Pur

Pur
écrit et mis en scène par Lars Norén

pur.jpgNous avons vu ces dernières années plusieurs pièces de Lars Norén, poète, romancier, dramaturge suédois, qui explorent la violence dans la société contemporaine. Pur fait partie de son cycle des pièces « terminales » qui ont pour thème le début et la fin d’une relation, d’un mariage, d’une vie.
Pour sa mise en scène de Pur à la Comédie Française Lars Norén a réécrit la pièce pour ses interprètes et a écrit pour eux Pur II.
« Quand j’écris – dit-il, je ne pense pas à la scène, seulement aux personnes, aux personnages. »
Pas de préoccupations psychologiques ni sociales dans Pur, pas d’histoire non plus, il n’y a qu’une situation dans un lieu fermé, un huis clos d’un appartement vide qui a pour protagonistes quatre personnages, deux couples de  générations différentes, et le temps. « Le jour où on arrive dans un appartement et le jour où on le quitte », dit Lars Norén. Espace nu et immobile ou les temps se rencontrent, se fondent, se superposent « où se croisent une vie passée et une vie à venir ». Un espace épuré de la vie, désencombré du superficiel, ramené aux événements essentiels dont on se souvient et dont on cherche le sens au moment de mourir : mariage, naissance, séparation, maladie, mort du fils, déménagement…

Des événements partagés dont les souvenirs ont un poids, un sens différent pour chacun des personnages. Entre ces événements, ces points spécifiques, qui construisent la trame d’une vie, il y a le temps, les silences, les secrets, les non-dits. Norén  les traduit dans l’écriture dramatique et scénique conçue comme une partition musicale pour un quatuor en trois mouvements : déploiement quasi chorégraphique du jeu et de la parole dans l’espace dans Pur I, immobilité des corps,  jeu concentré sur la voix, regard et expression dans Pur II,  et dans Pur III, sans paroles, la danse sur la musique de Schubert.
Le décor de Gilles Tascher : une pièce vide tout en blancheur, claire, épurée, d’un côté un mur avec un grand miroir, de l’autre deux grandes fenêtres avec des rideaux qu’on décroche et raccroche, au fond un mur blanc sur lequel on voit des projections très discrètes, comme un jeu d’ombres, de souvenirs, qui anticipent les apparitions des personnages venant d’autres pièces de l’appartement. Une chaise à gauche, un grand carton de déménagement tantôt avec des livres, tantôt vide, que l’on apporte et remporte à plusieurs reprises, un tableau blanc sur le mur et, par terre , un petit cadre avec la photo de l’homme enfant avec sa mère, sont les seuls objets dans cet espace vide.
Le vieux couple : (Christian Cloarec), (Catherine Sauval) dont le jeune Il (Alexandre Pavloff) et Elle (Françoise Gillard) est un écho. Les souvenirs de la vie du premier couple apparaissent ainsi en jeu de miroir chez le jeune couple, répétés, décalés, réfractés en deux temporalités différentes, tantôt simultanées, tantôt imbriquées sur scène.
Lars Norén transcrit avec maestria la quête du vieux couple quant au  sens de leur vie dans un jeu temporel. Les temps différents dans lesquels dialogue chaque couple se rejoignent à certains moments,  de sorte que les personnages des deux couples dialoguent entre eux, les deux femmes se parlent directement, disent certaines phrases ensemble, sur le mode choral, répondent ensemble à des questions différentes posées à l’une et à l’autre par chacun des hommes.
« L’épuration » se poursuit dans Pur II, l’espace vital se fige, s’intériorise dans une immobilité des personnages. Dans un temps toujours réfracté leurs propos, recentrés sur le thème de la mort et du deuil, se croisent.
La femme du vieux couple est en train de mourir, le jeune couple qui vient de perdre leur fils a du mal à affronter son deuil et s’interroge sur son avenir.
L’usage des micros intensifie l’intériorité du jeu des acteurs qui parlent doucement, parfois murmurent, comme si leurs personnages se vidaient de leur force vitale.
Dans le finale, Pur III, sous-titré Schubert 3’57, on les voit danser sur la musique de Schubert. Une danse lente du vieux couple dont la femme s’écroule morte et celle du jeune couple, d’abord saccadée, évoquant l’acte sexuel, s’apaise.
À la fin de la séquence, d’une intense poésie, les quatre personnages avancent, telles des ombres, lentement vers la pureté et le vide de la mort, derrière le mur blanc qui devient transparent.
À l’instar d’un chef d’orchestre , Lars Norén organise avec précision et rigueur sa partition scénique : ses variations sur les thèmes, ses leitmotivs, la circulation de la parole dans l’espace faisant penser au théâtre No, les mouvements, les tempi et l’intensité du jeu, le registre vocal, les irruptions soudaines des personnages.
Un magnifique quatuor d’acteurs porte cette partition à la perfection.

