Et si nous restons à Paris?


  Et si nous restons à Paris?

D’abord merci à nos amis lecteurs, merci à nos collaborateurs ( et en particulier à Claudine Chaigneau à qui nous devons la mise en ligne quotidienne des papiers et des photos) de nous avoir suivi fidèlement pendant neuf mois – eh oui déjà- il y a eu 400 articles publiés par le théatre du blog et une moyenne de 11.000  hits ces derniers mois, et plus d’une centaine de commentaires , pas toujours gentils heureusement : cela prouve que le site est en bonne santé.

D’abord début juillet  le Festival de Vitry: Nous n’irons pas à Avignon qui regroupe une dizaine de petites troupes qui a lieu dès demain 1er juillet jusqu’au 26 juillet; ce sont en général des jeunes compagnies et c’est un peu à la grâce de Dieu comme disait ma maman. A part celle de Mustapha Aouar qui dirige  le festival et qui présente  Les petites comédies de l’eau jusqu’au 5 juillet dans  une ancienne petite gare. Difficile de vous en dire plus avant vendredi matin pour le moment; mais le lieu est  maintenant bien connu et sympathique ; deplus Mustapha Aouar fait les choses sérieusement. Pour en savoir plus, il y a un site où vous trouverez plus d’informations.
Dans Paris, vous pouvez toujours aussi fréquenter Paris Quartiers d’été, où il y a plein de manifestations un peu partout ( danse, musique, cirque). Nous avons relevé pour vous: la célébrissime pièce de Maguy Marin: May be du 2 au 5 aôut au Palais-Royal; la performance de Josef Nadj Les Corbeaux à la Maison des Métallos et Le théâtre équestre de Bartabas au lever du soleil ( environ vers 5h 30 aux Tuileries, dans le parc de la Cité Universitaire et aux Arènes de Lutèce),  et dans plusieurs autres lieux.
 Nous vous souhaitons un bon été théâtral, avec ou sans festival, et nous continuerons à vous rendre compte encore de quelques spectacles un peu partout avant de partir pour Avignon.

Philippe du Vignal


Archive pour juin, 2009

Les autres festivals en France ( suite mais pas fin).

 Les autres festivals en France ( suite mais pas fin).

 D’abord le plus connu sans doute après Avignon , surtout en dehors de l’hexagone,celui d’Aurillac dont cela va être cette année la 24 ème édition du 19 au 24 août; d’abord dirigé par Michel Crespin puis maintenant par Jean-Marie Songy, il était d’abord inscrit sur la seule commune d’Aurillac et se déroulait uniquement dans la rue ou sur des places publiques. Avec de beaux succès à son actif comme cette Célébration de la guillotine pour la commémoration de la révolution de 1789, excellement  imaginée et jouée par le Théâtre de l’Unité , et, bien sûr , le Royal de Luxe, venu à plusieurs reprises. Depuis quelques années, un peu sur le modèle d’Avignon, tout ce qui peut faire office de lieu à jouer est réservé longtemps à l’avance, que ce soit en plein air ou maintenant , sous chapiteau ou  en salle fermée.   Le Festival  a maintenant débordé sur les communes limitrophes d’Aurillac, mais là, plutôt dans les rues, ou sur les places. IL y a une dizaine de « spectacles officiels » et ce que l’on appelle des  » compagnies invitées »,  plusieurs centaines ( sic), (et évidemment quelques individualités qui ne veulent et ne peuvent entrer dans aucun système.), compagnies qui sont aidées par l’organisation du Festival mais qui n’en font pas vraiment partie. Le festival est devenu une assez grosse machinerie maintenant très bien organisée, avec accueil des troupes et de la presse, restaurant du festival pour les participants, etc…Et bien entendu un bataillon de bénévoles sans lesquels le festival ne pourrait fonctionner.  Que voir? Il y a les compagnies bien connues comme Generik vapeur et Xarxa theatre , ou Kumulus, et nombre de compagnies étrangères  comme le Theater Titanick ( Allemagne) avec une adaptation de l’Odyssée. Nous serons à Aurillac ; ce sera difficile mais nous ferons l’impossible pour  vous aiguiller à temps, compte-tenu du faible nombre de représentations. D’ici là, nous vous tiendrons au courant. Le mieux est d’aller un peu à la pêche et il peut y avoir d’excellentes surprises comme à Avignon qui , toutes proportions gardées, ressemble maintenant àson grand frère du Vaucluse.

  Attention,  1) difficile de s’en remettre pour voyager  aux bons soins de la SNCF, dont les services sur les lignes secondaires sont particulièrement merdeux: évitez si possible les fins de semaine, les  retards sont  très fréquents etvous n’aurez droit à aucun  mot d’excuses; une voiture en travers d’un passage à niveau a bloqué le trafic pendant plusieurs heures du côté de Moulins: 6 heures de retard;  une vache batifollait un jour sur les voies du côté de Brive, etc… J’en passe et des meilleures… de toute façon, plus de train direct depuis Paris et changement obligatoire  de train à Clermont,(  ce n’est pas les agents de la sncf qui vous aideront à porter votre valise trop lourde). Si vous avez le malheur d’être Hollandais, personne n’est parfait!), vous devez remonter à Clermont  au guichet, reprendre un billet pour Aurillac . L’autre jour, l’auto-rail  Clermont/ Aurillac était bourré à craquer :  il a fallu fallu faire descendre des voyageurs et les mettre dans un taxi pour Issoire ;bravo la SNCF et ne comptez sur aucun train de nuit pour Aurillac  ni pour Paris, sauf le dimanche où une navette par car peut vous conduire à la gare de Figeac (sic), etc…  Et à chaque fois, ce n’est jamais la faute de la SNCF!!!!!!

