Le Songe

  Ett Drömpsel ( Le Songe)  d’August Strindberg, mise en scène de Mäns Lagerlöf.

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Le Songe est la dernière pièce du grand Strindberg et fut créée à Stockholm en 1908 quatre ans avant sa mort.  » C’était, disait-il, celle de mes pièces que j’aime le plus, l’enfant de ma plus profonde douleur », qu’il écrivit , après le départ de sa femme un mois après leur mariage. Pièce fétiche d’Ingmar Bergman qui la monta plusieurs fois, elle fut aussi mise en scène en France pour la première fois par Antonin Artaud dès 1928; Le songe fit aussi l’admiration de Kafka,des expressionistes et d’Arthur Adamov.
En France, elle fut aussi montée à la Comédie-française par Raymond Rouleau en 1970; la distribution, où les actrices ne sont citées qu’après les acteurs! -le vent de 68 n’était pas encore passé par la salle Ri
chelieu – ressemble maintenant à un cimetière! Et nous avons bien du mal à en faire ressurgir quelques images; quant à la mise en scène de Bob Wilson avec les acteurs du Théâtre Royal de Stockolm, c’était un pure merveille d’intelligence , d’invention poétique et plastique, où Wilson tressait le texte de Strindberg avec ses souvenirs familiaux du Texas. La pièce avait été montée il y a trois ans par Jacques Osinsky  avec aussi beaucoup de poésie.
Le Songe
tient tout à la fois de la vie la plus quotidienne  mais aussi  de celle que les femmes et les hommes  peuvent  percevoir comme un mystère permanent, où le paradis est tout proche de l’enfer. Et la pièce  est truffée de symboles empruntés aux textes religieux aussi bien chrétiens que boudhiques, et mystiques de tout poil, ainsi qu’à  ceux de son compatriote Swedenborg. Le tout étant bien entendu, sur fond de mysoginie et de crises mystiques,   relié à sa vie personnelle qui fut plutôt du genre errant. Il  habita  en effet dans 22 endroits différents pendant les six années qu’il vécut en dehors de Suède!
De plus,  sa mère mourut  quand il avait treize ans , et plus tard , eut une belle-mère confites en dévotion dans une secte;  il épousa trois femmes dont il divorça, et eut, sa vie durant, l’obsession de la faute  et de la souffrance susceptible de transcender la réalité la plus banale. Bref,  il y avait là un bon terreau pour faire un auteur capable d’écrire une pièce qui  est plutôt  comme un long poème  et un  formidable tremplin pour un metteur en scène qui a envie de  créer des images.
Cela valait donc le coup d’aller voir ce qu’avait pu en faire un metteur suédois comme Mäns Lagerlöf… L’histoire qui sous-tend Le Songe est à la fois simple et terriblement enchevêtrée: La fille d’Indra, dieu hindou, souverain du ciel , devenue Agnès, décide un beau jour de débarquer  sur terre pour se rendre compte de l’état de la condition humaine  (que dirait-elle aujourd’hui! ). Elle va ainsi rencontrer tour à tour un officier, un poète puis un avocat. Mais le paradis annoncé se révélera bientôt n’être qu’un enfer assez insupportable.
Reste à faire vivre sur scène cette étrangeté de la vie quotidienne quand l’homme se met à la percevoir  dans une sorte de mauvais rêve; et il faut dire que Mäns Lagerlöf n’ a pas mal réussi son coup en donnant à la pièce une vision écologique si l’on a bien compris  les choses malgré la barrière de la langue ( je ne parle pas suédois malgré la centaine de mots glané ici et là, personne n’est parfait…). Il y a au-dessus de la scène, un compteur à diodes qui indique précisément en permanence, le nombre de watts dépensés pour éclairer la scène ( la Suède est un des pays où  l’écologie et le recyclage battent  des records: il y a  des grands magasins où l’on ne trouve uniquement que des vêtements, électro-ménager, jouets, vaisselle,  livres,etc… d’occasion tout à fait propres et, dans chaque super-marché sont installées des machines à récupérer bouteilles et canettes qui vous rendent illico 60 centimes d’euro par pièce. Pas mal, non? Cela dit, la Suède compte une dizaine de centrales atomiques, alors qu’il n’y pas 10 millions d’habitants…
