Le jour de l’italienne
Le jour de l’italienne ou les vraies confidences, création collective de la compagnie Eulalie , mise en scène de Sophie Lecarpentier
Depuis qu’en Occident, le théâtre est théâtre ou presque , il s’est souvent pris lui-même pour sujet, en proposant aux spectateurs d’être voyeurs ou complices de sa «fabrication» et en lui dévoilant les mécanismes de l’écriture et du travail scénique.
On pourrait interroger les raisons de la tendance, croissante ces dernières années, qui poussent les gens de théâtre à exhiber leur travail, à s’auto-contempler sous diverses formes : théâtre en train de s’écrire, de se faire, théâtre avoué, se faisant à vue, sans compter le phénomène, très à la mode, des répétitions ouvertes au public.
Montrer au public l’envers du décor, la réalité quotidienne du processus de création théâtrale, les doutes, les errements, la quête des acteurs, la fabrication matérielle d’un spectacle est sans doute une initiative intéressante, à condition qu’elle ne débouche pas sur une simple démonstration pédagogique ou une vision caricaturale.
C’est le cas, hélas, dans Le jour de l’italienne, création collective de la compagnie Eulalie sous la direction de Sophie Lecarpentier.« C’est un spectacle confidence, né de l’envie d’une équipe de faire partager sa passion et de dévoiler, avec humour, dérision et sincérité, les rouages du processus des répétitions. » nous explique-t-on dans le programme.
On assiste en effet aux répétitions de L’Epreuve de Marivaux par une compagnie de théâtre. Dans l’espace nu du plateau, on recrée la scène de répétitions avec, côté cour, un coin café, côté jardin, les loges derrière un tulle transparent, une table et des tabourets pour la lecture à la table, puis, à mesure que les répétitions progressent, quelques éléments du décor de L’épreuve : un fond de ciel, deux bancs, un arbre sans feuilles, se mettent en place.
On suit les répétitions du premier jour ,jusqu’à l’Italienne, à travers les étapes successives de la fabrication du spectacle : travail sur les scènes , arrivée des costumes et d’éléments du décor, réglage des lumières et du son.
Quelques belles trouvailles dans la mise en scène comme ,par exemple, le marquage du temps qui passe, de la progression du travail : séquences flashs scandées par les noirs, effets de condensation et d’accélération. La dramaturgie scénique alterne les échanges entre les acteurs, leur questionnement de la pièce, des personnages, les interventions de la metteuse en scène, avec les scènes de répétitions de L’épreuve. Sur cette trame ,se greffent de brefs monologues des acteurs qui, hors du plateau, dans un rond de lumière, livrent au micro, chacun à son tour, la conception de leur personnage.
Un jeu réaliste avec des tentatives de dérision, voire d’autodérision, et d’humour, ratées, qui patauge dans les clichés. On caricature les tendances mode dans le décor et les costumes disparates, mélange de contemporain et d’éléments d’époque. Pour faire plus vrai, on truffe les échanges entre les acteurs et la metteuse en scène, de termes du « jargon » du métier : notes, gélatines, mise, bout à bout, jardin, cour…, dont on explique en même temps (dans un souci pédagogique ?) la signification.
Tout cela flotte entre la mauvaise parodie et la démonstration laborieuse. La mise en scène indécise, entre intentions de dérision et représentation maladroitement réaliste du travail de répétitions, manque d’idées fortes et de cohérence.
Irène Sadowska Guillon
Théâtre 13 à Paris,du 28 avril au 7 juin 2009.