Trois pièces cuisine

Trois pièces cuisine de Carole Fréchette et Dominick Parenteau-Leboeuf, mise en scène par Pierre Vincent.

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La Compagnie Issue de secours qui s’est établie à Villepinte à la Ferme Godier a présenté pour quelques représentations au théâtre Paris-Villette trois petites pièces qu’elle a déjà jouées au domicile de spectateurs; Pierre Vincent pense en effet, et avec raison, que les rapports comédiens/ public et les codes imposés depuis des siècles  ne sont plus les mêmes et donnent une autre dimension aux oeuvres: le cadre est très intime,  l’espace scénographique doit être réduit à l’essentiel,la proximité modifie considérablement le jeu,le répertoire et le format ( espace/temps/ nombre de personnages) doit être spécialement adapté,et le public,  limité à deux dizaines de personnes qui se connaissent en général de près ou de loin, est plutôt local, c’est le maître et/ou la maîtresse des lieux qui servent d’ouvreuses, et chacun apporte de quoi boire ou manger, pour dîner après le spectacle: bref, toutes les vieilles habitudes des théâtres parisiens ou banlieusards sont ici bouleversées, et c’est tant mieux…
Serial Killer est une création de l’auteure québécoise maintenant bien connue en France Carole Fréchette qui ne l’avait  pas encore vue mise en scène; cela raconte, au cours d’un repas d’un jeune couple,  la dégradation progressive de leurs amours qui paraissaient pourtant solides, bien que ces deux jeunes gens ne se connaissaient pas depuis très longtemps. C’est d’abord écrit dans une  belle langue, à la fois précise et mordante,  où rien des sentiments n’est éludé, comme une sorte d’autopsie prématurée d’un amour qui commence  à s’effilocher, à cause d’on ne sait pas trop quoi, probablement l’usure du quotidien et une relation peut-être fondée sur quelques malentendus. C’est un peu, comme à l’envers, la si savoureuse Demande en mariage de Tchekov. La scénographie de cette cuisine, toute en polystyrène et mal fagotée,  ne vaut pas un clou mais, qu’importe, pendant cette petite demi-heure,  c’est un vrai plaisir théâtral que nous offrent Nathalie Bastat et Michel Aymard, bien dirigés par Pierre Vincent.
Les deux  petites pièces de Dominik Parenteau-Leboeuf: Vices cachés et 3 1/2 -en réalité un monologue pour chacun des deux comédiens- ne sont tout à fait de la même qualité d’écriture. Peut-être aussi, le monologue, en général plutôt inclus dans un pièce, qui est une très vieille particularité du théâtre occidental,et qui est vite devenu au siècle précédent ( cela fait toujours drôle de dire cela!) jusqu’à investir un peu trop le paysage théâtral, ne trouvait  pas vraiment sa dimension  quand  il prend le ton d’une confidence dans une cuisine; il y faut sans doute un peu plus de distance, alors que le dialogue à deux ou trois fait  souvent merveille, quand, bien entendu, il est adapté au lieu.
Le théâtre d’appartement, qui suppose la maîtrise de bien des paramètres et en particulier le choix des pièces, offre encore de belles opportunités aux compagnies. je me souviens d’un très beau petit spectacle ( dont un  Courteline me semble-t-il) à Villeneuve d’Asq monté par Pierre-Etienne Heymann, et d’une très réjouissante et évidemment déjantée séance Tupperware , écrite et mise en scène par Hervée de Lafond et Jacques Livchine dans une maison ancienne à Montbéliard.
A voir, oui, si vous voulez découvrir cette petite pièce de Carole Fréchette.. et si vous habitez  dans le coin…

 

Philippe du Vignal

 

La Ferme Gôdier 1 ter bd L. et D. Casanova 93420 Villepinte t: 01-43-10-13-89


Archive pour 15 avril, 2009

John Gabriel Borkman.

John Gabriel Borkman de Henrik Ibsen, mise en scène de Thomas Ostermeier.