Donc , le château du début de la pièce devient ici une usine avec murs de briques ,  grande grille et une porte métallique qui n’ouvrira que sur le noir et le néant; les personnages d’origine  sont conservés mais on est dans les années 70 , à en, juger par les tissus orange et fleuris, et par les cheveux longs des hommes.Et il  y a derrière , en photo agrandie des HLM d’une quinzaine d’étages et une grue qui aide à  construire d’autres tours. Quant à  l’officier , il est plutôt du genre para en treillis, béret rouge et rangers noirs bien astiqués. Et, comme on est en Suède et que les beaux jours sont là, on fait griller  de  grosses saucisses à la chaleur d’un petit barbecue, puis la boisson aidant, on s’asperge copieusement de ketchup en dansant et en chantant plutôt bien des chansons du groupe mythique suédois  Abba ( si j’ai bien perçu). Plus disco, je meurs…
La salle, plutôt quatrième âge en robe et escarpins pour les dames,  ou costume noir, chemise blanche et noeud papillon pour les hommes , et une poignée de nymphettes pas aussi blondes que dans la la légende et souvent d’un blond peroxydé, donc la salle, disais-je,  reprend en choeur les refrains et claque des mains. Rideau et entracte dans le hall de ce théâtre très bourgeois début vingtième avec ses ouvreuses bien comme il faut. On parle doucement pour ne pas gêner le voisin et, à l’entracte, l’on savoure religieusement son  « cafelatte  » avec un petit gâteau à la cannelle, comme dans Millenium, le roman devenu culte de Stieg Larsson.
Le spectacle reprend avec le  plateau  nu ; il y a juste un mur où sont accrochés  21 sacs en papier  que chaque personnage vient décrocher, une femme aveugle accompagnée de sa mère aux cheveux longs arrive sur scène. Annonces d’aéroport. Des gens passent une valise à roulettes à la main puis repassent dans l’autre sens au gré des annonces  ( souvenir /citation d’une célèbre scène d’un film de Tati?) . Puis un jeune homme et une jeune femme sont allongés au soleil  sur des chaises longues au bord d’une plage paradisiaque mais,tout d’un coup, le vent se lève, emporte le parasol, le tonnerre gronde, la mer monte à toute vitesse envahissant la plage et  l’eau véhicule des tas de déchets du genre bouteilles en plastique, gilets de sauvetages rouges,  tôles d’acier: bref cela n’est pas dit mais tout a l’allure des conséquences d’un crash d’avion(  comme celui d’Air France où 95 personnes, dont Brigitte Tricot, une amie hôtesse de l’air,  périrent  un beau jour de septembre 68 au large d’Antibes, frappé en plein vol par un tir de missile, sans qu’aucun ministre ni Président de la République n’ait jamais eu le courage d’avouer la chose : vive l’Etat français et son armée de l’air!). Un homme surgit alors des flots noirs  et offre à Agnès un petit livre de poèmes.  C’est, sur le plan scénograhique, assez fabuleusement réalisé.
Retour au mur de briques du début ; quelques personnes, les pieds dans l’eau tiennent une conférence de presse en  se disputant et en s’envoyant des verres d’eau à la figure puis, c’est le noir absolu. Zéro watt indique le panneau lumineux; il y a  un chandelier avec quelques bougies sur le devant de la scène et des candélabres  électriques dans le  fond  et trois hommes pédalent sur une musique d’orgue électronique, mais  leur vélo fixe est relié à ces candélabres. On s’aperçoit vite que ce sont eux qui fournissent l’électricité nécessaire à l’ éclairage scénique..Mais la pièce de Strindberg ne finit évidemment pas comme cela…
Telles sont quelques unes des images assez fortes que l’on perçoit d’autant mieux que l’on ne comprend pas la langue,  mais, comme chez Wilson, l’on on peut très bien voir la pièce comme cela. D’autant plus que c’est mis en scène avec beaucoup de rigueur et de précision par Mäns  Lagerlöf et que les dix comédiens sont tous impeccables,  tout comme la scénographie de Magnus Möllerstedt. On peut regretter que le metteur en scène, quand on relit le texte, l’ait un peu tiré vers la comédie musicale mais c’est si adroitement réalisé que les deux heures et demi ( avec entracte) passent très vite. Et miracle, vous savez quoi, il n’y a pas le plus petit centimètre carré de vidéo… et la mise en scène’est jamais facile ni vulgaire..
A voir.? Oui, si vous passez par là, ce qui m’étonnerait mais sait-on jamais, le spectacle , après avoir été présenté à Linköpping et à Norrköpping,  va se promener en Suède.