Donc,  vous êtes prévenu: vous n’êtes pas dans une région à TGV et croyez-moi, les contrôleurs, volontiers odieux,  vous le font comprendre sans ménagement : vous n’êtes pas des clients mais tout juste des gens qui n’ont aucun droit de réclamation 2) pour vous loger , prudence aussi:  Aurillac est une relativement petite ville tout à fait charmante, où les gens sont très aimables : mais  si vous êtes en voiture, voyez par internet du côté des gîtes ruraux . Mais le festival a prévu un immense parc à voitures  avec navette pour le centre ville qui fonctionne parfaitement, ou réservez au plus vite une chambre d’hôtel ,s’il en reste.  Cela dit …Bon Festival… et bon aligot/saucissettes.

Festival du Théâtre de rue d’Aurillac du 19 au 24 août.

 9 ème Festival de Figeac

C’est un peu la vitrine des Tréteaux de France, dirigé par Marcel Maréchal mais pas seulement, puisqu’il y aussi aussi , entre autres, trois compagnies de la Région Midi -Pyrénées; Marcel Maréchal y créera  Oncle Vania de Tchekov qui sera sans doute intéressant mais sans doute moins décapant que celui du Théâtre de l’Unité , lequel doit bien en être à sa 50 ème représentation, ce qui constitue un record , ( voir leur site pour les dates) puisqu’il se joue en plein air avec quelque dix huit comédiens .Mais Tchekov et Vania, c’est toujours un plaisir.Enfin, nous vous tiendrons au courant.
Nous n’avons pu voir qu’un seul des spectacles du Festival ( voit theatredublog), c’est Juste le temps de vivre ,avec des textes ( en particulier L’écume des Jours) et des chansons de Boris Vian, montage de François Bourgeat et mis en scène par Jean-Louis Jacopin; c’est un cabaret, qui était encore un peu vert au moment de la création , joué par trois comédiens qui sont en même temps musiciens, avec  beaucoup de métier et et  d’humour, et qui devrait vous réjouir; c’est le 31 juillet à 20 h 45 à l’espace François Mitterrand.

Il y a aussi a Mancha somewhere de Cervantès/ Irina Brook… Soit un Don Quichotte librement adapté par Irina Brook, où le célèbre personnage devient un businessman new yorkais qui plaque tout et part avec un acteur raté nommé Sancho Pança pour la Californie. Le spectacle avait été créé l’an passé à Villeneuve. Mais la sauce Irina Brook, j’ai déjà donné… et je ne donnerai plus! Donc à vous de voir. Irène sadowska vous en a déjà dit ( voir thatredublog) tout le mal qu’elle ne pensait…Il  y a aussi, dans cette belle petite ville du Lot, des lectures en plein air de pièces contemporaines ou non ( Mohamed Kacimi, BorisVian, Jean Tardieu, Audiberti, Henri Pichette et Arthur Adamov…qui devraient présenter un autre intérêtLe plus simple est d’aller sur le site des Tréteaux de france: www. treteauxdefrance.com ou si vous êtes dans le coin: 0 835 003 303

Festival Théâtral de Figeac du 23 juillet au 1 er août.

Philippe du Vignal

 

 

 

Le Festival off d’Avignon.

Le Festival off d’Avignon.

Souvent décrié après quelque quarante années- le premier spectacle fut sans doute Napalm d’André Benedetto, en 66 ( eh! oui déjà) et ce fut la fameuse Paillasse aux seins nus de Gérard Gélas qui mit le feu aux poudres en 68, après l’interdiction aussi sotte que grenue du préfet du Gard).
Cet appendice qui est comme le frère ignoré du théâtre in ( en fait c’est évidemment beaucoup plus compliqué- où l’on a pu voir le meilleur et le pire, s’est maintenu, avec une réelle institutionnalisation, des rivalités inévitables et quand même pas mal de révélations , et quelques  salles confortables qui constituent comme une sorte de festival in dans le off: conclusion normale des choses.
Avec aussi la location par les grandes régions de France, de lieux dédiés, comme on dit, à leurs troupes. Et des acteurs très connus qui  viennent faire leur solo, pour le plaisir d’être sur scène. Et des milliers de bateleurs en tout genre, revenus là d’année en année, avec l’espoir de gagner quelques sous….

 Et des centaines de spectacles cette année comme les précédentes; nous n’avons pu encore faire une véritable sélection mais, c’est promis , vous aurez  la suite dans les jours qui viennent; quand j’aurais réuni tous les avis de mes petits camarades duThéâtre du blog; en tout cas, ce que vous pouvez voir déjà , parce que nous les les avons vus à Paris ou ailleurs ou parce nous connaissons les compagnies.
D’abord le tout à fait remarquable Avant-dernières salutations de François Joxe aux Ateliers d’Amphoux, (voir Le Théâtre du blog). Les spectacles du TOMA, à La Chapelle du Verbe Incarné dirigé par Greg Germain, si vous voulez connaître ce théâtre bien de chez nous, même s’il se passe du côté de la Martinique ou en tout cas, outre-mer.

 Il y a aussi la reprise du spectacle Jeux de langue, mise en scène de Pierre Ascaride, avec des textes de Francis Blanche, Pierre Dac, Jean de la Fontaine, Bobby Lapointe, etc. André Salzet dans un monologue de Michel Quint Effroyables Jardins; la reprise  de Cabaret Astroburlesque, mise en scène de Patrick Simon à La Parenthèse; mais aussi la reprise de Baba la France de Caroline Girard et Rachid Akbal au Théâtre La Luna; encore une reprise du très beau Sermon sur la Mort de Jacques-Bénigne Bossuet dans la Chapelle de l’Oratoire avec Patrick Schmitt.
 Voilà pour le moment; la suite au prochain numéro, c’est à dire le 1er de juillet, avec aussi quelques spectacles que l’on peut vous recommander pour vos enfants ou petits enfants…

Philippe du Vignal

Pina Bausch ( 1940-2009)

