instants d’émotion fugitifs mais il faut être vraiment vigilant pour les surprendre…
A voir? Non, sûrement pas. Achetez vous plutôt le roman de Sepulveda.
Philippe du Vignal
Théâtre du Lucernaire.du 25 Février 2009 au 13 Juin 2009