Irène Sadowska Guillon

Pur,  écrit et mis en scène par Lars Norén
Comédie Française – Théâtre du Vieux Colombier, Paris
Du 15 avril au 17 mai 2009


Archive pour avril, 2009

LA THÉORIE DE L’ÉCHEC

LA THÉORIE DE L’ÉCHEC  Rencontres de la Villette

De Hichem Djemaï, mise en scène Élodie Chanut, l’œil des Cariatides

Cette théorie de l’échec est une tranche de vie sur le quotidien des jeunes d’un quartier de Nanterre, un groupe traînant autour d’un banc public, l’agressivité entre garçons et filles. Du quotidien bien vivant joué avec une certaine dextérité par des acteurs entraînés au Jeune théâtre national, qui n’échappe pas à d’inévitables clichés. C’est trop long, vingt minutes de trop comme toujours, mais tout de même pas déprimant

Edith Rappoport

Des utopies ?

Des utopies ?
Textes et mise en scène Oriza Hirata, Amir Reza Koohestani et Sylvain Maurice

utopies4.jpgÀ l’origine du spectacle une « utopie » de théâtre, projet rassemblant trois auteurs – metteurs en scène : Oriza Hirata (Japon), Amir Reza Koohestani (Iran), Sylvain Maurice directeur du CDN de Besançon et trois acteurs de la compagnie de chacun d’eux, formant une troupe trilingue, pour aboutir à une création qui croise des artistes de langues et de cultures très éloignées et totalement étrangères les unes aux autres.
Le travail entamé en 2006 au Nouveau Théâtre de Besançon à débouché sur la création Des utopies ? en janvier 2009 à Besançon. L’utopie non pas comme sujet traité mais comme l’utopie d’un travail commun au plateau dans une expérience concrète.
Le principe du travail : chaque auteur – metteur en scène invente une forme théâtrale d’environ 45 minutes mêlant le japonais, le farsi et le français et composant un seul spectacle joué par la troupe trilingue des acteurs. La scénographie commune et les lumières étant assurées par Éric Soyer.
Sylvain Maurice a écrit le prologue et l’épilogue du spectacle. À la première partie, une comédie Noël à Téhéran d’Oriza Hirata, répond en contrepoint dans la deuxième partie, la pièce d’Amir Reza Koohestani sur l’envers du décor dont l’action se passe dans les coulisses pendant que se joue la pièce d’Oriza Hirata.
Fiction de théâtre et réalité du travail théâtral, en l’occurence celle de ce projet, et réalité tout court s’interfèrent. Dans le prologue, devant le rideau fermé, le directeur du théâtre fait un discours d’ouverture des Ieres Rencontres Internationales de Théâtre de Besançon, salue les officiels politiques et les responsables culturels de la ville et de la région, présente le projet utopique. Son discours alambiqué dérape, s’emmêle dans les contradictions.
Le rideau s’ouvre sur un décor réaliste d’un hall d’hôtel d’une station de ski près de Téhéran : chaises, tables, canapé, au milieu un sapin de Noël rachitique décoré. Un espace semi-public coutumier du théâtre d’Oriza Hirata. Le personnel et les hôtes venus pour y passer Noël s’y croisent : un employé, le propriétaire de l’hôtel et sa femme, iraniens, l’investisseur japonais avec sa femme et une Japonaise responsable des services, un Français travaillant à l’hôtel rejoint par sa femme et la sœur de celle-ci dont il est amant. Chacun parle dans sa langue essayant de comprendre l’autre. Des propos échangés : présentations, clichés habituels, tentatives de nouer des conversations, parfois quelques confidences et conflits personnels affleurent : le Français s’entête à faire comprendre aux autres l’histoire de la chansonnette de son enfance sur le renne au nez rouge, on compare les traditions de Noël respectives, le propriétaire de l’hôtel, hospitalité orientale oblige, distribue des cadeaux à ses hôtes etc. On recourt à un english rudimentaire et au langage maladroit des gestes, tentant de pallier aux difficultés de communiquer, aux incompréhensions et aux quiproquos parfois hilarants.