Pina Bausch ( 1940-2009)

 desingel6754.jpgVoilà : elle est partie, discrètement cinq jours après qu’on lui ait diagnostiqué un cancer. Elle avait commencé à apprendre la danse avec le grand Kurt Jooss; puis elle partit seule à 19 ans pour New York sans connaître un mot d’anglais, dit-on, où elle travailla avec José Limon et Antony Tudor. puis elle revint en Allemagne où elle commença à chorégraphier en 68, et elle devint la directrice de la danse à la Foilkwang-HochSchule d’Essen. Puis elle créa sa compagnie et on la vit débarquer en France avec sa très fameuse pièce Barbe-Bleue, qui ne fut pas très bien comprise à l’époque. nous avons vu la majorité de ses spectacles dont les célébrissimes:  Café Muller, Kontaktof, Walser, Bandonéon., etc… Les dernières pièces étaient sans doute moins convaincantes mais elle avait tant donné….
Je me souviens aussi  d’avoir vu après un très long voyage en train dans son théâtre à Wüpperthal où j’avais rencontré ma consoeur Chantal Aubry, ce tout à fait remarquable Il la prend par la main et la conduit au château, les autres suivent, avec, entre autres,  son fidèle et fabuleux  danseur  Dominique Mercy; je la vois encore montant l’escalier du théâtre avec peine, un énorme sac plein de livres et de manuscrits dans chaque main;, dont je l’avais évidemment délivrés aussitôt. Elle m’avait emmené dans son bureau pour faire l’interview: on aurait dit un décor de théâtre. Imaginez  une pièce aux murs assez hauts vert pâle, éclairée par quelques tubes néon blanc sec, sans aucun autre meuble que deux armoires métalliques vert foncé, un bureau de même couleur aux bords arrondis comme il y en avait dans toutes les administrations européennes, deux chaises  vieillottes en bois. Son mari, grippé n’avait pu faire l’interprète mais elle , d’une extrême courtoisie mais pas très à l’aise quand il s’agissait de parler,  et fatiguée, mais répondant en anglais avec gentillesse à mes questions avec beaucoup de précision et de sensibilité.
  Et le spectacle,Il la prend par la main et la conduit au château; les autres suivent, était fabuleux d’intelligence et de drôlerie, et je n’avais pas regretté le voyage; ce qui m’avait aussi  marqué, c’était l’extrême diversité du public , attentif et de tout âge, dont ceux qui sont encore vivants , doivent se rappeler avec émotion. Je me souviens aussi de Parisiens qui n’ayant pu obtenir de places au Théâtre de la Ville qui, pour ses spectacles, affichait toujours complet, allaient spécialement à Lyon pour la voir. Je me souviens aussi du splendide hommage à Gérard Violette, l’ancien directeur du Théâtre de la Ville qui se trompait rarement dans ses choix chorégraphiques au moment de son départ à la retraite, il y a deux ans, où ses quelque dix huit danseurs avaient formé une sorte de farandole lente  sur la scène de la plus extrême beauté. Je me souviens bien aussi de Café Muller et de Barbe Bleue  dont  j’ai montré les films  à des générations d’étudiants.
  Son idée magistrale de dans-théâtre aura influencé la danse contemporaine de façon indélébile- les petits gestes simples et fluides répétés en choeur, les marches lentes et glissées sur le plateau,des danseurs qui n’avaient pas toujours le corps que l’on aurait pu attendre d’un danseur,  ses décors souvent monumentaux, ses costumes impeccablement décalés: bref ,tout ce que beaucoup de spectacles théâtraux ne possédaient pas et qu’ele avait réusi à faire surgir à force de travail et d’imagination, mais aussi les sols recouverts de feuilles mortes,  etc.. et ces musiques décalées et jamais illustratives…

  . Les thèmes de ses pièces: entre autres et pour faire vite,l’expression de la solitude, les jeux de séduction entre hommes et de femmes,  l’évocation du passé et la nostalgie,  auront été pillés un peu partout, ce qui prouverait , s’il le fallait, l’influence qu’elle aura eu sur les chorégraphes du monde entier. Le monde de l’art, et le monde tout court ,doit beaucoup à cette petite femme énergique et impitoyable avec elle-même, qui avait une passion dévorante pour la création, qui aura réussi, avec et vérité, à réintroduire la parole dramatique dans la danse Il n’y aura eu aucun chorégraphe ni aucun metteur en scène de théâtre qui aura réussi une aussi belle fusion entre ces deux arts…

Dominique Mercy et tous ses danseurs doivent être bien tristes, mais aussi Gérard Violette, à qui nous devons  tant et  qui n’aurait sans doute pas imaginé une saison sans elle. Nous pensons à eux  et sommes à leurs côtés….

Philippe du Vignal

Les choix d’ Alvina Ruprecht pour Avignon.

Les choix d’ Alvina Ruprecht pour Avignon.

ciels   de wajdi Mouwad (une création)

Apollonia de K. Warlikowski   grand metteur en scene polonais (un collage de textes inspirés d’Euripide , Eschyle,  Jonathan Littell, J.Ml Coetzee (Prix  Nobel de  littérature)

Amos Gitai….la guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres, d’après l’historien romain Flavius Josephe, une mise en   perspective  originale des choses..pour parler du Moyen orient

Densi Marleau qui met en scène  Une fête pour Boris de ThomasBernhard..

le travail de Thierry Bedard et Jeahn-Luc Raharimanana

J’ai vu le travail de Bédard a la Réunion, Il a passé de longs séjour à Madagascar ou il  s,est imprégné des auteurs (prose, theatre) et de cette socété horriblement pauvre et ses mises en scène cernent ces questions sans la moindre sentimentalité, d’une manière brutale ..qui peut gêner certains..mais un TRES grand metteur en scène engagé… et puis tout ce qui se passe (oFF) au Théâtre de la Chapelle du verbe incarné,  l’espace géré par l’acteur  Greg Germain..surtout    Bintou   de Koffi Kwahulé             Le  collier d’Hélène  de Carole frechette, m e s de Lucette Salibur de la Martinique et le spectacle de danse theatre d’Eric Cecca (danse urbaine)  Alvina Ruprecht

Que voir en Avignon?

