TRAMES

     Gerty Dambury, auteure dramatique guadeloupéenne  est sans doute mieux connue pour sa pièce  Lettres indiennes , crééedsc1393.jpg  à Avignon  en 1996 par Alain Timar (Théâtre des Halles) et à New York en  1997  par Françoise Kourilsky (Théâtre Ubu Rep) sous le titre Crosscurrents. Dambury elle-même assure la mise en scène de son œuvre la plus récente, Trames, actuellement  en tournée en Guadeloupe  après  un passage au Musée Dapper  (novembre 2008) et au théâtre Aimé Césaire à Fort-de-France. J’ai pu la voir  au Ciné-théâtre du  Lamentin ( Basse-Terre), un cinéma qui devient théâtre à l’occasion, où  les fauteuils sont très confortables mais dont le dispositif d’éclairage n’est pas vraiment adapté à la création théâtrale. L’éclairagiste Jean-Pierre Nepost a pu néanmoins créer des effets de lumière magiques  pour cerner le  monde des absents dont la présence sous-tend l’œuvre mais que les tendances réalistes de la mise en scène n’ont pas toujours su capter.
La mise en abyme d’un drame familial a un dénouement proche de la tragédie classique. Inspiré d’un fait divers de Guadeloupe, cette histoire montre les étapes d’une confrontation entre une mère sociologue, (Firmine Richard) et un fils instable (Jalil Leclaire), SDF, drogué,  coléreux, angoissé, blessé par la séparation traumatisante de ses parents. Obsédé par l’image d’un père africain absent, il cherche à renouer avec cette Afrique qui a tant déçu sa mère et, très vite, l’ironie de la situation nous frappe: la douleur du manque de père déchire le fils mais ce père reste  présent à travers le fantasme d’une Afrique des origines entretenu par le fils, alors que la mère, présence très réelle dans la vie du jeune homme, vit derrière un mur infranchissable entre elle et le jeune homme. Si elle semble plus sensible aux  misères de ces prostituées, mères abandonnées dont les voix enregistrées la hantent, qu’aux besoins de son fils,  c’est qu’elle gère mieux les douleurs à distance que les souffrances réelles de ce jeune homme qui envahit son espace  et qui cherche de l’aide,   alors qu’il dégringole rapidement vers la catastrophe.

  Il y a des moments de tendresse et de séduction entre mère et fils qui alternent avec des explosions de colère, lorsque le  jeune homme comprend qu’elle est incapable de capter, ou refuse d’entendre, ses signes de détresse. Par ailleurs, cette danse de mort entre mère et fils se déroule sous l’œil vigilant d’un   personnage énigmatique : Dabar,  qui fait une apparition de temps en temps pour commenter le jeu et assurer la  distance entre les personnages et nous.  Mais ce n’est pas Dabar qui casse l’illusion scénique. La mère et le fils se situent aussi en dehors du jeu,  juste avant le dénouement tragique pour décortiquer d’un regard  « professionnel » les événements, afin d’empêcher qu’une émotion trop forte ne brouille le regard critique.  Après tout, il n’y a aucun  coupable,  mais une profonde incapacité à  s’entendre mutuellement et c’est  l’auteur transforme  ainsi cette rencontre théâtrale en  « cas » social. Vision astucieuse d’un  théâtre qui croise les sciences humaines d’une manière  efficace.

Mais  la réalisation ,comme le jeu , est inégale : le fils (Jalil Leclaire) est  un charmant jeune homme qu’on a envie de prendre dans ses bras, mais qui est  mal à l’aise dans son corps. Alors qu’il devrait servir de catalyseur  au  spectacle. Mais Martine Maximin ,qui revient à plusieurs reprises comme le Dabar mystérieux sous les traits d’une des femmes interviewées qui hantent le magnétophone de la sociologue, illumine  la scène et  met  tout son métier de comédienne au service du spectacle. Dans  les magnifiques éclairages de Jean-Pierre Nepost, ses plaintes,voire  ses plaidoiries , sont  profondément émouvantes. Firmine Richard, ( la mère), très à l’aise en scène,  semble avoir  du mal à  exprimer ses émotions à fond, alors qu’elle passe beaucoup mieux à l’écran.  Mamie espiègle dans La première étoile , elle est l’exemple  d’une comédienne qui s’épanouit dans les gros plans où la caméra capte son regard pétillant, surtout dans les situations comiques; où son sens du rythme, sa gestualité  hyperdramatique et sa personnalité  lui donnent alors une présence remarquable.  