En deuxième partie nous sommes dans les coulisses pendant la dernière représentation de Noël à Téhéran d’Oriza Hirata, dont on perçoit, à travers une toile de fond plus ou moins transparente, quelques silhouettes et par moments des bribes d’échanges et la chanson.
Les acteurs portent leur propre nom, se préparent à entrer en scène. On voit leurs difficultés à nouer des relations, à parler aux autres, les trois groupes s’observent, restent à distance comme si une invisible frontière se dressait entre eux.
Ils parlent entre eux de leurs vies, de leurs problèmes, de leurs projets ou de l’absence de projets. Au terme de cette expérience de vie et de création commune les contradictions, les décalages entre leurs cultures apparaissent inévitablement. L’acteur iranien, tenté de rester, ne voit pourtant aucun avenir pour lui en tant qu’acteur ni ici ni dans son pays. L’Iranienne questionne sa place au théâtre, le port du foulard et ses convictions religieuses l’empêchant de jouer certains rôles. En même temps elle remarque l’artifice dans le port du foulard chez les Françaises et les Japonaises qui devient une caricature de ce qui a un sens pour elle.
La Japonaise apporte pour fêter la dernière un gâteau en forme de champignon atomique et se lance dans un discours enthousiaste sur l’amitié franco-japonaise scellée par divers accords militaires et commerciaux qu’elle cite avec une bonne foi comique.
Le spectacle s’achève par une danse des acteurs portant tous des masques à gaz, les effets sonores, bruits de tonnerre, éclairs d’explosions, faisant soudain irruption dans la musique. Belle métaphore d’une utopie de vivre ensemble dans un monde en permanente guerre.
On pense aux alliés japonais dans la guerre d’Irak, aux Français en Afghanistan et sur d’autres fronts « à pacifier », à la menace nucléaire iranienne. Que peuvent des utopies culturelles et des projets d’artistes face à cette réalité ?
Un spectacle exemplaire autant par l’intelligence, la lucidité de l’approche de l’utopie du dialogue des cultures, que par la conception dramaturgique et sa mise en œuvre sur le mode de la mise en abîme dans une fiction de théâtre de l’expérience concrète de création théâtrale par des artistes de langues et de cultures différentes. À l’opposé des visions idéalistes, angéliques et superficielles de ce type de rencontre des cultures, Des utopies ? rend compte avec un certain humour des difficultés dans le quotidien de sortir des habitudes de penser et d’être, de comprendre et d’accepter l’autre et son environnement culturel, bref d’assumer les différences.
Une remarquable cohérence dans le glissement de la fiction du théâtre dans la réalité de l’expérience vécue. Maîtrise absolue de l’espace, des tensions dramatiques, de la rythmique du jeu tout en nuances. Avec un admirable naturel et savoir-faire les acteurs réussissent à conférer à leur personnage la particularité de l’individu et le caractère spécifique du groupe culturel dans les postures et les comportements sans l’accentuer ni rester dans les clichés.
Un spectacle qui, à travers l’expérience de la création théâtrale, parle avec simplicité et humour, sans didactisme et démagogie, des différences réelles, des difficultés d’arriver à vivre ensemble. Absolument à voir !