Que voir en Avignon?image23.jpg

 Dans le Festival in d’abord; on vous parlera du off ensuite. La programmation de Vincent Baudrier et Hortense Arcambault est cette année particulièrement riche en créations de metteurs en scène étrangers, et c’est  un vrai bonheur que de pouvoir s’offrir le spectacle du cinéaste Amos Gitai d’après l’historien Flavius Jsephe La Guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres. Et celui du grand metteur en scène polonais Krzystof Warlikowski d’après Eschyle, Euripide, mêm si cela dure quatre heures dans La cour d’honneur. On aimerait bien voir aussi ce que les deux Hollandais Johan Simmons et Paul Koek ont bien pu faire du Casimir et Caroline d’Odön von Horvath, cette pièce magique qu’Emmanule Demarcy-Motta avait un peu maltraité cet hiver au Théâtre de la Ville ( voir theatredublog). et c’est souvent un régal d’aller voir les spectacles du québécois Denis Marleau, surtout quand c’est, comme cette année, Une fête pour Boris de Thomas Berhard. Et il y a bein sûr l’Intégrale Wajdi Mouawad, maintenant plus toulousain que Canadien, qui est un peu la vedette du Festival et qui a connu un véritable triomphe avec les trois premières parties de son quatuor qui seront jouée toute la nuit  dans la Cour d’Honneur le quatrième texte
 Pour L’ode martime de l’immense  Fernando Pessoa, montée par Régy, nous avouons avec regret que notre passion pour Régy quand il montait, entre autres Peter  Handke et Botho Strauss a pris fin depuis un bon moment: donc à vous de voir. Il y aussi le monologue du congolais Dieudonné Niangouna au Cloître des Célestins dont la langue populaire a subi l’influence de Sony Labou  Tansi. Et comme Edith vous  l’a déjà  signalé, Le Préau d’un seul de Jean Michel Bruyère et de toute son équipe ne  devrait pas manquer d’intérêt.
Il ya aussi Riesenbutzbach. Une colonie permanente , un projet de Christoph Marthaler et Anna Viebrcok  Ses collages et sa façon bien à, lui de s’emparer d’une mise en scène sont toujours fascinants, même s’il ne fait pas toujours  l’unanimité de la critique. Ce que nous avions vu en revanche de Pippo Delbono nous avait laissé plutôt sur notre  faim, alors, affaire à suivre…Dans un autre registre, nous reconnaissons à Jan fabre qui a été reçu plusieurs fois au Festival d’Avignon son savoir-faire et cette espèce de folie plastique des corps sur la scène mais nous devons avouer que cela ne nous touche pas beaucoup.
 Signalons aussi ces cinq spectacles intitulés La Vingt cinquième heure qui ont lieu à partir de minuit dans les sous-sols de l’Ecole d’art, avec des textes et des perforlances de Marie Darieuseq, Christophe Fiat et Waji Mouawad , conception et montage de Cristelle Leheureux à partir d’un film de 36 de Mizoguchi qu’elle a en quelque sorte retraduit pour réaliser un film muet; une installation vidéo est aussi présentée pendant la journée) ainsi qu‘Excuses et dire liminaires de Za d’après Za de Raharimanana, mise en voix par Thierry Bédard qui présentera, par ailleurs, Le cauchemar du Gecko au Gymnase Aubanel; on sait que l’auteur et le metteur en scène ne sont pas en odeur de sainteté dans les bureaux de M. Kouchner, pour cause d’ingérence dans l’histoire coloniale de la France à Madagascar. Et leur dernier spectacle avait été quasiment interdit de séjour dans tout ce qui dépend du Ministère des Affaires Etrangères. Bien entendu, lequel a toujours nié. de toute façon, on a bien vu comment on a viré prestement le Secrétariat aux Droits de l’Homme…
 De toute façon, vous ne pourrez pas tout voir: question de dates mais aussi de budget: les places comme les autres années ne sont pas données et le public a le plus souvent les tempes grises; il est loin le temps où il y avait des bandes de jeunes dans la Cour d’Honneur pour le Soulier de Satin mis en scène par Vitez. Mais, il y a aussi le off, où, en étant vigilant, puisque le meilleur y côtoie souvent le pire, on peut cependant faire quelques belles découvertes. Nous vous tenons au courant, et régulièrement, vous pourrez consulter le theatre du blog si vous avez un ordinateur à portée de main: nous vous rendrons compte des spectacles à tour de rôle: d’abord Edith Rappoport, nous-même et enfin Chrisiine Friedel. Nous essayerons de couvrir au maximum l’actualité  d’Avignon puis celle des Festivals de Figeac,  de Chalons sur Saône, et surtout d’Aurillac

Philippe du Vignal

Edith Rappoport: Mes choix pour Avignon,

Edith Rappoport:  Mes choix pour Avignon,

Bien entendu, pour ceux qui le connaissent ou non,   déjà l’intégrale  Wajdi Mouawad dans La Cour d’Honneur, ou bien la quatrième partie de son  quatuor Le sang des Promesses à Chateaublanc. L’Apollo de Krystof Warlikowski d’après Euripide,etc.. Bien entendu La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres du grand cinéaste Amos Gitai à la carrière Boulbon. Une fête pour Boris de Thomas Berhard, mise en scène du Québécois Denis Marleau. Les Inepties volantes du très bon écrivain  Dieudonné Niangouna au Cloître des Célestins. On a très envie de voir aussi  Le Préau d’un seul de Jean Michel Bruyère qui a collaboré  auparavant avec Denis Guénoun, et qui est le fondateur du collectif international d’artistes LFKs et qui conçoit avec une équipe d’une vingtaine de personnes des espaces de création multidisciplinaires. Il y a aussi La maison des cerfs, troisième partie d’un très beau spectacle qu’il avait présenté il y a deux ans en Avignon. Pour Pippo Delbono, avec La Menzogna et son théâtre de la vérité, avec acteurs professionnels et personnalités, cela peut être intéressant. Et même si ce n’est pas du théâtre, feu vert évidemment pour la dernière création de Maguy Marin, mais pas pour Jan Fabre. Et là aussi , aucune hésitation la dernière création de Thierry Bédard et Raharimanana. Voilà, vous avez le choix…Bon festival

Edith Rappoport

Les Archivistes et le Tabularium,

Les Archivistes et le Tabularium, direction artistique: Elsa Hourcade, assistée de Séverine Leroy.

