Liliom
Liliom, la vie et la mort d’un vaurien, légende la la banlieue en sept tableaux.
Au centre, la fête foraine ; au centre de la fête, un énorme King Kong qui vomit les personnages par un toboggan. Côté jardin, une caravane en coupe, logis pauvret, côté cour une porte de sortie, de fuite et un talus d’herbe pour jouer les terrains vagues. Voilà pour la scénographie, très réussie, très juste, de Sophie Pérez et Xavier Boussiron. Voilà pour la métaphore : Mesdames, Messieurs, entrez dans le cercle de ce monde d’où il faut être très malin pour s’échapper, où l’on paye cash ; mesdames, messieurs, mesurez vous à King Kong et voyez comme vous êtes petits. Le vague, les appels, d’air, profitez-en ou tant pis pour vous.
Là-dessus, Liliom : voyez le bel étranger au nom de fleur le « roi des bonimenteurs », séducteur presque passif, brutal, naïf, se glissant en souplesse entre les querelles de femmes, mais piégé par le premier voyou venu, le moindre gendarme, et sa propre incapacité à seulement concevoir qu’on puisse exercer un travail régulier. Il aime ? Va savoir. De l’amour passe, trop ceci, pas assez cela, surtout mal vu mal dit. Sa Julie, il est capable de la cogner, de l’oublier des heures.
Mais le jour où elle lui annonce l’arrivée d’un bébé, il se lance dans un coup foireux pour dépouiller le caissier juif – évidemment, et Férenc Molnar est lui-même juif – qui porte la paye des ouvriers à l’usine. Naturellement, son copain le « cerveau » s’ échappe, la victime présumée sort un revolver au lieu de sacoche pleine d’argent, Liliom se poignarde… et épilogua au ciel, nouvel avatar de l’éternelle foire. Seize ans après, il est mis à l’épreuve et envoyé sur la terre. Y aura-t-il, y-a-t-il eu de l’amour pour sa fille ? Molnar ne tranche pas : il fait subir aux autres – les amis, copains, comparses, le charme inexpliqué de Liliom et la rancune que cela crée. Il nous laisse nous dépatouiller avec ce « banni » .
La mise en scène, très belle, suit la respiration de ces vies cahotées, avec ralentissements et emballements, avec une troupe d’acteurs qui joue tout l’éventail des sentiments entre humain fragile et figure de jeu de massacre.
Christine Friedel
Mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia , Centre dramatique national de Montreuil, jusqu’au 18 mai