La vie et rien d’autre

La vie et rien d’autre

 

Les derniers mois d’un homme ordinaire, plutôt gâté par la vie, et qui n’en ressent pleinement le goût qu’au moment où la mort le serre de près : Bruno Abraham Kremer joue cela très bien, souvent drôle, parfois émouvant – dans les deux cas, parce qu’on s’y retrouve, surtout si, comme le public de ce soir-là, on est un peu « mûr »… Qu’est-ce qui manque, cher comédien, vous qui tenez discrètement la performance – c’en est une – de jouer seul le père, l’épouse, les médecins, les quidam…, pour qu’on soit complètement emballé ? Un peu de silence par-ci – non pas des « temps de sociétaire », mais le temps d’un écho un peu grave ?  Un peu plus de la vraie dureté du monde par-là – vous ne ménagez pas votre personnage, mais on reste entre soi ? Oui, mais il faut en rester à la comédie, le public a bien mérité de rire et de se détendre. C’est vrai, vous avez raison, cher comédien. Et ne pinaillons pas : votre personnage sait (re)donner au public le vrai goût de la vie.
Christine Friedel

 

Comédie des Champs Elysées

 


Archive pour 28 mai, 2009

TUER LA MISÈRE

TUER LA MISÈRE  l’Echangeur de Bagnolet

Conception Alexis Forestier et Charlotte Ranson en collaboration avec André Robillard
Les Endimanchés- c’est le nom de la compagnie d’Alexis Forestier qu’il avait fondée il y a une quinzaine d’années avec Roger Després, jardinier en chef de la Ferme du bonheur de Nanterre-orchestrent à vue. Cet étrange spectacle conçu autour de l’œuvre d’André Robillard, fantastique et minuscule artiste brut, dont l’œuvre plastique occupe le hall et le plateau, forêt de dessins et de fusils enfantins, est un concert poétique, un enchevêtrement de textes étranges, de borborygmes, de chansons allemandes, de lieder, de poèmes exécutés de façon magistrale par les 6 protagonistes. Il y a de la douleur, de la joie, de la vie. A ne pas rater jusqu’au 5 juin à Bagnolet.

Edith Rappoport

Tuer la misère


Tuer la misère

C’est le machin d’artiste de l’art qui a fait disparaître la misère.


Détruire la misère c’est pas rien.
C’te sacrée misère, il faut l’arrêter avant qu’il soit trop tard.Et on pourrait même se détruire par nous-même sans s’en rendre compte, il faut contre-attaquer pour détruire la misère.
André Robillard – juin 2008


C’est quoi, cet objet au beau titre ? Un spectacle-concert-performance en liberté, et surtout une rencontre. Chralotte Ranson, Alexis Forestier et ses « endimanchés » – antiphrase pour ces ludions chercheurs qui sont tout sauf « endimanchés » – ont rencontré André Robillard, un type d’une autre génération qui bricole des fusils-jouets et des dessins d’enfant, des « machins d’œuvre », comme il dit, et que les connaisseurs classent dans l’art brut. Ensemble, ils font monter une incroyable mayonnaise où chacun est pleinement soi et pleinement avec l’autre. Ce « machin d’art » différent qu’est le théâtre, ils le font vivre au milieu des machines de Robillard, les spoutniks, les serpents en couleur, et aussi des cages à  canaris, la table aux accessoires, et les outils à musique à vue. Ça s’organise, avec les poèmes de Paul Celan et de Paul Klee, de Brecht – en version originale, pour la musique, mais « les paroles » sont distribuées au public – et des textes de Fernand Deligny et de Karl Brendel, et le premier lied du Voyage d’hiver, autour non pas de l’idée d’humanité, mais du désir d’humanité, en actes, en chair et en os. Tout sur l’espoir. Tout sur la misère, qu’il faut tuer, la vache. Tout sur la fraternité, en actes, ici et maintenant, en chair et en os. C’est drôle parfois – inénarrable duo sur le Paris-Roubaix -, c’est virtuose souvent – la musique d’Alexis Forestier et d’Antonin Rayon, le monologue en langue martienne dévidé par André Robillard -, c’est sérieux, ça avance calmement et ça prend le pouvoir sur l’imagination du public. C’est moderne, donc dur, juste, présent, et pieds sur terre.
Avant le spectacle, on peut se promener dans l’exposition André Robillard, après, on est invité sur le plateau. Les « machins d’art » et la fraternité continuent.
Christine Friedel

L’Echangeur, à Bagnolet-  jusqu’au 5 juin (seulement !).