  La mise en scène n’a sans doute pas réussi à capter le dialogue entre les tempêtes intérieures, l’intervention du monde invisible, et une théâtralité de distanciation qui vise à casser le réalisme théâtral. Pourquoi ces poubelles remplies de papier rouge dues à la scénographe Catherine Calixte? Essai de couleur locale? Excès de réalisme? Le fils patauge sans  doute dans les misères de  la rue. Mais pourquoi le surligner? Ce qui importe ici au jeune homme qui appelle au secours, c’est le  refuge et le lieu mythique de son salut, qui sera gâché par l’indifférence apparente de la mère , où une Afrique des origines plane comme  projection de l’imaginaire .  Pourquoi pas? Mais on  aurait envie de voir la pièce montée par un autre metteur en scène.

Alvina Ruprecht

Gosier, Guadeloupe mai 2009.


Archive pour mai, 2009

Atteintes à sa vie

Atteintes à sa vie de Martin Crimp, mise en scène de Gilles Bouillon, traduction de Christophe et Michelle Pellet. 

  image22.jpgAtteintes à sa vie de Martin Crimp (né en 1956) fait partie de ces pièces qui sont de vrais défis à la scène, une partition nue, sans aucune indication, demandant au metteur en scène d’inventer une écriture scénique. Le texte, en 17 fragments écrits comme des scénarii indépendants les uns des autres et pourtant reliés par des fils invisibles, se tisse sur le mode rhapsodique, quasi musical.
Pas d’histoire, pas de conflits, pas de temporalité précise, pas de didascalies, la notion de personnage est supplantée par celle de locuteurs anonymes, dont on ne sait ni le sexe, ni l’âge, ni le nombre, extérieurs à ce qu’ils disent, le passage de la parole de l’un à l’autre n’étant indiqué que par des tirets dans le texte.« L’espace dramatique – dit Martin Crimp – est un espace mental, pas un espace physique ».