 

Irène Sadowska Guillon

 

Des utopies ? Écrit et mis en scène par Oriza Hirata, Amir Reza Koohestani et Sylvain Maurice
Au Théâtre Dijon Bourgogne CDN du 14 au 17 avril 2009
au CDN Thionville Lorraine du 21 aux 24 avril
et au Prisme à Élancourt le 29 avril

L’Ecornifleur

L’Ecornifleur de Jules Renard, adaptation de Renée Delmas et Marion Bierry, mise en scène de Marion Bierry.

ecornifleur.jpg  Jules Renard (1864-1910) est finalement un auteur que l’on redécouvre de temps à autre, surtout pour son Journal (1905), où les vacheries écrites dans un style ciselé fleurissent, sans aucun état d’âme; sans doute,  Jules Renard a-t-il plus ou moins vécu les situations qu’il décrit dans ses textes , en particulier dans Poil de carotte, quand il dut accepter les rebuffades et les sournoiseries d’une mère qui ne l’aima guère et d’un père indifférent. Quant à cette longue nouvelle qu’est  au départ L’Ecornifleur, c’est l’histoire d’ Henri,un jeune homme, brillant et quelque peu cynique, volontiers misogyne qui s’introduit dans l’intimité d’un couple sans enfants, monsieur et madame Vernet; de visite en visite, puis de dîner en dîner, il devient vite leur compagnon inséparable qui se rend presque quotidiennement dans leur appartement parisien. Bref, en quelques mois,il est vite devenu l’ami proche, voire le confident des époux et il acceptera volontiers d’aller passer deux mois de vacances au bord de la mer avec eux. D’autant plus que la jeune femme n’est pas insensible  à ses charmes, et que son mari a tout du bourgeois benêt et satisfait : « Je vous confie mes bagages et ma femme » lui dit-il, avant de prendre le train suivant.
   Il y a aussi dans cette maison de vacances, cadre de tant de pièces du début du vingtième siècle, Marguerite, une nièce que le jeune homme va discrètement séduire sans trop de scrupules.Le chapitre de la nouvelle  est d’ailleurs intitulé: un demi-viol…  Comme la jeune personne ne demandait que cela, tout va pour le mieux…Même si, dans le texte original,  Henri dit de Marguerite que c’est un animal…. Elégant, non? Comment se sortir de ce guêpier où il s’est mis; il choisit la solution classique  qui ne peut tromper que les naïfs, celle du faux télégramme le rappelant d’urgence à Paris.
  C’est écrit dans une langue raffinée et l’on sent que Jules Renard a pesé chaque phrase d’un dialogue souvent brillant qui fait déjà penser à Guitry, et, où, curieusement, on retrouve parfois le charme des films d’Eric Rohmer. Mais, ici, plus rien de la tendresse et du désir rohmériens ! Dans L’ Ecornifleur, tout est noir: aucun amour véritable, aucune amitié réelle, pas de sympathie mais du cynisme et du mépris au kilomètre et la phrase finale ne laisse aucun doute là-dessus! Henri part en laissant  ce billet à ses hôtes:  » Mes chers amis,une dernière fois merci et adieu; il ne me reste plus qu’à me coller au dos l’étiquette trouvée dans le Journal des Goncourt: A céder: un parasite qui a déjà servi. »
   Marion Bierry a réussi à mettre en scène son adaptation  avec une certaine maîtrise, malgré un décor de bord de plage avec rochers  approximatif. Quant aux comédiens, Sarah Haxaire donne une tonalité bizarre à certaines fins de phrase mais Julien Rochefort, Hugo Seksig et, en particulier la jeune Lola Zidi, s’en sortent assez brillamment. La dernière partie du spectacle s’essouffle un peu, et il aurait sans doute fallu couper quelques dix bonnes minutes de ce qui n’est tout de même qu’une adaptation, et trouver un rythme plus rapide, ce qui, par ailleurs,  aurait nui à cette espèce de nonchalance cynique dont sait user si habilement Jules Renard. C’est toute la difficulté de faire passer sur scène une écriture qui ne lui était pas à priori destinée, et où les personnages n’ont peut-être pas la consistance nécessaire  et tiennent davantage d’aimables silhouettes…
  A voir ? Ce n’est pas le genre de soirée dont on ressort ébloui, mais, bon, si vous avez une vieille petite préférence pour les écrits de Jules Renard, pourquoi pas?

Philippe du Vignal

Théâtre la Bruyère
 

Trois pièces cuisine

Trois pièces cuisine de Carole Fréchette et Dominick Parenteau-Leboeuf, mise en scène par Pierre Vincent.