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La pièce fait partie d’un quatuor composé de Solness le constructeur, Le petit Eyolf et Quand nous nous réveillerons d’entre les morts, quatuor beaucoup moins joué qu’Hedda Gabler ou Maison de Poupée que l’on peut voir presque à chaque saison. Et dans chacun de ses drames, le personnage principal est un homme plus très jeune qui réfléchit à son passé professionnel, architecte, philosophe, sculpteur.. John Gabriel Borkman appartenait, lui, au monde de la banque mais à la suite d’une faillite, il a été condamné et incarcéré plusieurs cinq ans- ce qui est devenu plutôt rare de nos jours…
Avec des conséquences dramatiques pour sa famille.En effet, Gunhild a mis à l’abri du scandale Erhart leur fils en le faisant élever un temps par sa soeur jumelle El
la Renthiem que Borkman a autrefois beaucoup aimée. Borkman sorti de prison vit dans un étage supérieur de la maison où habite Gunhild, sans la voir… Maison qui appartient à Ulla. Un beau soir, Ella vient rendre visite à sa soeur qu’elle n’a pas revue depuis des années et lui annonce qu’elle est condamnée à brève échéance ; elle voudrait qu’Erhart vienne auprès d’elle pour l’aider pour l’accompagner le peu de temps qui lui reste à vivre. Borkman, homme déjà âgé et sans doute quelque peu cassé par ses années de détention rejoindra  alors les deux soeurs pour essayer de se concilier Erhart qui n’est plus le petit jeune homme qu’ils ont connu, même s’il est encore étudiant. Il a sa vie personnelle maintenant et entend bien échapper à cette O.P.A. familiale où il ne se reconnaît pas.
Borkman  en effet, n’a rien d’un héros exemplaire, et l’on apprend qu’il a sacrifié sans beaucoup de scrupules son amour pour Ella pour pouvoir accéder à un poste de tout premier ordre, en d’autres termes qu’il l’a vendue à un homme qui la voulait . La grandeur d’un homme  se mesure souvent à ses renoncements et, là,  Borkman ne vaut pas très cher… Quand Borkman, après s’être réconcilié  avec Ella- ce que l’on peut avoir du mal à admettre, il comprendra trop tard que sa vie aura finalement pris l’allure d’un magnifique ratage malgré quelques années de réussite flamboyante. Mais son coeur usé  n’y résistera pas.
Ostermeier avait monté la pièce il y un peu plus d’un an au Théâtre national de Bretagne.Et sa mise en scène, comme celles des précédents Ibsen qu’il avait créés,  est d’une grande maîtrise; c’est ,d’abord,  un directeur d’acteurs exemplaire et la distribution est de tout premier ordre, jusqu’aux personnages secondaires, notamment Josef Bierbichier ( Borkman, Kirsten Dene ( Gunhild) , Angela Winkler (Ella) et Et Sabasteine Schwarz ( Erhart). Ostemeier sait donner un rythme, ce qui manque le plus souvent à ses confrères français, et une crédibilité  immédiate aux images qu’il créée, dès le moment où les personnages entrent sur scène. C’est presque magique et donne à tout le spectacle une  grande qualité, que la pièce aux allures de mélo- ne possède sans doute pas, malgré de très beaux  dialogues sur la fin …

 Mais cee n’est ni Hedda Gabler ni Maison de Poupée et les enjeux de la pièce ne sont plus ceux qui nous préoccupent actuellement, en ces temps de crise financière mondiale. Par ailleurs on ne voit pas vraiment la nécessité de mettre un plateau tournant pour changer un décor d’une grande rigueur où il n’y a qu’une table et quelques sièges,pour un autre où ne figurent qu’un petit canapé , un fauteuil et une chaise. De temps à autre, le plateau est envahi d’écharpes de fumigène, sans aucune nécessité dramaturgique. A ces réserves près, Ostermeier, par ailleurs , directeur de la Schaubühne de Berlin , reste un bon metteur en scène . Alors à voir? Oui , si l’on est un inconditionnel d’Ostermeier mais très franchement ,si c’est toujours réconfortant de voir un spectacle bien monté , la pièce d’Ibsen , surtout pendant la première demi-heure assez ennuyeuse, ne mérite sans doute pas le détour…

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre de l’Odéon; c’était jusqu’au 11 avril et ensuite en tournée

 

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