Philippe du Vignal

Théâtre de Nörrkopping ( Suède)


Archive pour 3 avril, 2009

Le Songe

  Ett Drömpsel ( Le Songe)  d’August Strindberg, mise en scène de Mäns Lagerlöf.

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Le Songe est la dernière pièce du grand Strindberg et fut créée à Stockholm en 1908 quatre ans avant sa mort.  » C’était, disait-il, celle de mes pièces que j’aime le plus, l’enfant de ma plus profonde douleur », qu’il écrivit , après le départ de sa femme un mois après leur mariage. Pièce fétiche d’Ingmar Bergman qui la monta plusieurs fois, elle fut aussi mise en scène en France pour la première fois par Antonin Artaud dès 1928; Le songe fit aussi l’admiration de Kafka,des expressionistes et d’Arthur Adamov.
En France, elle fut aussi montée à la Comédie-française par Raymond Rouleau en 1970; la distribution, où les actrices ne sont citées qu’après les acteurs! -le vent de 68 n’était pas encore passé par la salle Ri
chelieu – ressemble maintenant à un cimetière! Et nous avons bien du mal à en faire ressurgir quelques images; quant à la mise en scène de Bob Wilson avec les acteurs du Théâtre Royal de Stockolm, c’était un pure merveille d’intelligence , d’invention poétique et plastique, où Wilson tressait le texte de Strindberg avec ses souvenirs familiaux du Texas. La pièce avait été montée il y a trois ans par Jacques Osinsky  avec aussi beaucoup de poésie.
Le Songe
tient tout à la fois de la vie la plus quotidienne  mais aussi  de celle que les femmes et les hommes  peuvent  percevoir comme un mystère permanent, où le paradis est tout proche de l’enfer. Et la pièce  est truffée de symboles empruntés aux textes religieux aussi bien chrétiens que boudhiques, et mystiques de tout poil, ainsi qu’à  ceux de son compatriote Swedenborg. Le tout étant bien entendu, sur fond de mysoginie et de crises mystiques,   relié à sa vie personnelle qui fut plutôt du genre errant. Il  habita  en effet dans 22 endroits différents pendant les six années qu’il vécut en dehors de Suède!
De plus,  sa mère mourut  quand il avait treize ans , et plus tard , eut une belle-mère confites en dévotion dans une secte;  il épousa trois femmes dont il divorça, et eut, sa vie durant, l’obsession de la faute  et de la souffrance susceptible de transcender la réalité la plus banale. Bref,  il y avait là un bon terreau pour faire un auteur capable d’écrire une pièce qui  est plutôt  comme un long poème  et un  formidable tremplin pour un metteur en scène qui a envie de  créer des images.
Cela valait donc le coup d’aller voir ce qu’avait pu en faire un metteur suédois comme Mäns Lagerlöf… L’histoire qui sous-tend Le Songe est à la fois simple et terriblement enchevêtrée: La fille d’Indra, dieu hindou, souverain du ciel , devenue Agnès, décide un beau jour de débarquer  sur terre pour se rendre compte de l’état de la condition humaine  (que dirait-elle aujourd’hui! ). Elle va ainsi rencontrer tour à tour un officier, un poète puis un avocat. Mais le paradis annoncé se révélera bientôt n’être qu’un enfer assez insupportable.
Reste à faire vivre sur scène cette étrangeté de la vie quotidienne quand l’homme se met à la percevoir  dans une sorte de mauvais rêve; et il faut dire que Mäns Lagerlöf n’ a pas mal réussi son coup en donnant à la pièce une vision écologique si l’on a bien compris  les choses malgré la barrière de la langue ( je ne parle pas suédois malgré la centaine de mots glané ici et là, personne n’est parfait…). Il y a au-dessus de la scène, un compteur à diodes qui indique précisément en permanence, le nombre de watts dépensés pour éclairer la scène ( la Suède est un des pays où  l’écologie et le recyclage battent  des records: il y a  des grands magasins où l’on ne trouve uniquement que des vêtements, électro-ménager, jouets, vaisselle,  livres,etc… d’occasion tout à fait propres et, dans chaque super-marché sont installées des machines à récupérer bouteilles et canettes qui vous rendent illico 60 centimes d’euro par pièce. Pas mal, non? Cela dit, la Suède compte une dizaine de centrales atomiques, alors qu’il n’y pas 10 millions d’habitants…