Un théâtre qui par certains aspects rappelle celui de Valère Novarina, où la parole circule et le langage fait advenir le monde, un monde à la fois virtuel et réel. Une matière en forme de puzzle et d’une enquête sur un personnage absent, une femme, Anne, dont on ne sait qui elle est ni même si elle existe. Peut-être est-ce Anne disparue dans Traitement de Crimp et dont il fait advenir, par le langage, les variations possibles dans Atteintes à sa vie ?
Anne, Any, Anya, Annie, Anouchka… dont les identités probables et contradictoires : terroriste, star de films pornos, victime d’une guerre génocidaire, marque de voiture, étrangère, candidate à la Présidence, la femme d’à côté… se télescopent, se déclinent au gré des messages laissés sur son répondeur et de la circulation des récits, des rumeurs, des évocations, tout aussi ambigus et contradictoires.
Anne, sujet de la pièce, à la fois une personne et personne, à l’identité postmoderne, pulvérisée, virtuelle, une coquille vide dont les évocations et descriptions « c’est le genre de personne qui… », dessinent un vague et aléatoire contour : belle femme, à la chevelure blonde, 40 ans, etc.
Ce personnage caméléon dont les multiples avatars, vus, rencontrés par des locuteurs de la pièce, dans diverses villes et régions du monde (Berlin, Paris, New York, Afrique…) condense et réfracte notre univers consumériste, réduit au supermarché mondialisé, médiatisé, dont les seuls repères sont des marques déposées, où tout est formaté, prêt à servir depuis la nourriture jusqu’au langage, où tout vaut tout, tout est marchandise, et où l’être humain, dépersonnalisé, manipulé, est à la fois zappeur et zappé.
Avec une intelligence remarquable,  Gilles Bouillon construit, à partir de la matière « post-dramatique » de Crimp, une dramaturgie scénique circonscrite dans un espace temps mental, un non-lieu, un ici et maintenant du théâtre.
Une scène où 9 acteurs, tels des médiums, convoquent le bruit et la fureur de notre monde.
La scénographie de Nathalie Holt est une boîte de théâtre. Espace sombre à l’avant-scène dans le prologue, côté jardin, un écran de télé où l’on voit des images de divers endroits du monde et côté cour, une cabine téléphonique. On entend des messages adressés à Anne qui s’effaceront. Nous voici embarqués, comme dans la célèbre série policière, dans la mission impossible de résoudre l’énigme d’Anne.
Dans l’espace qui se vide apparaîtront et disparaîtront, au gré des séquences : quatre chaises, grandes tables à roulettes, tabourets, canapé vert, micros sur pied. Un jeu de rideaux articule dans l’espace la dramaturgie scénique : le rideau du fond, montant et descendant, crée l’effet d’une boîte, les rideaux à lamelles de trois côtés du plateau permettent les apparitions instantanées des acteurs, un rideau noir coupe de temps en temps l’espace et le grand rideau bleu pailleté à l’avant-scène scène sert pour les scènes du music-hall.
On est constamment sur une scène du monde mis à distance, « ce qui se représente n’a rien à voir avec ce qu’on entend », on assiste à des événements invisibles convoqués par la parole des acteurs.
En articulant sa mise en scène sur la distance, voire l’opposition, entre l’image scénique et celle créée par la parole, Gilles Bouillon recourt à la fois aux techniques cinématographiques : point de vue focalisé, cadrage, hors champ, gros plan, déplacement spatio-temporel et à un registre de formes et expressions scéniques du clown, du music-hall à la tragédie, où les récits, les dialogues, les chansons se croisent et s’imbriquent. Gilles Bouillon confère sur scène au texte de Crimp une structure quasi musicale dans laquelle se dégagent progressivement les répétitions des thèmes, les variations, se forme un réseau de résonnances entre des indices épars, des références disséminées dans le texte.
Avec juste quelques signes, objets, costumes, changements de style du jeu, tels des clips ou des flashs, s’esquissent sur scène et s’enchaînent avec une extraordinaire souplesse et fluidité des images – échantillons de notre monde, traitées sur le mode ironique : scènes de music-hall, une sorte de reality show, cocktail mondain, séance de tournage, réunion d’affaires, etc.
Un délire verbal dans lequel babillage mondain, jargons publicitaire, médiatique, pseudo intellectuel, clichés et discours humanistes, politiques, idéologiques se télescopent.
La mise en scène joue sur le contraste entre ce qui est dit et la manière de le dire. Sur un ton détaché, innocent, léger, d’une conversation banale, on parle indifféremment d’amour, d’empathie avec les démunis et victimes de guerres, de génocides, d’enfants soldats, d’aide humanitaire, d’art contemporain et de physique des particules, d’écologie et d’attentats terroristes, on recycle des discours idéologiques et politiques. Anecdotes, clichés de toutes sortes, propos insignifiants, récits sordides, macabres, terrifiants, mis sur le même plan, livrés pêle-mêle.
On rit et on a froid dans le dos face à cette humanité des spectateurs, surfeurs du monde, à la fois champions de la communication et de la compassion et autistes.
Les échanges en anglais, allemand, polonais, dans certaines scènes, apportent une touche percutante à ce chaos verbal mondialisé. Une remarquable troupe d’acteurs fait preuve d’une souplesse et d’une maîtrise absolue des registres du jeu, quasi chorégraphié, une belle combinaison de solos, duos et de choralité.
Un spectacle exemplaire et exceptionnel qui sans didactisme aucun, sans démonstration moralisatrice, nous immerge dans une humanité dépouillée de sa substance, formatée, agitée par les slogans idéologiques et les convulsions de la bourse. Un spectacle qui porte la marque d’une excellente troupe d’acteurs, issus du Jeune Théâtre en Région Centre, créé en 2005 par Gilles Bouillon, initiative qu’il faut saluer: la troupe de théâtre est en effet devenue un luxe sinon une utopie. On souhaite que cette magnifique création trouve de nombreux preneurs pour une tournée la saison prochaine

Irène Sadowska Guillon


Centre Dramatique Régional de Tours Théâtre Nouvel Olympia du 19 mai au 8 juin 2009
T: 02 47 64 50 50
Le texte est publié aux Éditions de l’Arche

Le Cid de Corneille, mise en scène Thomas Le Douarec

Le Cid de Corneille, mise en scène Thomas Le Douarec

cid.jpgIl l’avait déjà mis en scène en 98 et remet cette fois la pièce emblématique de Corneille dans son Andalousie d’origine, Séville, terre des combats de taureaux, du flamenco, du métissage culturel arabo-andalou. Et il essaye de restituer l’esprit baroque du théâtre de Guillen de Castro à qui revient la paternité du Cid.
Il s’appuie pour la dramaturgie de son spectacle sur la première version de 1637, beaucoup plus libre et flamboyante que celle de référence de 1682, révisée conformément aux règles du théâtre classique.
Il a coupé certaines scènes et supprimé les personnages de l’Infante, de sa gouvernante, du page, de Don Alonse et renforcé l’intrigue sur Rodrigue et Chimène avec une action plus rapide et passionnée. Le tout immergé dans la substance même de la culture populaire andalouse avec sa musique, les sonorités déchirantes de la guitare et des chants flamenco, la sensualité brutale de ses danses.
Claude Plet a imaginé une cour d’un château en arrondi style arabe, évoquant en même temps un espace tauromachique. Un dispositif exploité dans le jeu: les musiciens et certains personnages se trouvent parfois en haut du mur du château, et le roi descend des cintres sur une chaise.

