Festival du Teyat Zabim

 Festival du Teyat Zabim, ( Guadeloupe)
Après quatre ans de silence, et plusieurs mois d’agitation  sociale en Guadeloupe, les organisateurs du Festival de théâtre des Abymes, une commune à côté de Pointe-à-Pitre, ont pu  nous offrir  un excellent programme  qui a attiré les foules et donné lieu à des manifestations  populaires (musique, danse,)  sur le parvis du Centre Sonis, seul lieu de représenatation cette année,  vu les limites budgétaires.congres.jpg Il y eu la magnifique lecture  de Congre et Homard, une pièce de la martiniquaise Gaëlle Octavia. Lu par Joël Jernidier et Dominik Bernard , ce dialogue serré et  intense nous mène d’une situation apparemment cocasse vers une confrontation inquiétante. Un moins jeune (le mari), donne rendez-vous à un plus jeune, dans un café. Un jeu de chat et de souris verbal (ou plutôt de « congre » et de « homard »).

Alors que le mari  se montre très au courant de la trahison de sa femme avec ce jeune intrus, le désarroi de celui-ci  ne fait qu’agrémenter le plaisir sadique de  ce mari qui joue sur toutes les possibilités de la langue avant d’épingler son adversaire. Le dénouement choc nous laisse dans l’ambiguïté la plus totale.  Toutes les nuances,  dans cette orchestration de voix et de visages ont confirmé la force du texte et le travail absolument remarquable du duo Jernidier-Bernard. La pièce fera l’objet d’une mise en scène par la troupe Grace Art Theatre et sera présentée prochainement en Guadeloupe.

  La création de la pièce Conte à mourir debout, œuvre de Frantz Succab fut plus problématique. Ce texte, accompagné vers une production par ETC. Caraïbe, l’Artchipel, et jouée par la Compagnie Savann (Guadeloupe) était mise en scène par Antoine Léonard Maestrati. Journaliste, poète et rédacteur d’une tabloid   « Mot fwasé »  une sorte de  Charlie Hebdo guadeloupéen ,transporte son mordant sur la scène théâtrale .Roberval (Aliou Cissé), grand tambouyé, vient d’apprendre que ses jours sont comptés. Il attend la mort avec une certaine angoisse mais surtout avec beaucoup de colère et surtout comment le dire à sa bien aimée Bertilia.  Il refuse de devenir une de ces légendes glorifiées hypocritement par le peuple,  exploitée par les médias. Un chroniqueur de la télévision intervient (Harry Balthus) pour nous reconstituer la vie « officielle » du grand homme. Roberval et ses proches qui refusent cette farce médiatisée , interviennent constamment pour « corriger » la version publique par des aperçus sur une vie privée savoureuse, moins glorifiée mais plus humaine. Les différents récits de cette vie mise en abyme  constituent une suite de moments où l’auteur insiste sur la nature ‘jouée’ non seulement des personnages mais de toute la réalité guadeloupéenne. Par la même occasion,  l’auteur semble remettre aussi en question les icônes de la culture guadeloupéenne.

  Le vieux tambouyé est un de ces vieux cadavres qu’il faut démythifier pour ne pas rester figé dans le passé et pour  faire progresser la créativité au pays. Vision optimiste, ludique, voire subversive qui pose des problèmes évidents au metteur en scène. Maestrati semble avoir eu du mal à cerner toutes les complexités de l’œuvre. Il a créé des très beaux moments, comme cet écran  qui transforme les personnages en ombres lorsqu’ils semblent passer de l’autre côté de la vie. Mais la direction d’acteurs est moins heureuse, malgré une distribution excellente dont Aliou Cissé (Roberval). Gladys Arnaud (Bertilia, la femme) et Joël Jernidier qui apporte une bouffée d’air frais  dans un monde un peu étouffant. alvina.jpgHarry Balthus, très bon comédien, joue le  narrateur/chroniqueur à la télévision. Son style de robot , amusant au départ mais  devient lassant.Mais Aliou Cissé a vu son personnage et sa belle voix restreints à une lecture inégale; cloué à son fauteuil, presque immobile, il a beaucoup de mal à  être crédible.  Gladys Arnaud, sa femme ,a souffert des mêmes décisions de mise en scène.