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La Compagnie Issue de secours qui s’est établie à Villepinte à la Ferme Godier a présenté pour quelques représentations au théâtre Paris-Villette trois petites pièces qu’elle a déjà jouées au domicile de spectateurs; Pierre Vincent pense en effet, et avec raison, que les rapports comédiens/ public et les codes imposés depuis des siècles  ne sont plus les mêmes et donnent une autre dimension aux oeuvres: le cadre est très intime,  l’espace scénographique doit être réduit à l’essentiel,la proximité modifie considérablement le jeu,le répertoire et le format ( espace/temps/ nombre de personnages) doit être spécialement adapté,et le public,  limité à deux dizaines de personnes qui se connaissent en général de près ou de loin, est plutôt local, c’est le maître et/ou la maîtresse des lieux qui servent d’ouvreuses, et chacun apporte de quoi boire ou manger, pour dîner après le spectacle: bref, toutes les vieilles habitudes des théâtres parisiens ou banlieusards sont ici bouleversées, et c’est tant mieux…
Serial Killer est une création de l’auteure québécoise maintenant bien connue en France Carole Fréchette qui ne l’avait  pas encore vue mise en scène; cela raconte, au cours d’un repas d’un jeune couple,  la dégradation progressive de leurs amours qui paraissaient pourtant solides, bien que ces deux jeunes gens ne se connaissaient pas depuis très longtemps. C’est d’abord écrit dans une  belle langue, à la fois précise et mordante,  où rien des sentiments n’est éludé, comme une sorte d’autopsie prématurée d’un amour qui commence  à s’effilocher, à cause d’on ne sait pas trop quoi, probablement l’usure du quotidien et une relation peut-être fondée sur quelques malentendus. C’est un peu, comme à l’envers, la si savoureuse Demande en mariage de Tchekov. La scénographie de cette cuisine, toute en polystyrène et mal fagotée,  ne vaut pas un clou mais, qu’importe, pendant cette petite demi-heure,  c’est un vrai plaisir théâtral que nous offrent Nathalie Bastat et Michel Aymard, bien dirigés par Pierre Vincent.
Les deux  petites pièces de Dominik Parenteau-Leboeuf: Vices cachés et 3 1/2 -en réalité un monologue pour chacun des deux comédiens- ne sont tout à fait de la même qualité d’écriture. Peut-être aussi, le monologue, en général plutôt inclus dans un pièce, qui est une très vieille particularité du théâtre occidental,et qui est vite devenu au siècle précédent ( cela fait toujours drôle de dire cela!) jusqu’à investir un peu trop le paysage théâtral, ne trouvait  pas vraiment sa dimension  quand  il prend le ton d’une confidence dans une cuisine; il y faut sans doute un peu plus de distance, alors que le dialogue à deux ou trois fait  souvent merveille, quand, bien entendu, il est adapté au lieu.
Le théâtre d’appartement, qui suppose la maîtrise de bien des paramètres et en particulier le choix des pièces, offre encore de belles opportunités aux compagnies. je me souviens d’un très beau petit spectacle ( dont un  Courteline me semble-t-il) à Villeneuve d’Asq monté par Pierre-Etienne Heymann, et d’une très réjouissante et évidemment déjantée séance Tupperware , écrite et mise en scène par Hervée de Lafond et Jacques Livchine dans une maison ancienne à Montbéliard.
A voir, oui, si vous voulez découvrir cette petite pièce de Carole Fréchette.. et si vous habitez  dans le coin…

 

Philippe du Vignal

 

La Ferme Gôdier 1 ter bd L. et D. Casanova 93420 Villepinte t: 01-43-10-13-89

John Gabriel Borkman.

John Gabriel Borkman de Henrik Ibsen, mise en scène de Thomas Ostermeier.

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La pièce fait partie d’un quatuor composé de Solness le constructeur, Le petit Eyolf et Quand nous nous réveillerons d’entre les morts, quatuor beaucoup moins joué qu’Hedda Gabler ou Maison de Poupée que l’on peut voir presque à chaque saison. Et dans chacun de ses drames, le personnage principal est un homme plus très jeune qui réfléchit à son passé professionnel, architecte, philosophe, sculpteur.. John Gabriel Borkman appartenait, lui, au monde de la banque mais à la suite d’une faillite, il a été condamné et incarcéré plusieurs cinq ans- ce qui est devenu plutôt rare de nos jours…
Avec des conséquences dramatiques pour sa famille.En effet, Gunhild a mis à l’abri du scandale Erhart leur fils en le faisant élever un temps par sa soeur jumelle El
la Renthiem que Borkman a autrefois beaucoup aimée. Borkman sorti de prison vit dans un étage supérieur de la maison où habite Gunhild, sans la voir… Maison qui appartient à Ulla. Un beau soir, Ella vient rendre visite à sa soeur qu’elle n’a pas revue depuis des années et lui annonce qu’elle est condamnée à brève échéance ; elle voudrait qu’Erhart vienne auprès d’elle pour l’aider pour l’accompagner le peu de temps qui lui reste à vivre. Borkman, homme déjà âgé et sans doute quelque peu cassé par ses années de détention rejoindra  alors les deux soeurs pour essayer de se concilier Erhart qui n’est plus le petit jeune homme qu’ils ont connu, même s’il est encore étudiant. Il a sa vie personnelle maintenant et entend bien échapper à cette O.P.A. familiale où il ne se reconnaît pas.
Borkman  en effet, n’a rien d’un héros exemplaire, et l’on apprend qu’il a sacrifié sans beaucoup de scrupules son amour pour Ella pour pouvoir accéder à un poste de tout premier ordre, en d’autres termes qu’il l’a vendue à un homme qui la voulait . La grandeur d’un homme  se mesure souvent à ses renoncements et, là,  Borkman ne vaut pas très cher… Quand Borkman, après s’être réconcilié  avec Ella- ce que l’on peut avoir du mal à admettre, il comprendra trop tard que sa vie aura finalement pris l’allure d’un magnifique ratage malgré quelques années de réussite flamboyante. Mais son coeur usé  n’y résistera pas.
Ostermeier avait monté la pièce il y un peu plus d’un an au Théâtre national de Bretagne.Et sa mise en scène, comme celles des précédents Ibsen qu’il avait créés,  est d’une grande maîtrise; c’est ,d’abord,  un directeur d’acteurs exemplaire et la distribution est de tout premier ordre, jusqu’aux personnages secondaires, notamment Josef Bierbichier ( Borkman, Kirsten Dene ( Gunhild) , Angela Winkler (Ella) et Et Sabasteine Schwarz ( Erhart). Ostemeier sait donner un rythme, ce qui manque le plus souvent à ses confrères français, et une crédibilité  immédiate aux images qu’il créée, dès le moment où les personnages entrent sur scène. C’est presque magique et donne à tout le spectacle une  grande qualité, que la pièce aux allures de mélo- ne possède sans doute pas, malgré de très beaux  dialogues sur la fin …