Des costumes stylisés à la fois arabo-andalous, gitans, avec parfois des touches assez outrées, comme entre autres le costume du roi : une parodie de l’habit de torero… Et le jeu est souvent fondé sur des gags, notamment chez le roi (Florent Guyot) et  Don Arias (Jean-Paul Pitolin), démonstratif dans la violence des passions exacerbées, pathétiques mais surjouées chez Rodrigue (Olivier Bernard) et Chimène (Clio van de Valle).
Comme un «texte bis », en contrepoint à l’alexandrin, la partition musicale de Luis de la Carrasca (guitare et cajon), vocale (un chanteur) et le couple de danseurs flamenco, se superpose au jeu ou s’y intègre  comme une sorte de chœur. Le « taconeado » qui rythme la pièce, repris parfois par certains personnages, s’impose parfois avec trop d’insistance. Et ce mariage entre alexandrin et flamenco n’est pas toujours convaincant.
Un Cid iconoclaste ? Même pas. C’est parfois drôle mais très inégal. Mais peu cohérent, Thomas Le Douarec a transféré le tragique sur la partie flamenco et sa mise en scène oscille entre un pathétique appuyé, la parodie et le comique. Dommage…

Irène Sadowska-Guillon

Théâtre Comedia,  Paris (VIII ème).

Bienvenue- Quelques mots pour dire d’où je viens

Bienvenue, conception, mise en scène et jeu: Paul Chevillard et Margherita Piantini et Quelques mots pour dire d’où je viens de Guillaume Hasson, mise en scène de Maria Cristina Mastrangeli. 

Le premier petit spectacle de 30 minutes se déroule dans le hall du théâtre avec juste un petit castelet fait avec un échafaudage de peintre. Thème: l’émigration et une sorte de petite chronique des mésaventures des étrangers dans notre douce France faite avec des moyens très simples: des petites marionnettes- dites de poing- habilement manipulées par deux clowns: Paul Chevillard et Margherita Piantini . C’est techniquement très bien fait mais on l’on reste un peu sur sa faim devant un spectacle qui n’a sans doute pas un scénario assez solide pour le soutenir. 

Quelques mots pour dire d’où je viens ,  est un texte écrit à partir de neuf témoignages  d’émigrés qui ont confié leur histoire et leur itinéraire; ils sont venus d’Afrique mais aussi d’Europe et d’Asie, pendant une longue résidence d’auteur à la maison de la Culture de Thonon et au Théâtre d’Evian. Ils disent leur volonté de s’ancrer dans ce territoire d’accueil qui constitue leur dénominateur commun de ces gens qui se racontent à travers leur culture et leurs expériences positives et négatives qu’ils ont eu en France . Ils racontent aussi leur pays d’origine, Arménie, Algérie, Italie, Allemagne amis aussi Sénégal, Cap-Vert et Turquie, mais aussi l’errance à lauqelle ils ont été condamnés parce qu’ils n’ont pas été là ni au bon moment ni au bon endroit.

  Leur témoignage a été écrit par Guillaume Hasson mais soumis, dit Maria Cristina Mastrangeli, à ces hommes et à ces femmes dont certains ont même réussi à trouver une sorte de bonheur dans un pays dont ils ignoraient tout, malgré les difficultés quotidiennes auxquelles ils ont dû faire face.  Les monologues sont mis en scène par Maria Cristina Mastrangeli,  avec un souci de fidélité à la parole entendue, avec quelques éléments scéniques efficaces: une série de chaises blanches et quelques anciennes bassines et lessiveuses de tôle. Au dessus du plateau, une palissade de bois comme le symbole d’une frontière à la fois franchie mais toujours menaçante: qui ne connaît pas un petit fils d’émigré italien, Français depuis toujours qui n’a même parfois jamais pénétré en Italie, à qui l’administration française, à l’occasion d’une demande quelconque,  demande un extrait d’acte de naissance d’un pépé ou d’une mémé né au 19 ème siècle.. qu’il est évidemment bien incapable de fournir !

Gaetan Kondzot , comédien congolais que l’on connaît bien , puisqu’il a été, entre autres, le personnage du Flic dans la série Un flic de Frédéric Tellier série de France 2 est tout fait juste et dit les choses avec beaucoup de pudeur et de justesse; mais Elsa Bosc surjoue et ne semble pas à l’ aise, ce qui plombe les témoignages qu’elle voudrait nous faire entendre. Il y a aussi la très belle voix de Lorraine Prigent qui ponctue de divers chants du monde chaque témoignage.