Le projet que Jean-Lambert Wild, directeur de la Comédie de Caen, a commandé à Elsa Hourcade tenait un peu du pari impossible: faire en sorte que les habitants d’Hérouville Saint-Clair, se sentent concernés par la présence au sein même de leur ville par la présence d’un théâtre et d’une galerie d’art contemporain. Soit, comme le dit, Elsa Hourcade , collecter les archives  de cette ville « nouvelle »… Qui a quand même soixante ans. Soixante ans d’architecture le plus souvent prétentieuse et mal foutue, et d’un urbanisme qui ne mérite pas son nom.  Et à partir de ces fragments de cette histoire singulière, construire dans le Théâtre d’Hérouville, pendant trois jours, une évocation de la vie de cette cité ». Cité  qui prolonge Caen mais qui, c’est vrai manque un peu d’âme, bien qu’elle possède quelque 22.000 habitants, dont 20 % de la, population active est au chômage! Elsa Hourcade, depuis presque deux ans,  a ainsi mis en place onze ateliers de pratique artistique,architecture, danse, musique, photo, théâtre bien sûr, écriture, vidéo avec le concours de professionnels et d’environ trois cent personnes d’Hérouville Saint-Clair qui sont venus régulièrement y participer. Le résultat est assez étonnant.

  Elsa Hourcade a fait partie de la bande de Yan-Jöel Collin et a été élève de l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg; sa promotion était assez brillante, puisqu’elle comprenait dans ses rangs Emilie Incerti et Sharif Andura , excellent comédiens qui furent  aussi précédemment  élèves de l’ Ecole  du Théâtre National de Chaillot.Elle a commencé à oeuvrer en Allemagne puis à diriger des ateliers en banlieue parisienne. Jusqu’au moment où Jean-Lambert  Wild  chez qui elle jouait, lui  a proposé de prendre en charge  cette  expérience à Hérouville: soit une sorte de carte blanche  pour impliquer les habitants d’une façon ou d’une autre  dans un processus artistique qui les rapprocherait de ce lieu de création .

  C’est en 1980, que  le maire de l’époque  fit appel à  Eugène Leseney né en 1931. Son architecture  a quelque chose de l’avatar d’un avatar de Franck Gehry, son contemporain. Béton brutaliste de qualité très moyenne, grandes baies vitrées en demi-lune, un hall d’entrée d’une froideur remarquable avec au sol, devant les portes vitrées, un parterre de pavés de granit vernissés,( Dieu sait pourquoi ) et des escaliers qui s’envolent un peu partout: deux petits étages par exemple pour aller aux toilettes: bref , que du beau et du pratique.! La petite pomme, puisqu’on est en Normandie , sur le gâteau: vu l’énormité des volumes et  des bureaux mal pratiques :une facture de chauffage difficile à maîtriser!C’est vrai qu’à l’époque, on se moquait pas mal de la facture énergétique…

  A l’intérieur, cependant, une belle salle en gradins( dont la scène déjà vaste est  reliée par la scène à une plus petite qui sert rarement) :les deux précédents directeurs Michel Dubois et Eric Lacascade  y ont présenté de très beaux spectacles, et c’est là que Carolyn Carlsson viendra danser l’automne prochain dans la  création de Jean-Lambert Wild.   Donc Elsa Hourcade, du haut de ses 31 ans ne s’est pas démontée, a posément réfléchi et a inventé un certain nombre d’ateliers de pratique artistique en direction des habitants du quartier, de façon à essayer de les impliquer dans un processus artistique qui, ensuite, leur donnerait envie d’aller dans ce théâtre situé à quelques centaines de mètres de leur logement, et , où, pour la plupart, n’avaient jamais ou rarement pénétré. » J’ai entrepris non pas de m’attaquer à des textes qui sont toujours une grosse difficulté pour des gens éloignés de l’écrit, et avec mes collaborateurs de commencer par l’improvisation.   Cela ne veut pas dire que cela soit plus facile mais c’est une méthode pédagogique qui leur permet d’aller plus vite et plus intelligemment sur le plan scénique. Il suffit de bien répartir les gens dans des groupes où ils peuvent se sentir à l’aise et donner le meilleur d’eux-même sans avoir  la plus petite ombre de jugement de leurs camarades comme c’est la règle dans les cours d’art dramatique où la concurrence est féroce. J’ai choisi aussi de créer un atelier danse qui me semblait bien correspondre aux envies d’une partie de la population; bien évidemment les niveaux sont très divers mais je crois que nous avons réussi à créer une unité entre les participants. la chose essentielle est de ne pas tricher et de voir les choses à long terme. Il  y a eu ainsi  pendant six ou sept ans un atelier d’écriture dirigé par Jöel Pommerat qui a ensuite donné naissance à Cet enfant. Quand on peut arriver à ce type de collaboration efficace avec des amateurs, on a, me semble-t-il touché à quelque chose d’essentiel. Si les participants à cet atelier lisent un article  sur les spectacles de Pommerat joués à Avignon , ils peuvent se dire  qu’ils en ont été aussi les co-réalisateurs… Restait à gérer la chose qui n’a pas toujours été simple, d’autant plus qu’il m’a fallu aller à la course aux financements. mais je crois que , même si le pari pouvait  paraître difficile à atteindre, cela valait le cou de le tenter ». 