  Et, à  part quelques moments piquants, il y a une absence générale d’énergie ludique:les acteurs  semblent figés dans une temporalité suspendue entre la vie et la mort … Et la médiocrité  la salle du Centre Sonis n’a pas facilité les choses. Mais la pièce doit aussi  être jouée à l’Artchipel et en Martinique. 

  Compte tenu  de la situation actuelle en Guadeloupe, le fait même de pouvoir organiser cet événement hors-série  était un véritable exploit. Avec des moyens limités , la volonté de  l’équipe organisatrice n’a cependant jamais fait défaut .D’autres événements sont prévus cet automne aux Abymes. que l’on attend avec impatience.La pièce doit être jouée prochainement à l’Artchipel et en Martinique…

 

Alvina Ruprecht   


Archive pour 14 juin, 2009

LES BONS, LES BRUTES ET LES TRUANDS

LES BONS, LES BRUTES ET LES TRUANDS  , texte et mise en scène de Christine Pellicane
Ce « western électrique en culottes courtes joué par 24 pieds tendres de Belleville » force l’admiration malgré les inévitables imperfections techniques. Christine Pellicane issue du rock alternatif a fondé Tamérantong en 1992 pour monter des spectacles  dans des conditions professionnelles avec des enfants des milieux défavorisés de Belleville. Depuis elle a monté plusieurs troupes de front, l’une à Mantes la Jolie, deux à Belleville, une autre à la Plaine Saint -Denis ( en lien avec la compagnie Jolie Môme à la Belle Étoile).

  Ce western spaghetti est joué sur des rythmes effrénés conçu par Ludwig von 88, groupe de rock cousin de la compagnie,  avec des décors et des costumes bricolés à partir d’objets récupérés. On ne peut que s’incliner devant cette énergie débordante, cette joie du plateau communiquée à une salle bourrée de parents et d’amis qui ont tous payé un prix symbolique. Comme  la compagnie Image aigüe de Christiane Vericel à Lyon  qui travaille, elle aussi, avec des enfants,avec une grande perfection plastique, Tamérantong , dans un tout autre style,  avec toute la générosité des amateurs engagés , ce qui  nous venge des froides soirées institutionnelles.

 

Edith Rappoport

Théâtre de l’Epée de Bois (  Cartoucherie de Vincenes)

FANTAISIES POUR ALICE

FANTAISIES POUR ALICE

Écriture et mise en scène de Richard Demarcy

Dans ce pauvre et chaleureux grand parquet, Richard Demarcy, grand amoureux de l’Afrique où il voyage souvent, développe une résidence depuis plusieurs années. Jusqu’à la fin du mois de juin, il a repris deux spectacles qui ont beaucoup tourné avec un beau succès populaire, Oye luna et ces Fantaisies pour Alice, interprétés par une troupe généreuse et multicolore. Six comédiens  de Taiwan, d’Angola, du Sénégal, du Portugal et de France  nous emmènent au pays de Lewis Caroll, une Alice noire y croise un lapin portuguais toujours en retard, un loir qui ne cesse de s’endormir, tous les animaux qui viennent la surprendre, l’inquiéter mais aussi  la réconforter quand elle cherche à échapper à l’ire de la méchante reine (noire elle aussi). Ce rêve éveillé ,qui peine  un peu à s’imposer dans les premières minutes, trouve rapidement son rythme et réjouit les spectateurs d’origine très diverse qui remplissent la salle. Quel contraste avec leur riche et vide voisin du  » 104  « qui a tout gardé des Pompes funèbres , son ancienne destination…

Edith Rappoport

 

Le Grand Parquet,  jusqu’au 23 juin.

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