 Mais tout cela ne fait pas vraiment un spectacle; la mise en scène- honnête mais sans grande invention- manque , comme souvent, d’une dramaturgie solide et de véritables personnages; le texte en reste donc  à de petits  effets d’annonce, et ne nous apprend pas grand chose. Veut-on nous dire que la France, finalement, ne se débrouille pas si mal avec ses problèmes d’émigrés et que les fameux défis de l’intégration sont plutôt en bonne voie d’être résolus? On ne le saura probablement jamais, et le théâtre n’est sans doute pas le meilleur moyen de le dire. Ce spectacle voudrait « être une partition à deux voix, masculine et féminine, qui porte la symbolique de l’étrange et de l’étranger et qui incarne l’axe nord-sud de l’immigration en France ».Quelle prétention! On n’est ni dans un véritable théâtre de recherche ni dans un spectacle d’agit prop; et ce genre de choses  ne peut convaincre que les bons copains mais pas un public. Alors à voir? Non, sûrement pas; de toute façon, le spectacle a peu de chances d’être repris.

Philippe du Vignal

Théâtre Berthelot de Montreuil.

QUELQUES MOTS POUR DIRE D’Où JE VIENS

QUELQUES MOTS POUR DIRE D’Où JE VIENS – Théâtre Berthelot Montreuil

De Guillaume Hasson, mise en scène Maria Cristina Mastrangeli, compagnie Octogone.
Guillaume Hasson est un auteur attentif aux cruautés du monde, j’avais fait sa connaissance au début des années 90, à Roubaix où il travaillait avec Guy Benisty et le Samirami Théâtre, il avait écrit Silhouettes au lointain présenté dans une généreuse utopie d’un théâtre populaire (devenu ces dernières années gros mot, assimilé à populiste). Ces quelques mots, témoignages livrés par des immigrés sont proférés par trois personnages venus de différents pays,  interprétés par Gaétan Kondzot, Elsa Bosc et Lorraine Prigent qui donne une dimension lyrique aux sombres témoignages de ces vies brisées. J’ai eu du mal à saisir le fil de la pièce dont le thème me passionne pourtant.

Edith Rappoport

Ca va pas se faire tout seul

Ca va pas se faire tout seul par Les Cousins, avec la complicité à l’écriture, à la mise en scène et à la direction d’acteur de Jean-Claude Cotillard.dsc3071.jpg

D’abord les présentations: Les Cousins sont trois; après avoir mené pendant des années une carrière en solo dans le cirque, le cabaret et le théâtre, ils sont devenus » cousins »; dix huit ans et sept spectacles plus tard, Julot, René et Lolo sont encore là, après des tournées un peu partout en France et dans le monde entier. Infatigables.

  René est à l’origine ce que l’on appelle dans le jargon du métier, un « clown de reprise », qui a joué en Suisse, en Espagne et aussi au cabaret Carnaval Plazza de Tokyo; Julot est un fameux équilibriste qui a travaillé  avec Jérôme Savary mais aussi dans ce même cabaret à Tokyo; quant à Lolo, c’est un jongleur qui fit un moment partie du fameux Cirque Archaos il y a vingt ans, et il rencontra les deux premiers en 90 au Carnaval Plazza: le monde clownesque est bien fait, puisque c’est grâce à nos amis japonais que trois Français en tournée là-bas ont pu décider de travailler et de réussir ensemble!

  Cela fait quelque quinze ans qu’on les connaît et c’est toujours le même bonheur de les retrouver. Je me souviens à Fécamp d’une salle bourrée jusque dans les allées qui, à la fin, dans un délire total, ne voulait pas les voir partir et leur a fait au moins une dizaine de rappels…
Mais voilà, il y a parfois chez les clowns comme chez les autres humains une histoire pas drôle qui empêche l’un d’eux – en l’occurrence, Lolo, de participer à la création d’un spectacle que René et Julot lui ont évidemment dédié. Et puis il y a du changement: jusque là seuls, ils ont demandé à Jean-Claude Cotillard de participer à l’aventure, et leur intuition ne les a pas trompés. Il a su donner, en les observant et en les dirigeant, plus de sens et plus d’unité à la dramaturgie qui souffrait parfois d’usure dans l’action scénique.