  Le but de l’opération était que l’ensemble des  habitants d’Hérouville aient envie de continuer à fréquenter le lieu, et ce n’est pas qu’une histoire de programmation. Bien des metteurs en scène , par ailleurs, excellents créateurs, ont fini par comprendre que c’était mission difficile, voire impossible et qu’une culture, d’origine disons parisienne ,pour faire court, ne concernerait pas vraiment les habitants de telle ou telle ville. Cela dit, le théâtre  aurait-il un nombre tout à fait honorable de spectateurs, que ce soit à Caen ou ailleurs, s’il n’y avait pas eu des gens de la trempe de Jo Tréhard pour se lancer dans l’aventure de la Comédie de Caen, et le plus souvent dans les pires conditions morales et financières…

  Et c’est peu de dire que certains élus locaux ne leur faisaient aucun cadeau! C’est une vérité qu’il est bon de rappeler. Que ce soit dans un domaine artistique ou dans un autre,  la reconnaissance d’un spectacle passait souvent, qu’on le veuille ou non, par la présence d’un (e) artiste consacrée et connue. Le problème ne date pas d’hier et Jean Vilar il a soixante ans, savait qu’un acteur comme Gérard Philipe jouant au cinéma n’était pas pour rien dans le succès du Cid au T.N.P.

  Le Tabularium ( bureau officiel des archives de la Rome antique) a été donc ouvert au public qui, guidé par un bataillon efficace d’hôtesses  ,a été invité à circuler librement dans les espaces d’exposition et à assister à trois représentations des  cinq spectacles de quarante minutes qui se déroulaient  dans la grande salle du théâtre et dans d’autres petites salles annexes. Soit au total douze manifestations! D’abord La Fable de l’hippocampe, réalisation d’une éphémère compagnie de danses,Le dancing , conçue et dirigée par la chorégraphe Patricia Nagera,sur une composition musicale de Stéphane Lechien avec la collaboration de Guillaume Lefer qui dirigeait les quelques trente musiciens de l’harmonie d’Hérouville Saint-Clair, de la chorale Aïdeo, et des groupes Salem et Jazz Action..  Les musiciens étaient  installés dans la salle et le public réparti sur deux rangées de chaises de chaque côté de la très grande scène , et à vrai dire, vu l’affluence, assis un peu  un peu partout: soit côté interprètes quelque cent cinquante personnes et côté public une bonne cinquantaine de plus! La chorégraphie imaginée par Patricia Nagera dit le plus souvent avec beaucoup de  bonheur, à la fois les liens qui unissent , dans le passé comme dans l’avenir, malgré des héritages très différents, les habitants d’Hérouville.

  Et cette inversion scène/salle imaginée par Elsa Hourcade  a remarquablement fonctionné, et le public, enthousiaste, a beaucoup apprécié, entre autres, les performances des danseurs hip-hop et deux jeunes lycéennes Alica et Priscilla Kipré. Mais il ne fallait pas traîner pour avoir  le temps de voir, même rapidement, l’ installation  sonore et vidéo d’Andreï Schtakieff et Jonathan Le Fourn qui se présente comme une sorte de tentative fictionnelle d’archivage de la mémoire collective; il y a , notamment un film montrant une énorme machine en fonte- qui fonctionne encore- depuis plus d’un siècle- et qui sert à fabriquer… de la dentelle. Les deux auteurs,  qui ont réalisé leur premier long métrage L’Exil et le Royaume sélectionné à la 65 ème Mostra de Venise, à Mexico, etc.., ne sont donc pas des inconnus mais cette installation vidéo a  été faite à partir d’un atelier de réflexion avec une classe en option audiovisuelle du Collège et Lycée expérimental d’ Hérouville Saint-Clair.
Ensuite,  Les Habitants, réalisé par Yvan Corbineau et Elsa Hourcade: c’est une petite forme sur une scène trifrontale qui  n’est pas fondée sur un texte théâtral mais sur des improvisations, adaptations de courtes scène de pièces contemporaines, des textes d’archives aussi et de quelques extraits de Les Villes invisibles d’ Italo Calvino jouée par une quinzaine d’amateurs de tout âge.
archiviste.jpgIls ont eu, pour la plupart des parcours de vie assez difficiles mais c’est assez émouvant de les voir aussi bien faire ce travail théâtral, avec une telle précision gestuelle et une telle volonté de mener les choses à bien. Des Deschiens plus vrais que nature, dans des costumes bien choisis, comme cet homme à la veste verte,  cette dame plus très jeune avec une robe violette ou cette jeune femme très bcbg en mini robe et lunettes cerclées de noir. Tous tellement justes! Ce qui frappait sans doute le plus, c’est la crédibilité de leurs personnages, à travers cet assemblage de textes qui avait une belle unité. On sent qu’ils ont pris, une année durant ,un réel plaisir à apprendre et à dire parfaitement  ces courts monologues pendant des mois pour être enfin  sur cette petite scène face au public qui ne boudait pas son plaisir. Probablement pour eux, un  moment de revanche sur la vie et, pour les deux metteurs en scène, une belle reconnaissance d’une entreprise exigeante.
Puis, juste le temps de parcourir quelques uns des trop nombreux escaliers de ce théâtre à l’architecture inutilement compliquée, pour se retrouver dans une autre petite salle avec une soixantaine d’autres spectateurs devant une des nombreuses grande baies vitrées  donnant sur une terrasse, où était donné Les Bâtisseurs , spectacle dirigé là aussi par Yvan Corbineau et Elsa Hourcade. Une quinzaine de comédiens, plus avertis visiblement des choses du théâtre, se succèdent, seuls ou en groupe,  sur un praticable étroit, couvert de moquette rouge  , pour nous dire quelques pans de la véritable histoire d’Hérouville qui, il y a encore soixante ans , était encore un village de la plaine normande : quelques faits divers comme ce tragique écroulement d’une arche d’un pont en construction qui fit plusieurs morts parmi les maçons portuguais, le discours standard d’une vacuité et d’une banalité affligeantes de la Présidente de la République ( un copié/collé des plus authentiques signés François Mitterrand!), celui de madame la Maire,( le Maire de l’époque qui fut l’un des promoteurs du projet),  lui aussi authentique, plus subtil et plus en phase avec les préoccupations des habitants, et des extraits de textes des urbanistes qui plaident finalement coupable, et regrettent les erreurs monstrueuses  commises au nom de la Forme dans ces ensembles architecturaux à la laideur proverbiale. La mise en scène est impeccable, et les comédiens très bien dirigés sur le plan vocal comme gestuel, s’en sortent vraiment au mieux, ce qui n’était pas évident; en effet, ils jouent comme devant un miroir et même si, grâce aux micros HF, nous les entendions parfaitement, eux, en revanche, n’avaient pas de retour de la salle… La performance est assez belle pour être signalée.