 Mais cee n’est ni Hedda Gabler ni Maison de Poupée et les enjeux de la pièce ne sont plus ceux qui nous préoccupent actuellement, en ces temps de crise financière mondiale. Par ailleurs on ne voit pas vraiment la nécessité de mettre un plateau tournant pour changer un décor d’une grande rigueur où il n’y a qu’une table et quelques sièges,pour un autre où ne figurent qu’un petit canapé , un fauteuil et une chaise. De temps à autre, le plateau est envahi d’écharpes de fumigène, sans aucune nécessité dramaturgique. A ces réserves près, Ostermeier, par ailleurs , directeur de la Schaubühne de Berlin , reste un bon metteur en scène . Alors à voir? Oui , si l’on est un inconditionnel d’Ostermeier mais très franchement ,si c’est toujours réconfortant de voir un spectacle bien monté , la pièce d’Ibsen , surtout pendant la première demi-heure assez ennuyeuse, ne mérite sans doute pas le détour…

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre de l’Odéon; c’était jusqu’au 11 avril et ensuite en tournée

 

John Gabriel Borkman

John Gabriel Borkman -Odéon Théâtre de l’Europe d’Henrik Ibsen, mise en scène Thomas Ostermeier, Schaubühne de Berlin

« Vous ne sauriez mieux servir la société qu’en monnayant le métal dont vous êtes faits ». Cette phrase d’Ibsen résume la conviction de John Gabriel Borkman, banquier déchu enfermé chez lui depuis huit ans, après des années de prison. Il croit avoir fait le bien autour de lui, avoir développé l’industrie, créé des emplois, mais avoir été trahi par son associé qui lui a volé la femme qu’il aimait. Celle-ci, Ella, dont il a préservé la fortune, qui a élevé son fils Erhart et entretenu sa femme qui est sa sœur jumelle, revient le voir dans son exil volontaire, lui crie sa douleur : « tu as tué l’amour en moi ». Le jeune Erhart qui est l’objet de la passion quasi amoureuse de sa mère et de sa tante qui veulent se l’accaparer, fuira le nid de vipères familial avec sa logeuse de dix ans son aînée. L’actualité étrange de cette pièce est servie par la belle maîtrise des acteurs, superbe Angela Winckler en Ella, impressionnant Josef Bierbichler John Gabriel Borkman en particulier. Décidément Ostermeier excelle dans les mises en scène d’Ibsen

Edith Rappoport

DIALOGUE D’UN CHIEN AVEC SON MAÎTRE SUR LA NÉCESSITÉ DE MORDRE SES AMIS

DIALOGUE D’UN CHIEN AVEC SON MAÎTRE SUR LA NÉCESSITÉ DE MORDRE SES AMIS Palais de la Culture de Puteaux de Jean-Marie Piemme, mise en scène Philippe Sireuil, Théâtre national de Bruxelles


Ce spectacle est programmé par le festival En Seine 09, organisé à Saint-Cloud et Puteaux, qui en est à sa quatrième édition. Les 9 spectacles invités sont sélectionnés parmi « les meilleurs du Off du Festival d’Avignon ». Le titre étrange de la pièce m’avait intriguée et j’avais vu plusieurs spectacles du sage Philippe Sireuil, à l’époque où il dirigeait le Varia de Bruxelles, quand je travaillais à la DRAC de Lille. Malgré une belle virtuosité dans l’articulation du texte de Jean-Marie Piemme, Philippe Jeusette et Faabrice Schillaci qui interprètent le rôle d’un chien culotté qui se rend indispensable à la vie quotidienne d’un portier misanthrope logé dans une caravane, restent à un niveau de café théâtre. Et d’ailleurs, le texte est joué à sa juste mesure. Le public plutôt jeune qui remplit la salle leur fait un bel accueil, je reste sur ma faim.