  Il a su aussi sans aucun doute affiner les choses et donner le rythme indispensable au spectacle en les mettant bien valeur, et cela ne devait pas être évident pour eux de se retrouver à jouer à deux, alors qu’ils avaient fait des centaines de représentations à trois. Jean-Claude Cotillard a fait ici avec eux un boudsc2913.jpglot exemplaire de discrétion et d’efficacité.
Il y a comme deux parties dans ça va pas se faire tout seul : la première où le clown se retrouve face à son double, et il a un jeu de mimétisme et de folie à la fois tout à fait neuf et surprenant chez les deux cousins restants. ils renouent un peu avec la vieille tradition clownesque des entrées avec gags et c’est , comme d’habitude, du genre réussi, notamment avec un numéro d’assiettes qui se cassent mais pas généralement de la façon dont on l’attendrait. Avec un numéro aussi classique, les Cousins arrivent encore à nous surprendre, que ce soit dans le jonglage ou dans l’équilibrisme , tous deux de très haute tenue. Mais ils ont une concentration à toute épreuve, des années de métier derrière eux et surtout une complicité de tous les instants: bref, le public populaire d’Evry en redemande.
Il y a aussi des jeux d’eau délirants-hommage aux fameux clowns italiens Les Colombaioni (voir les œuvres complètes de du Vignal , quand ils se produisaient dans les années 70 pendant la géniale opération de rue Aix/ Saltimbanques qu’avait montée Jean Digne), et un petit numéro d’orchestre avec des verres musicaux et la participation de quelques spectateurs. Ce n’est jamais facile de dire pourquoi un spectacle de clowns comme celui des Cousins est réussi;  cela participe d’une alchimie compliquée : préparation et répétition méticuleuse, la seule qui puisse faire croire qu’ils improvisent des situations aussi  burlesques, humilité, générosité et honnêteté scrupuleuse dans leur métier, invention et savoir-faire sans cesse renouvelés , et foi dans leur public…

 

On ne va pas vous dévoiler tous leurs gags catastrophes; cela ne se fait pas, mais ,en tout cas,  René et Julot savent d’instinct provoquer le rire et, en grands professionnels qu’ils sont, rattraper les choses quand un accessoire ne fonctionne pas à temps. Et, ce qui est plus surprenant, c’est la façon qu’ils ont d’envelopper leur public, avec leur logique et leur sens de la loufoquerie bien à eux, si bien que tout le monde rit, toutes catégories sociales et tout âge confondus, les plus âgés riant aussi des réflexions des plus petits. Le spectacle n’en est qu’à ses débuts, et il y a encore parfois quelques petits-à coups tout à fait normaux, quand il s’agit de numéros parfois compliqués.
A voir? Oui, sans réserve aucune. En espérant que Lolo rejoindra bientôt René et Julot, et que le trio se reformera très vite.

Philippe du Vignal

Spectacle créé à Corbeil en mars dernier; représentations à Malakoff en décembre et ensuite au Channel de Calais; pour les autres dates (non encore communiquées), consulter leur site: http://www.lescousins.org/

Impatience

  Impatience , Festival de jeunes compagniesimpatiences1.jpg

       Olivier Py et ses collaborateurs ont mis en place ce Festival qui comprend sept spectacles, chacun joué deux fois. Mais ce ne sont ni des mises en espaces, ni cette espèce de chose hybride qu’on appelle maquette, à savoir une tranche/ échantillon qui, la plupart du temps, ne signifie pas grand chose,  mais de vrais spectacles dont les créateurs  sont issus de toute la France ( hélas ! seulement de l’hexagone, il faudra revoir les choses d’urgence), choisis sur plus d’une quarantaine. . Avec cette bonne nouvelle, dont se félicitera La Barbe, sympathique collectif de jeunes femmes, armées de barbes postiches  qui, lors des conférences de presse, s’emparent de la scène quelques minutes pour revendiquer la main mise sur tous les lieux de pouvoir, en particulier théâtraux.

  Au risque de se répéter,on leur fera quand même remarquer que Muriel Mayette, administratrice de la Comédie Française, Dominique Hervieu à la tête de Chaillot et Julie Brochen, au Théâtre national de Strasbourg dirigent trois des premiers établissements de France. Cela dit, les artistes de La barbe ont remonté les bretelles d’Olivier Py comme de Stéphane Braunschweig, en leur faisant remarquer très justement qu’il n’y avait aucune, ou sinon une,voire deux  metteuses en scène dans leur programmation….

  Ici, il y en au moins deux: Sabrina Baldassara  avec une sorte de portrait de Michel Foucault et de ses amis dans les années 71, et Nathalie Garraud qui s’est emparée d’Ursule de Howard Barker.. dont nous parlons plus bas. Les choix sont larges: cela va de Tde Sacha  Guitry, qu’il était mal vu de mettre en scène mais dont la cote semble remonter, à deux Shakespeare , deux montages, l’un de Macbeth, associé à Heiner Muller et Ismael Kadaré, écrivain albanais contemporain; et l’autre , à partir d’Henry VI, comme une sorte d’hommage involontaire, rendu à Roger Planchon décédé quelques jours après  les deux reprsentations et dont ce fut une des pièces fétiches; il y a eu aussi L’enfant meurtrier, de et mise en scène, par un jeune auteur :  Lazare Herson-Macarel. Et enfin, A petites pierres de l’écrivain togolais Gustabe Akakpo .
Cette  pièce est une sorte de comédie populaire, au meilleur sens du terme, jouée sur un petit praticable, avec  quelques accessoires,  que l’on pourrait très bien voir en plein air dans le jardin d’une maison de jeunes à Niamey, Porto-Novo ou Cotonou.  C’est une sorte de comédie de Molière africaine qui parle d’un sujet grave, la lapidation d’une femme au Nigéria. Mais cela reste une comédie , puisqu’au départ, il y a une aventure amoureuse qui tourne mal , pour cause de rencontre sexuelle imprévue.