Ubu roi

Entrée au répertoire de la Comédie-Française
Ubu roi d’Alfred Jarry mise en scène de Jean-Pierre Vincent

 

image33.jpg  Ubu, personnage monstrueux et bouffon, tire ses origines à la fois du Macbeth de Shakespeare et du père Hébert, professeur de physique de Jarry au lycée de Rennes.
Entré en scène en 1896 le scandaleux et terrifiant Ubu, champion de tous les excès, insolent et brute sanguinaire, bourgeois enragé, poltron stupide et sauvage, est devenu une figure universelle, portrait parfois à peine grossi, de toute la lignée des tyrans, des dictateurs meurtriers, qui depuis Hitler, Staline, Ceausescu, Bokassa, ne cessent de sévir dans le monde réel.
S’attaquant dans son anti – pièce à l’ordre établi, à la culture et notamment la littérature respectable engoncée dans ses lettres de noblesse, Jarry, comme plus tard Gombrowicz, recourt aux formes de la culture « inférieure », « mineure », populaire : théâtre de marionnettes, farce bouffonne pour créer un monde de transgression et de régression, d’immaturité triomphante.
Comment monter cette pièce vue, revue, revisitée, passée à toutes sortes de sauces ? Pour éviter l’aspect potache qui ramènerait la pièce à un spectacle sympa et gentil, le parti pris de Jean-Pierre Vincent était de l’inscrire dans une tonalité beaucoup plus sombre, dérangeante, voire tragique, en convoquant dans sa mise en scène rien moins que Jarry en personne, provocateur extravagant devenu lui-même ubuesque. Sa présence surplombant et imprégnant le jeu des acteurs devait teinter la farce de cauchemar. Le résultat est loin d’être atteint. Aux sévices qu’énumère Ubu : « décollement des oreilles, torsion des dents,… enfoncement du petit bout de bois dans les oreilles » la mise en scène ajoute l’enfoncement du clou didactique.
Alfred Jarry, incarné sur le plateau par Christian Gonon, sert en quelque sorte de faire valoir à l’option de la mise en scène. Dès le prologue, devant le rideau, arrivant à vélo en tenue de vélocycliste de l’époque, il nous éclaire, à travers des citations tirées des Paralipomènes d’Ubu, sur la genèse de son héros « ni exactement M. Tiers, ni le bourgeois, ni le mufle : ce serait plutôt l’anarchiste parfait, avec ceci qui empêche que nous devenions jamais l’anarchiste parfait, que c’est un homme, d’où couardise, saleté, laideur, etc.. » Jarry ne cesse de hanter le spectacle, il revient faire un discours au milieu de la pièce, passe de temps en temps à vélo disant une didascalie, et dans le final, dans le bateau qui, en route vers la France, passe à côté d’Elseneur, évoque ce « poor Yorrick ».
Le dispositif scénique de Jean-Paul Chambas est efficace : deux rochers et un micro sur pied, tables sur roulettes, tabourets, chaises qui apparaissent à certains moments et au fond de scène une grande porte coulissante qui module l’espace. Pas de trappes, les nobles disparaissant dans une sorte de grand tunnel en plastique amené sur scène. Certaines actions, par exemple les scènes dans la chapelle, la promenade de Jarry en vélo, se passent à l’avant-scène.
Jean-Pierre Vincent ne donne ni clefs ni pistes visibles dans sa mise en scène. Nous sommes en principe dans un nulle part, une Pologne de fiction. Un espace temps de résonances multiples qui cependant se surcharge ici d’évocations, de références, de signes, d’indices, de clins d’œil, parfois appuyés et insistants.
Jarry en maillot et pantalon collant manipule ostentatoirement son pistolet. Ubu (Serge Bagdassarian ) en costume noir, gidouille peinte sur le ventre, chapeau melon, canne et cartable à phynance, mère Ubu (Anne Kessler) plus contemporaine : jupe rouge, blouson de cuir, bottes. Uniformes militaires et bérets évoquant les années 1930 1940 pour les Palotins et Bordure, costumes contemporains, sans oublier le portable, pour les Financiers, perruques et costume XVIIIe siècle pour les nobles, les magistrats en robe, enfin famille de Venceslas en tenue pastichant la royauté et Cour du Tsar manteaux longs et couvre-chefs fourrés.
La Pologne, pourtant imaginaire, nous est signalée d’emblée, sur le montant du cadre de scène, par l’emblème national étrangement germanisé : l’aigle blanc sur fond rouge est ici noir sur fond jaune. L’hymne polonais de l’époque communiste ponctue avec insistance les actions.
On est submergé d’allusions, de références, dont on ne discerne guère ni le sens ni les enjeux.
Le jeu sans conviction des acteurs manque d’énergie, d’excès, de folie. L’humour grotesque, délirant de Jarry est ramené aux gags, au comique simpliste. Le jeu tantôt caricatural, outré dans des expressions, tenant de la bande dessinée, tantôt trempant dans un réalisme de pacotille : scènes de combats, Bordure tabassé dégouline de sang, etc. Les acteurs, dont on sait qu’ils savent chanter, forment un chœur apathique, somnolent, dans la chanson du décervelage par exemple.
Tout progresse lentement, tel un somnambule, avec de surcroît des ruptures inutiles et des ralentissements du rythme.
À force d’injecter du cauchemar dans la farce on l’anesthésie. Contrairement aux espoirs de Jean-Pierre Vincent il n’y a rien de dérangeant, rien qui nous resterait en travers de la gorge, dans ce spectacles prolixe, plat et sans force.

 

Irène Sadowska Guillon.

 

Ubu roi d‘Alfred Jarry
mise en scène de Jean-Pierre Vincent
à la Comédie-Française, salle Richelieu
à partir du 23 mai 2009

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