  Pour être juste, il faut aussi signaler une exposition de photos des habitants; Terre promise, un film documentaire  de cinq étudiants en licence professionnelle de géographie, composé de portraits de plusieurs des participants à ces ateliers de pratique artistique très bien réalisé sous la direction de Catherine Damble, et La Ville d’à côté , dirigé par  Pierre-Yves Chapalain et un autre théâtre d’archives joués par des lycéens que nous n’avons pas pu malheureusement voir, et enfin , dessinés sur les murs du théâtre par des élèves de CM 1 et CM 2 de l’école Pierre Gringoire, à partir d’archives, des épisodes de la construction d’Hérouville..
Elsa Hourcade a réussi à mener à bien avec l’équipe de la Comédie de Caen, ce projet assez lourd mais bien pensé et réalisé : Georges Perec aurait été content quand il écrivait, à propos de la ville  dans Espèces d’Espaces: » Cesser de penser en termes tout préparés ce qu’ont dit les urbanistes et les sociologues ».Et des projets de cette qualité, donnent tout de suite au travail théâtral avec les amateurs une autre dimension, dans la mesure où ils ne font pas semblant de créer des personnages classiques dont ils ne peuvent techniquement  s’emparer, mais s’engagent dans une démarche qui les concerne au plus près, puisqu’il s’agit de leur histoire personnelle et collective.
Pour que l’aboutissement de  ces deux ans de travail avec les habitants d’Hérouville puisse se réaliser, les salariés permanents et intermittents de la Comédie de Caen  avaient  le samedi 13 juin, journée de mobilisation à l’appel du Synptac CGT et de la CFDT ont cependant décidé de maintenir les représentations. Cette décision généreuse méritait d’être saluée.

Philippe du Vignal

 

Comédie de Caen au Théâtre d’Hérouville,  les 12,13 et 14 juin.

 

Impressions sur le théâtre russe.



 Impressions  sur le théâtre russe.