  C’est écrit dans une langue française magnifique, souvent très crue, avec de formidables inventions de mots qui se bousculent, des expressions où fleurissent les néologismes. On connaissait la langue d’Akakpo, mais là, c’est un pur délice, d’autant plus que les comédiens sont très bien dirigés par  Thomas Matalou, comédien, qui a un sens rigoureux du plateau. De temps en temps, cela a  un petit relent brechtien qui n’ose pas dire son nom mais , comme il a  imaginé une  mise en scène à la fois  simple et  inventive , cela passe  la rampe comme on continue à dire , même s’il y a belle lurette qu’il n’y a plus de rampe nulle part. Et il n’ a pas hésité à faire jouer par des acteurs européens – qui sont tous d’un très bon niveau, un texte destiné à priori à des comédiens africains.  Après tout, les africains jouent bien le théâtre européen….

  Mais il est rare de voir dans un festival de jeunes compagnies, autant de maîtrise scénique chez un jeune metteur en scène; cela rappelle, dans un tout autre genre Les Soldats de Lenz qui avait lancé Patrice Chéreau. Donc ,longue vie à cette Compagnie de l’ Antre du Monstre… A voir, oui , cela se mange comme une friandise , malgré une petite baisse de qualité dans la seconde partie…

 

Quant à Nathalie Garraud et Olivier Saccamato  dont la Compagnie du zieu dans les bleus, patronnée par Pierre Fourny du Groupe ALIS et installée en  Picardie, ils ont osé s’attaquer à Ursule de Howard Barker;  ( encore lui! ). Et cela se passe sur la grande scène du théâtre de l’Odéon. C’est encore bien entendu une histoire de catastrophe, comme chez Barker, inspirée de la fameuse légende de Sainte-Ursule, cette Princesse bretonne qui aurait refusé d’épouser Attila et aurait succombé comme ses compagnes -les non moins fameuses onze mille vierges ( sans doute  une déformation de onze) sous les flèches des Huns. L’histoire a inspiré nombre de peintres dont Carpaccio , Le Caravage, et l’auteur du fameux rétable du couvent des sœurs noires de Bruges…

  Chez Barker, il y a dix jeunes et très belles novices en robes blanches sous la conduite de Placide, une mère supérieure… en tailleur, escarpins et bas noirs. Il y a aussi un jeune prince nommé Lucas qui ne rêve que de se marier avec la belle Ursule à la longue chevelure blonde. Mais Ursule veut se consacrer à Dieu , et toutes les jeunes vierges seront livrées à l’épée de Lucas si l’on a bien compris, et Placide se livrera à Lucas. Le texte  est assez fascinant, même et sans doute grâce à une certaine opacité, d’une grande qualité poétique: cela tient à la fois d’une espèce de légende médiévale et d’un bande dessinée.   

  Même si Barker, à son habitude, ne va pas dans la facilité ni dans l’apparence même d’une intrigue tissée d’un quelconque réalisme; cela veut dire qu’au bout d’une petite heure, on décroche. Dommage! On ne comprend guère que Barker se sente obligé de nous embarquer pour une aussi longue histoire. Quel que soit son indéniable talent poétique. Reste la  mise en scène et la direction d’acteurs de Nathalie Garraud et Olivier Scamatto; aucun doute là-dessus, ils ont un sens pictural exceptionnel. Cela est au moins aussi beau que les premiers Bob Wilson des années 70 ( oui, oui) auquel on pense parfois: des tables étroites, une série de chaises identiques placées en biais, quelques accessoires, des grilles suspendues et une maîtrise  gestuelle de tout premier ordre où rien n’est laissé au hasard. 

  Quelle rigueur, quelle intelligence dans le dispositif scénique! Les jeunes femmes habillées de longues robes  blanc crème, Placide en noir, et Lucas, nu. Puis, à la fin ce seau de sang qu’un assistant jette sur la scène et qu’entraîne Placide avec sa longue robe. Ce sont des images bouleversantes que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Le tout dans des clairs obscurs, des pénombres  et des rais de lumière comme on voit chez Lucas Cranach ou chez Rembrandt , ou plus près de nous chez un peintre comme Anselm Kieffer. Il y a bien longtemps qu’on n’avait pas vu tant de beauté ,aussi discrète que radicalement affirmée chez une jeune metteuse en scène.

