La Folie de Janus et Je meurs comme un pays

La Folie de Janus, de Sylvie Dyclo-Pomos, mise en scène de Judith Depaule. et Je meurs comme un pays de Dimitris Dimitriadis, mise en scène d’Anne Mitriadis

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  Deux  monologues sur le guerre qui, on le sait, est une source inépuisable pour romanciers, dramaturges et cinéastes, dans la mesure où, qu’elle soit civile, nationale ou internationale, elle modifie très vite les comportement humains, et a des conséquences sur plusieurs générations d’hommes et de femmes, même s’ils  ne l’ont pas vécu directement.  La Folie de Janus  a pour cadre  une affaire plutôt tordue où la France, semble-t-il, n’a pas été très claire.

Il s’agit  de l’épisode dit « des disparus du Beach de Brazzaville » où,  depuis 1993, un guerre sans merci opposa le président de la république Pascal Lissouba au maire de Brazzaville, Bernard Koléas. Une seconde guerre en 97 fit des milliers de morts parmi les civils, puis à la suite  d’un accord de réconciliation, les réfugiés revinrent en 1999,  et 350 personnes furent alors  torturées puis exécutées.
A la suite d’une  plainte auprès de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, le tribunal de Meaux ouvrit une instruction pour crimes contre l’humanité, puis condamna l’Etat congolais à indemniser les familles des victimes. Mais l’instruction fut suspendue pour conflit de compétence entre la France et le Congo. En 2007, la Cour de Cassation confirma  que la justice française était compétente et en 2008, l’instruction reprit. Voilà vite brossée,  cette terrible histoire où, on l’aura deviné, bien des choses sont restées obscures  et où le rôle de l’ex-colonisateur est loin d’être clair…

 

Judith Depaule a mis en scène le texte à l’écriture précise  de Sylvie Dyclo-Pomos avec un seul comédien, Ludovic Loupé qui  a une belle présence scénique et une diction parfaite; il dit les choses calmement, ce qui renforce encore l’horreur des mots employés. C’est le récit des atrocités répétées: villages dévastés, massacres, pillages, viols et tuerie d’enfants en série sous les yeux des mères, morceaux de cadavres traînant dans la terre: une tête, un bras dont un père s’aperçoit  qu’ils appartenaient aux corps de ses enfants. Bref, les horreurs de la guerre où tout, y compris l’innommable, a lieu. Et cela  ne date pas de l’Antiquité ni du Moyen-Age mais d’il  il y a une dizaine d’années. Mais Judith  Depaule, si elle a bien dirigé le comédien, a cru bon de mettre en abyme, pourrait-on dire, comme si la vidéo lui avait été imposée, l’image permanente d’un visage sur un écran , juste au-dessus de l’acteur , image grossie et déformée à coup de palette graphique, pour surligner les intentions de jeu. A moins qu’il n’y ait de l’Emmanuel Lévinas là-dessous, qui écrivait dans  Ethique et Infini, à propos du visage » ce dont le sens consiste à dire : Tu ne tueras point ». Mais encore faudrait-il pouvoir décrypter la pensée de Judith Depaule.. C’est à la fois stupide et surtout,  cela parasite complètement la parole de Ludovic Loupé… par ailleurs, excellent conteur,

Alors qu’elle aurait faire les choses tout à fait simplement… Non,  il il faut que la vidéo ait un réel pouvoir de fascination sur la génération actuelle des metteurs en scène: Judith Depaule a, comme les autres, et depuis son enfance, connut la télévision mais est-ce une raison pour penser que l’image vidéo et,  particulièrement,  quand elle donne à voir un visage ou un corps humain, devient la béquille indispensable à un  spectacle théâtral, et cela tout genre confondu. En réalité , tout semble se passer comme on n’était pas à un syllogisme près: le texte n’est  pas très passionnant (cela dure quand même une heure), donc, puisque j’en ai conscience, je fais appel à la vidéo, et comme les gens ont l’habitude de la vidéo un peu partout, que ce soit à la Poste, dans les boutiques,mairies, garages, théâtres privés, etc…, pour ne pas passer pour une ringarde, j’en mets aussi dans mes spectacles… D’autant plus que mes petits copains en font autant, alors pourquoi pas moi aussi? Résultat?????.

 

image42.jpgIl y a aussi de la vidéo, plus sobrement employée mais tout aussi inutile dans Je meurs comme un pays; le dispositif scénique est un plateau nu, où sont disposés une table et quelques chaises, un lavabo couvert de sang; sur les murs noirs, quelques phrases en grec moderne et dans dans le fond, une grande porte ouverte sur un couloir très éclairé  où passent ,de temps à autre,  de vieux messieurs aux cheveux blancs  dans des costumes noirs, et sur le  côté cour une toile noire avec- devinez!- une vidéo avec ces mêmes vieux messieurs . Vers la fin , ils  viendront s’asseoir autour de la table en bois et se diront quelque phrases  en lisant les journaux .
Tandis que,  debout Anne Alvaro, toujours aussi magnifique, dit avec beaucoup de calme et de rigueur le texte de Dimitriadis contre la dictature et contre tous les malheurs qui ont accablé son pays :  la guerre de 40, puis la guerre civile qui fit des dizaine de milliers de morts, puis, enfin pendant sept ans, la dictature des colonels  en 1967, où de nombreux intellectuels opposants au régime furent envoyés en prison dans des  îles désertes, maltraités et souvent torturés. Dimitriadis sait ce que veut dire humiliation  et douleur de voir son pays aussi tristement déchiré.