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     Il y a en Russie une grande différence entre le théâtre des deux «  capitales », Moscou et Saint-Pétersbourg et le théâtre en province. Le théâtre des villes de province est resté davantage un théâtre de troupe, plus fidèle à la tradition soviétique, moins exposé à la pression du «  marché » et aux influences occidentales. En mars dernier j’ai séjourné à Samara, une ville d’un million d’habitants, situé à 860 kilomètres à l’Est de Moscou. C’est un centre industriel important (constructions mécaniques et de fusées, pétrochimie, etc…) qui possède aussi plusieurs théâtres: le Dramthéâtre, le Théâtre Principal d’Art Dramatique, dirigé par Viatcheslav Gvozdkov et le Samart dirigé par Serguei Sokolov et dont le principal metteur en scène  est Adolphe Schapiro, un créateur appartenant à la vieille Ecole, qui a mis en scène récemment Mère Courage avec un vif succès.  Et cette saison, le Samart a créé   Le Revizor, la célèbre pièce de Gogol, dans une mise en scène très dépouillée d’ A.  Kouzin qui a fait un excellent travail: décor ingénieux, rythme, jeu des comédiens…Et surtout on entend le texte comme s’il venait d’être écrit, sans aucun effort d’ « actualisation » ! On ne peut que louer la modestie d’un metteur en scène qui se met au service d’une œuvre au lieu de l’utiliser pour assouvir ses propres fantasmes. Pourtant, ce même Kouzin a complètement échoué dans sa vision d’un autre classique du théâtre russe, La Forêt d’Ostrovski, qu’il vient de créer au Dramthéâtre. Accentuant le côté rocambolesque de l’histoire, exagérant les situations, outrant les  caractères, il n’a réussi qu’à déformer complètement une œuvre qui perd aussi bien l’acuité de sa peinture sociale que sa force poétique pour sombrer dans un grotesque de Grand Guignol. C’est fort dommage car s’il est un auteur aujourd’hui en Russie qui est «  notre contemporain », c’est  bien Ostrovski, qui, dans la deuxième moitié du XIX ème siècle, a fondé le théâtre russe moderne. Il reste l’auteur le plus joué et la peinture corrosive qu’il a donnée de la société de son temps s’applique parfaitement aux mœurs et à la mentalité des Nouveaux Russes d’aujourd’hui.  On  a pu voir aussi  au Dramthéâtre Les Coccinelles, une pièce intéressante de Sigarev, un auteur  qui a fait ses débuts avec le groupe de Koliada à Ekaterinbourg.  L’histoire est celle d’adolescents qui habitent une petite ville paumée de province, en proie au désarroi devant l’absence de perspectives qui leur sont offertes dans la société russe actuelle… Cela se passe dans un appartement où un mafieux  menace en permanence deux jeunes filles et trois garçons, une situation dont la sinistre banalité risquerait d’ennuyer les spectateurs, si elle n’était vécue avec une belle intensité par de jeunes acteurs  issus de l’Ecole de théâtre de Samara. Cela confirme une constante du théâtre russe qui, depuis la fin du communisme, repose davantage  sur la qualité du jeu d’acteurs que sur l’invention des mises en scène.  Nous avons vu aussi à Samara Le Colonel-Oiseau, pièce de l’auteur bulgare Hristo Boytchev qu’avait montée il y a dix ans pour  Avignon,  Didier Bezace avec Jacques Bonnafé et André Marcon; c’est l’histoire de quelques hommes et d’une femme repliés dans un asile de fous qui reçoivent un colis venu du ciel, c’est à dire pour eux du paradis que représente, à leurs yeux, l’Europe de l’Ouest,  colis en fait destiné  à leurs voisins bosniaques. Ce qui va déclencher chez eux l’idée de se constituer en territoire indépendant. La fable est sans doute un peu mince, quand il s’agit de parler de la folie ou du rattachement de la Bulgarie à l’Europe. C’est en fait aussi toute la question  des identités nationales que l’auteur veut traiter et qui, on le sait bien, préoccupe beaucoup les pays de l’Est, au moment de rejoindre l’union des pays européens. La mise en scène signée par le directeur du théâtre,  est intelligente avec un beau travail de scénographie. Et c’est toujours émouvant de voir un public qui s’habille  pour aller au théâtre, avec ce même  rituel coutumier aux pays de l’Est. Chose plus étonnante, il y a dans la salle de nombreux jeunes gens étudiants ou lycéens et des ouvriers comme des employés; le théâtre a encore, à Samara comme  dans les autres grandes villes de province,  une fonction sociale tout à fait reconnue. Si la routine est le péril qui guette une troupe permanente, en revanche, la stabilité et la sécurité qu’elle assure est un facteur de vie collective. Dans les théâtres que j’ai eu l’occasion de visiter, à Samara, à Tioumen, les comédiens forment une vraie famille car le théâtre en Russie, depuis toujours, est un refuge où l’on oublie les difficultés de la vie réelle ; la scène est le lieu  de la «  vraie vie », une vie de l’esprit trop souvent absente d’une société sans merci. Et ces théâtres permanents subissent moins la tentation de commercialisation des spectacles qui est le fléau des théâtre privés, dits «  théâtres d’entreprise », où avec quelques «  têtes d’affiche » on bâcle des spectacles dont les billets sont à prix d’or pour le public des nouveaux riches. La troupe de Koliada, installée à Ekaterinbourg, est un bel exemple de la pérennité et la noblesse d’une tradition qui préfère la qualité artistique aux avantages matériels.  J’ai été, il y a deux ans, membre du jury du Festival de Tioumen et l’on a  donne le Grand Prix au Revizor monté par Koliada, qui vient d’être invité au Festival Passages de Nancy. Ce Revizor, d’une liberté audacieuse d’interprétation, renouait avec les sources populaires du théâtre de foire et donnait à une œuvre si souvent jouée  la fraîcheur de la surprise et de la nouveauté.
A Moscou, au théâtre Maly, qui est le grand théâtre académique, le «  petit » frère  du Bolchoï pour l’art dramatique, nous avons vu Les enfants du soleil de Gorki, un spectacle très controversé du même Adolphe Schapiro, que nous avions rencontré à Samara. La querelle qui divisait la troupe, la critique et le public,  opposait les modernistes et les conservateurs et portait sur l’introduction d’un motif yddish rajouté par Schapiro et qui mettait la pièce dans un contexte auquel Gorki n’avait sans doute pas songé, d’où une contestation non dénuée d’arrière-pensées «  patriotiques ». Cet incident avait pris, d’ailleurs, une telle importance parce qu’il prenait place dans un lieu de culte devenu le symbole même du théâtre russe. Au Maly, même les plus mauvais spectacles font régulièrement salle comble, une salle le plus souvent remplie de jeunes gens endimanchés, qui viennent là comme à l’église. Il est curieux, d’ailleurs, de constater, qu’au cours du temps, les acteurs qui, dans leur jeunesse, ont adhéré aux mouvements d’avant-garde, finissent presque toujours leur carrière au Maly.  J’y ai vu, jadis, les acteurs de Meyerhold et d’Eisenstein, on y applaudit à présent des  acteurs, des actrices qui ont fait leurs débuts chez Vassiliev et sont devenus des « icônes » de ce théâtre d’Etat où l’on ressent encore fortement la nostalgie de l’Empire.

 
Gérard Conio

Le REVIZOR

Le  REVIZOR ,mise en scène d’A. Kousine.
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  Ecrite en 1836 par Nikolaï Gogol, cette satire, comédie de la peur, bien connue de tout passionné de théâtre, nous plonge dans la Russie du 19eme siècle.Son histoire est l’ annonce de la venue impromptue, de l inspecteur du tsar qui vient « contrôler » les institutions d une petite ville de province et qui va déstabiliser le quotidien de ses fonctionnaires Le spectacle a été crée au théâtre Samart le 28 mars 2008, pour une somme de 220 roubles (5 euros) le public de Samara et de sa région peut redécouvrir ce classique.
Dans cette mise en scène d A Kousine, nul besoin de référence à l actualité, comme chez certains metteurs en scène, en quête d inspiration, la pièce est située dans l époque de sa création, soulignée par de somptueux costumes, et par une musique originale.
La pièce se passe dans le salon d apparat d’une maison bourgeoise sont créés  par des éléments de décor amenés à cet effet par des serviteurs de scène, comme  au T.N.P. de Jean Vilar.La scénographie est bifrontale, les entrées et les sorties se font , de part et d’ autre des gradins et au milieu de ceux-ci, ce qui accentue la proximité avec public. La simplicité de la mise en scène, au service du jeu de l acteur et du texte, l’ énergie et la cohésion de la troupe, font de ce spectacle un excellent exemple de ce que peut être un théâtre de répertoire aujourd’hui en Russie.Comme la fable est connue, le déroulement de la pièce apparaît clair même quand on ne maîtrise pas le russe. Et  le dénouement est fondé sur une belle image : l’ annonce de la venue du vrai REVIZOR nous est transmise par une comédienne s’ exprimant en langue des signes…Comme si le silence triomphait des paroles inutiles. L’ année d ‘échange culturel  France- Russie aura lieu en  2010 ;  y aura- t- il un responsable de structure  dans l’ hexagone qui osera inviter un vrai théâtre de répertoire russe  pour permettre au public francais de  découvrir ce remarquable Revizor ?

Jean Couturier

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