  On apprécie d’autant, que c’est plutôt bien interprété, notamment par Hugo Dillon, (Lucas) Rena Grimberg (Ursule) et Virginie Colemyn ( Placide), même si l’on avait parfois du mal à entendre quelques phrases un peu boulées. Mais les images, répétons-le, sont tout à fait exceptionnelles. Ursule est le deuxième volet d’une trilogie qui avait débuté par Ismène, d’après les Les Sept contre Thèbes d’Eschyle et Antigone de Sophocle, et avant le dernier: Victoria  avec comme compagnon d’écriture Félix Jousserand.

  Le spectacle doit  tourner un peu partout en France, après Marseille où il a été créé et Bergerac, et Paris. Alors à voir? Oui, oui, oui, si vous vous assez de patience pour supporter d’écouter un texte qui n’a rien quand même d’exceptionnel, pendant deux heures quarante sans entracte, (on vous aura prévenu et pas mal de gens sortent), mais  vous serez récompensé par la découverte d’images comme vous en avez rarement vues dans le spectacle vivant. C’est un peu à prendre ou à laisser… Dans ces cas-là, mieux vaut prendre que laisser. Mais n’emmenez tout de même pas votre vieille tante fatiguée ou votre pacsé(e) allergique à ce genre de spectacle…

Philippe du Vignal

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BIENVENUE

BIENVENUE Théâtre Berthelot de Montreuil  Conception, mise en scène et jeu de Paul Chevillard et Margherita Piantini, Gemmes et compagnie.

Paul et Margherita, clowns insolites dont les manteaux sont des castelets, font irruption dans le bar du théâtre pour raconter de drôles de mésaventures survenues aux immigrés. Il y a une belle énergie plastique dans la manipulation des petites marionnettes de poing et une vérité clownesque dans cet émouvant avant jeu qui reste tonique.

Edith Rappoport

LA RUE EXTRAORDINAIRE

LA RUE EXTRAORDINAIRE rue du Bois Dérodé Z’arts up Béthune

Pour les dix ans de leur festival de rue à Béthune, l’équipe de Culture Commune a confié au Théâtre de l’Unité une rue du Mont Liébaut, quartier résidentiel aéré de la périphérie de la ville. La compagnie a réédité une expérience menée à deux reprises avec le Channel de Calais, choisir avec soin une rue, la rue du Bois Dérodé est une rue de petits pavillons, au pied de cités de taille moyenne, qui descend en pente douce. Elsa Quinette, spécialiste des confidences de voisinage (elle travaille entre autre avec le Théâtre de la Jacquerie) est allée plusieurs semaines auparavant recueillir les paroles des voisins, elle a opéré certaines rencontres, le Théâtre y a organisé plusieurs réunions. Et au début de la semaine, ils ont débarqué, aménagé la rue, les habitants leur ont ouvert leurs portes, des photos ont été affichées, des textes ont été écrits sur les fenêtres, les garages et les maisons se sont ouverts, on a aménagé un musée de l’intime avec des objets précieux confiés par les habitants et une cinquantaine d’artistes ont envahi la rue pendant deux jours. On a pu y voir des vélos parapluies, les BouldeGom,hideux et tendres monstres venir caresser les petits enfants, Emmanuelle Haering, une magnifique danseuse de corde volante, P 4 un orchestre Yiddisch, un bucheron sculpteur et j’en passe. Une grande poêlée verte a été partagée entre les gouttes. La rue du Bois Dérodé ne sera plus jamais la même.

Edith Rappoport

PIÈCE D’HIVER-UNE VISITE AU MUSÉE

PIÈCE D’HIVER- UNE VISITE AU MUSÉE  Montevideo Marseille  de Pedro Kadivar, mise en espace de Béatrice Houplain avec l’ensemble 18 de l’ERAC

Montevideo est un espace agréable niché à flanc de colline en face d’une grande synagogue, dédié à la création contemporaine dans le domaine du théâtre et de la musique. Béatrice Houplain a travaillé avec 6 acteurs sur cette pièce d’un auteur iranien qui se déroule dans un musée, au cœur de l’hiver où un couple se retrouve, s’étreint et se déchire dans l’attente d’un enfant à venir, où le gardien invisible et absent finit par donner sa démission, où l’on voit le directeur du musée sur grand écran parler de sa solitude. Malgré des obscurités et quelques longueurs, ce texte a mobilisé mon attention comme celle de l’auditoire  plutôt jeune et enthousiaste.

Edith Rappoport

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