Anne Alvaro dit toutes ces horreurs avec la voix magnifique qu’on lui connaît, de façon impeccable, mais, comme à Confluences, le temps paraît long. On respecte la performance mais, sauf à quelques rares moments, , l’émotion ne passe pas vraiment, sans doute à cause d’une surdose d’horreurs forcément répétitive.  Alors à voir?  Pour La Folie de Janus, le spectacle se rejouera sans doute, mais plus tard, et n’est pas incontournable; quant à Je meurs comme un pays, si vous avez envie de revoir Anne Alvaro, pourquoi pas? mais ne vous attendez pas à quelque chose d’exceptionnel, c’est quand même un peu ennuyeux; voilà, c’est dit…


Philippe du Vignal

MC 93 de Bobigny jusqu’au 7 avril..


Archive pour 26 mars, 2009

L’EXTRAVAGANT MONSIEUR JOURDAIN

L’EXTRAVAGANT MONSIEUR JOURDAIN Théâtre Jean Arp de Clamart  De Mikhaïl Boulgakov, mise en scène Grégoire Ingold, compagnie Balagan

Grégoire Ingold, metteur en scène généreux, issu de l’École de Chaillot, a arpenté de nombreux territoires avec de vraies équipes, du Congo-Kinshasa, au Théâtre Gérard Philipe aux côtés de Nordey, à la Comédie de Reims. Il travaille à présent en décentralisation en Rhône-Alpes avec cet Extravagant Monsieur Jourdain, accueilli pour 12 représentations à Clamart. Il s’est emparé avec une vraie troupe et une belle maestria de cette œuvre de Boulgakov qui avait reçu une commande du Théâtre d’Art en 1929 d’une nouvelle traduction du Bourgeois gentilhomme de Molière. Il en est sorti une œuvre décapante sur un spectacle commandé en une nuit au chef de troupe qui rêve d’aller soigner son mal de dos en allant boire un petit muscat et qui doit s’exécuter pour réaliser le spectacle dans les délais prescrits.
Philippe Vincenot rencontré au Théâtre de Choisy quand j’avais accueilli Le chapeau de paille d’Italie monté par Denis Guenoun, incarne un beau Jourdain à la tête d’une troupe éblouissante. Le public qui remplit la salle acclame la compagnie.

Edith Rappoport

Je n’ai jamais quitté l’école…

Note de lecture

Je n’ai jamais quitté l’école…
Daniel Mesguich, entretien avec Rodolphe Fouano

 

mescguich.jpg« Je n’ai jamais quitté l’école…» cette citation de Jacques Derrida qui sert de titre au livre résume on ne peut mieux le parcours de Daniel Mesguich. Pourtant depuis presque 40 ans, sans jamais couper le cordon ombilical le reliant au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, toujours en quête d’aventures et de défis nouveaux, Daniel Mesguich n’a cessé d’explorer le vaste champ de l’art de l’acteur et du metteur en scène au théâtre, au cinéma, à l’opéra, en France à l’étranger.
Autant par ses mises en scène que par ses partis pris théoriques, philosophiques, ses passes d’armes avec la critique et ses détracteurs, Mesguich s’était fait une réputation sulfureuse, d’iconoclaste, d’anticonformiste radical, de briseur d’habitudes, d’agitateur d’idées, bref de celui qui met en question, qui dérange les ordres établis.
Entré au Conservatoire en 1970 il y devient dès 1983 le professeur le plus jeune de l’histoire de cette vénérable maison et 25 ans après son directeur. Un loup dans la bergerie ?
Le questionnement de l’enseignement de l’art dramatique : qu’est-ce qu’enseigner ? et de surcroît cette matière qui ne s’apprend pas ?, constitue le fil rouge de ce livre d’entretiens menés à bâtons rompus. Rien à voir avec un traité théorique, c’est une approche d’une pratique pédagogique « conçue comme une lente contamination » en constante déconstruction selon le modèle derridien.
Ce n’est pas non plus une biographie de l’acteur ni une monographie du metteur en scène mais un retour sur certains moments et étapes du parcours de Daniel Mesguich éclairant ses convictions et sa démarche d’homme et d’artiste. Ainsi évoque-t-on son enfance en Algérie, son adolescence à Marseille, son arrivée à Paris pour présenter le concours du Conservatoire, sa « métamorphose » en metteur en scène puis en professeur et directeur du Conservatoire, fonction qu’il a repoussée à plusieurs reprises avant de l’accepter en 2007.
Au fil de la conversation entre Rodolphe Fouano et Daniel Mesguich qui ne perd pas son franc-parler, on découvre son univers : sa fascination pour Antoine Vitez, son admiration pour Pierre Debauche, ses maîtres au Conservatoire, sa famille de pensée : Sartre, Derrida, Cixous, son amour sans bornes de l’œuvre de Shakespeare, ses engagements intellectuels et artistiques, son utopie d’une école et d’un théâtre dépassant la contradiction entre la tradition et la modernité qu’il tente de mettre en œuvre au Conservatoire.
Un livre qui brosse le portrait sans retouches d’un artiste singulier qui ne se prend pas pour maître et n’a de cesse de réinterroger ses convictions, ses partis pris, ses contradictions, de retourner toujours à l’école, d’apprendre plus.
L’entretien est suivi d’une chronologie des mises en scène de Daniel Mesguich et d’une bibliographie.

Irène Sadowska Guillon

Je n’ai jamais quitté l’école… Daniel Mesguich.
Entretien avec Rodolphe Fouano
Éditions Albin-Michel. À paraître le 1er avril 2009

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