Edith Rappoport

œuf de Pâques

oeuf.jpg     En guise d’œufs de Pâques, Cette  délicieuse friandise en récompense de votre fidélité.  Vous ne viendrez pas vous plaindre en disant que vous n’êtes pas gâtés… Enfin vous avez toujours le droit de faire vos commentaires. La fréquentation de votre blog préféré  augmente chaque mois. Ce n’est qu’un début, continuons le combat, comme disait autrefois le petit Nicolas….

Philippe du Vignal

 Lettre adressée à Antoine Vitez, (alors directeur du Théâtre National de Chaillot)       

 A Paris, ce jeudi 23 mai 1985.

Monsieur le Directeur, 

Directrice d’un collège de jeunes filles, j’ai assisté récemment à une représentation de « Ubu Roi » afin de me rendre compte de visu si ce spectacle conviendrait aux tendres ouailles dont j’ai la charge. Qu’est-ce que j’ai vu sur la scène même où triompha naguère le grand Jean Vilar? J’ai vu des EXCREMENTS  Mon voisin n’a-t-il pas dit à sa femme: « Tiens, des étrons, les acteurs vont bouffer de la merde » Textuellement. Eh bien non, Monsieur ce sont les innocents spectateurs qui ont été obligés de » bouffer de la merde ». Vous rendez-vous compte, Monsieur le Directeur, que vous faites appel aux instincts les plus vils des spectateurs, ceux-là mêmes que votre mission est d’éduquer  mais que vous vous faites un malin plaisir de corrompre, et cela avec un cynisme peu commun. Pour comble d’horreur, l’un des acteurs s’est dévêtu et a exposé ses FESSES NUES au regard apeuré et horrifié de quelques centaines d’assistants, (1) dont mes deux nièces. L’une d’entre elles fait sa communion solennelle dans quinze jours, l’autre commence son noviciat chez les clarisses de la Fête-Dieu. . Elles étaient TOUTES VELUES.( 2) je suis laissé dire que vous étiez communiste. Ceci explique cela. De ma vie je n’ai jamais  vu pareille chose.
 Monsieur le Directeur, je vous somme de réfléchir avant de continuer votre œuvre diabolique. Il y va de votre âme immortelle. Pensez aux souffrances de Notre Seigneur sur la Sainte Croix, à celles de Sa Très Sainte-Mère. Pensez à Jeanne d’Arc dont l’insigne pureté continue d’être une source d’inspiration pour nos jeunes filles.
 Je vous avertis par la présente que je viens de composer à l’intention du Ministre de la Culture, Monsieur Robert Abirached (3)  dans un mémoire dans lequel je le prie de faire en sorte que les deniers publics ne soient plus consacré à l’étalage sur la place publique de ces nouvelles écuries d’Augias.
 Que Dieu dans son infinie miséricorde vous pardonne le mal que vous faites à notre belle jeunesse française, et veuillez, Monsieur le Directeur, agréer l’expression de mon horreur de chrétienne, et de catholique.
 ( Mademoiselle)   (sic)  X….   Y…, directrice de collège, officier dans l’ordre national des Palmes académique, membre du tiers ordre des franciscaines de Paris.

P.S. Dimanche prochain je réciterai une dizaine de chapelets à votre intention.

Cette lettre manuscrite  authentique est retranscrite telle quelle : fautes d’orthographe et  de ponctuation, sens archaïque (1) , fautes de syntaxe (2),   et erreurs comprises ( 3). Robert Abirached n’était pas en effet ministre mais l’excellent directeur de la Direction des Spectacles;  le Ministre de la Culture était à l’époque  Jack Lang depuis 1981 et qui  le resta jusqu’en 1986.

