Théâtre à la télévision
Théâtre à la télévision : La Cagnotte de Labiche ; La journée de la jupe, de Jean-Paul Lilienfeld.
C’était « le siècle de Maupassant », sur France 2. Et les responsables de ce programme ont eu une jolie idée : faire de La Cagnotte une jolie nouvelle filmée à la manière du susdit Maupassant illustré. Et ça ne marche pas. Agréables couleurs pastel, jeu sobre (oui !) de comédiens populaires (Eddy Mitchell, Marie-Anne Chazel…), rythme langoureux et demi-teintes de la mélancolie provinciale. Où est la folle et hilarante cruauté de Labiche ? Que reste-t-il de son regard acéré, non seulement sur une humanité pétocharde et vantarde, mais sur une petite bourgeoisie entre deux chaises, celle, dorée, de Paris, et la chaise de paille d’une paysannerie dont elle vient à peine de déposer les sabots ?
Où est le rire ? Conclusion, à Labiche, il faut le théâtre, l’engagement physique des acteurs, la poussière des planches, pourquoi pas, et la présence du public.
La journée de la jupe, énième retour d’isabelle Adjani au cinéma, n’a rien à faire, a priori, dans une rubrique théâtrale. Et pourtant. Ce film ose ce que le théâtre n’ose pas souvent : un huis clos tragique, dans lequel le discours, malgré les apparences, est constitutif de l’action. Et un discours moral, et directement politique. On connaît l’histoire. En prologue, une bousculade à l’entrée de la salle de théâtre où la classe doit travailler sur Molière. D’un cartable tombe une arme à feu. Colère de la prof qui s’en empare : « enfin, je vais pouvoir faire cours ». Qui a le « feu », a la parole. Au fil des différents actes de ce huis clos, il passera aux mains d’une fille, puis d’un garçon, et de nouveau à celles de la prof qui conquiert, au fil de la pièce le pouvoir de parler, même sans arme, de ce qui importe. L’autre support de la parole, c’est le téléphone portable, outil de négociation avec la police ; et la prof ne le lâche pas, celui-là.
C’est une tragédie, presque sans extérieurs, avec deux chœurs discrets, l’un timide et discordant, celui des collèges et de l’administration du collège, l’autre, celui des parents, empli de la peur pour leurs « petits », et des forces de l’ordre impuissantes. À la fin thrène et exposition des corps… C’était du théâtre, une tragédie classique, mais qui finalement supporte très bien le passage à la télévision (Arte) et à l’écran.
Christine Friedel