Donc , le château du début de la pièce devient ici une usine avec murs de briques ,  grande grille et une porte métallique qui n’ouvrira que sur le noir et le néant; les personnages d’origine  sont conservés mais on est dans les années 70 , à en, juger par les tissus orange et fleuris, et par les cheveux longs des hommes.Et il  y a derrière , en photo agrandie des HLM d’une quinzaine d’étages et une grue qui aide à  construire d’autres tours. Quant à  l’officier , il est plutôt du genre para en treillis, béret rouge et rangers noirs bien astiqués. Et, comme on est en Suède et que les beaux jours sont là, on fait griller  de  grosses saucisses à la chaleur d’un petit barbecue, puis la boisson aidant, on s’asperge copieusement de ketchup en dansant et en chantant plutôt bien des chansons du groupe mythique suédois  Abba ( si j’ai bien perçu). Plus disco, je meurs…
La salle, plutôt quatrième âge en robe et escarpins pour les dames,  ou costume noir, chemise blanche et noeud papillon pour les hommes , et une poignée de nymphettes pas aussi blondes que dans la la légende et souvent d’un blond peroxydé, donc la salle, disais-je,  reprend en choeur les refrains et claque des mains. Rideau et entracte dans le hall de ce théâtre très bourgeois début vingtième avec ses ouvreuses bien comme il faut. On parle doucement pour ne pas gêner le voisin et, à l’entracte, l’on savoure religieusement son  « cafelatte  » avec un petit gâteau à la cannelle, comme dans Millenium, le roman devenu culte de Stieg Larsson.
Le spectacle reprend avec le  plateau  nu ; il y a juste un mur où sont accrochés  21 sacs en papier  que chaque personnage vient décrocher, une femme aveugle accompagnée de sa mère aux cheveux longs arrive sur scène. Annonces d’aéroport. Des gens passent une valise à roulettes à la main puis repassent dans l’autre sens au gré des annonces  ( souvenir /citation d’une célèbre scène d’un film de Tati?) . Puis un jeune homme et une jeune femme sont allongés au soleil  sur des chaises longues au bord d’une plage paradisiaque mais,tout d’un coup, le vent se lève, emporte le parasol, le tonnerre gronde, la mer monte à toute vitesse envahissant la plage et  l’eau véhicule des tas de déchets du genre bouteilles en plastique, gilets de sauvetages rouges,  tôles d’acier: bref cela n’est pas dit mais tout a l’allure des conséquences d’un crash d’avion(  comme celui d’Air France où 95 personnes, dont Brigitte Tricot, une amie hôtesse de l’air,  périrent  un beau jour de septembre 68 au large d’Antibes, frappé en plein vol par un tir de missile, sans qu’aucun ministre ni Président de la République n’ait jamais eu le courage d’avouer la chose : vive l’Etat français et son armée de l’air!). Un homme surgit alors des flots noirs  et offre à Agnès un petit livre de poèmes.  C’est, sur le plan scénograhique, assez fabuleusement réalisé.
Retour au mur de briques du début ; quelques personnes, les pieds dans l’eau tiennent une conférence de presse en  se disputant et en s’envoyant des verres d’eau à la figure puis, c’est le noir absolu. Zéro watt indique le panneau lumineux; il y a  un chandelier avec quelques bougies sur le devant de la scène et des candélabres  électriques dans le  fond  et trois hommes pédalent sur une musique d’orgue électronique, mais  leur vélo fixe est relié à ces candélabres. On s’aperçoit vite que ce sont eux qui fournissent l’électricité nécessaire à l’ éclairage scénique..Mais la pièce de Strindberg ne finit évidemment pas comme cela…
Telles sont quelques unes des images assez fortes que l’on perçoit d’autant mieux que l’on ne comprend pas la langue,  mais, comme chez Wilson, l’on on peut très bien voir la pièce comme cela. D’autant plus que c’est mis en scène avec beaucoup de rigueur et de précision par Mäns  Lagerlöf et que les dix comédiens sont tous impeccables,  tout comme la scénographie de Magnus Möllerstedt. On peut regretter que le metteur en scène, quand on relit le texte, l’ait un peu tiré vers la comédie musicale mais c’est si adroitement réalisé que les deux heures et demi ( avec entracte) passent très vite. Et miracle, vous savez quoi, il n’y a pas le plus petit centimètre carré de vidéo… et la mise en scène’est jamais facile ni vulgaire..
A voir.? Oui, si vous passez par là, ce qui m’étonnerait mais sait-on jamais, le spectacle , après avoir été présenté à Linköpping et à Norrköpping,  va se promener en Suède.

Philippe du Vignal

Théâtre de Nörrkopping ( Suède)

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