Avec le couteau le pain

Avec le couteau le pain, texte et mise en scène de Carole Thibaut

lepain.jpg

Carole Thibaut avait achevé ce texte en 2004 et n’avait pu le monter qu’il y a deux ans; à part quelques représentations au Lavoir Moderne Parisien, puis au T.E.P., elle le remonte encore à Confluences. C’est l’histoire d’une jeune fille encore presque gamine qui doit subir à la fois d’abord l’autoritarisme monstrueux du père et la bêtise passive de la mère, avant d’être la proie du grand méchant loup en la personne de Norbert, le fils d’un très bon ami de son père qui vient lui donner des leçons de maths. Et qui ferait bien un gendre parfait mais la gamine pense que cette fois-ci, il faut dire stop.. à cette machination familiale où le fameux Norbert a tendance à reproduire le système monstrueux d’oppression qu’elle a dû subir auparavant. Voilà pour la trame de l’histoire qui fait souvent penser aux contes des Frères Grimm ou à ceux de Lewis Caroll.
Carole Thibaut sait admirablement défendre le texte à l’écriture très épurée de Carole Thibaut auteur. Et sa mise en scène est d’une précision absolue pour rendre les arcanes d’un univers à la fois enfantin et proche du cauchemar , d’abord parce qu’elle n’en est pas à son coup d’essai, et qu’elle utilise au mieux les techniques du théâtre d’ombres humaines ou de marionnettes, ( On sait que les choses sont encore plus convaincantes quand on les devine seulement.) mais aussi celles beaucoup plus sophistiquées et tout à fait remarquables de la voix amplifiée et de la création sonore ( Pascal Bricard) ou d’une partition lumière ( Didier Brun),qui sculpte littéralement l’espace et le temps. En fait, tout se passe comme si deux univers se juxtaposaient: celui des parents et de Norbert, et celui de la gamine qui voit les objets de la vie quotidienne comme démesurés: le fusil de papa est gigantesque, les verres de vin sont dix fois leur taille, et la très grande table familiale sert aussi d’espace où les comédiens évoluent la plupart du temps… La scénographie imaginée aussi par Carole Thibaut, femme orchestre, est ainsi intelligemment mise au service de cette charge contre un système parental qui obéit aux normes formatées de la société , qui est en fait très violent, et dont la gamine n’a aucune chance de s’échapper sinon par… la violence.
Carole Thibaut n’accuse personne mais constate la formidable emprise des valeurs familiales, en développant une écriture théâtrale très précise où le pathos n’a pas droit de cité; elle semble œuvrer avec distance, sans avoir l’air d’y toucher,ce qui rend les choses encore plus efficaces. D’autant qu’elle ne commet aucune erreur quant à la direction d’acteurs: Marylin Even, Claude Baqué, Karen Ramage, Charly Totterwitz, et Sarah Espour , en coulisses pour les ombres, sont tous remarquables. Avec une  préférence pour Karen Ramage( la gamine) qui possède une présence et une gestuelle de tout premier ordre.
Le seul léger reproche: Carole Thibaut devrait, dans une aussi petite salle que Confluences, ne pas demander à Claude Baqué de crier autant mais ce spectacle, brillantissime, qui- tant pis, si elle se sent écrasée par la comparaison- possède tant sur le plan dramaturgique que plastique , les mêmes qualités que ceux du grand Kantor. Même simplicité du texte, même maîtrise de la scénographie à la fois du côté du plateau que des accessoires, même intelligent recours aux techniques du son et de la lumière pour renforcer la prise de parole, même qualité du jeu… Espérons que le spectacle se rejouera encore, sur une plus longue série. Surtout, n’hésitez pas à le voir s’il passe près de chez vous. Avec le couteau le pain démontrerait , s’il le fallait encore, que la beauté théâtrale peut surgir de l’horreur humaine!

 

Philippe du Vignal

 

Le texte est publié aux éditions Lanzmann.

 

Théâtre Confluences, jusqu’au 11 avril, ATTENTION , le 11 avril, c’est demain samedi, dans la cadre de la première édition de La Genre Humaine, à Confluences, consacrée à la présentation de spectacles, débats, ateliers, lectures qui ont pour thème l’évolution de la situation des femmes , dans la mesure où le bouleversement des regards, comme dit Carole Thibaut, a suscité des expériences artistiques et humaines radicalement différentes.

Mai 68 est à la fois très loin, et Carole Thibaut n’était pas encore née mais l’on n’en finit pas de mesurer la coupure qui s’est produite en termes artistiques; imagine-t-on un spectacle comme Avec le couteau le pain dans ces années-là? Dans un précédent article, je citais un programme de la Comédie-Française où les actrices du Songe de Strindberg étaient citées sur une liste à part ,après bien entendu , leurs collègues masculins! Bref, on revient de loin…!
Enfin, Dominique Hervieu , Muriel Mayette , Julie Brochen sont directrices de trois des plus grands théâtres nationaux, et on espère de tout coeur que Carole Thibaut qui est candidate à la direction du Centre dramatique de Thionville pourra l’obtenir si on ne lui refait pas le coup fait à Guy Freixes , éliminé après avoir été choisi sur concours à un poste similaire et qui a subi la loi de l’Albanotron ou de l’Elysée, ou des deux, sans aucun ménagement. C’est sans doute ce que l’on appelle en démocratie, le fait de la princesse…

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