La rue est à Amiens
AUTOPSIE, PARFUM DE GUERRE POUR UNE FANFARE Amiens
Conception Marjorie Heinrich, Krache théâtre
Cette autopsie, c’est celle des guerres, de toutes les guerres et des morts, l’obsession de Marjorie Heinrich qui décline ce thème, spectacle après spectacle. Le public est rassemblé sur les trois côtés du triangle de la place Marie sans chemise, Gaëtan Noussouglo entame un long et puissant lamento sur les guerres et les morts oubliés du Rwanda et du monde entier. D’autres personnages apparaissent, une violoncelliste et un accordéoniste en proie à des soubresauts mortels, deux anges musiciens, un échappé des camps de concentration remorquant un chariot technique. Les regards des spectateurs qui se dispersent sur la place,se concentrent avec le défilé funèbre qui traverse la ville, ce rituel étrange a une belle puissance en devenir.
LES FRÈRES FINCK La rue est à Amiens 21 juin
Spectacle de Jacques Auffray, Edilic compagnie
Comédien, chanteur lyrique, compagnon des Grooms depuis des années, Jacques Auffray travaille depuis 3 ans sur ce spectacle sur la mort, dont il avait présenté une ébauche, il y a 3 ans à l’Opéra des rues dans le parc de Bercy. Ces frères Finck c’est d’abord l’histoire d’une famille d’entrepreneurs de pompes funèbres dont la fortune périclite avec l’écrasement de la pyramide des âges. Une procession funéraire s’organise avec la mise en bière d’un spectateur, la reconstitution d’un défilé funéraire avec les spectateurs jusqu’au fourgon mortuaire. Et puis, là on perd le fil de la famille qui n’existe que par la voix de Jacques Auffray, bon ténor, comédien rompu à l’interpellation du public, mais dont les partenaires sont des musiciens, mais pas des comédiens. Malgré quelques moments de grâce comme le chorus of cold people du Roi Arthur de Purcell, ou le rock endiablé qui clôt le spectacle, ces Frères Finck ont encore besoin d’un œil extérieur qui imposerait un axe précis.
PLACE DES ANGES La rue est à Amiens
de Pierrot Bidon, Stéphane Girard et Ana Rache, Studios cirque de Marseille
Sur des filins accrochés à l’immense tour surplombant la ville d’Amiens au-dessus de la gare, des formes blanches et angéliques opèrent une descente vertigineuse, dispersant autour d’eux des nuées de plumes au son d’une musique céleste. Une bande d’artistes spéléologues se sont investis dans cette aventure folle stupéfiant l’énorme foule. Le spectacle laissera des traces jusqu’au fond des parkings, des milliers et des milliers de plumes blanches marquant les mémoires.
1789 ” La rue est à Amiens
de Frédéric Michelet, mise en scène Manu Moser, CIA (compagnie Internationale Alligator)
Six comédiens battent le rappel du public à l’entrée d’une rue attenante au Palais de justice pour évoquer les six premières années de l’ébranlement de la Révolution française. Vêtus de simples chemises avec quelques ornements plus riches pour les nobles, ils surplombent la foule en jouant sur des échelles et sur les toits, se portant à dos d’homme, avec vigueur et une belle virtuosité. Les grandes conquêtes révolutionnaires noyées dans le bain de sang de la terreur sont lancées devant une foule étonnée qui recueille la Déclaration des Droits de l’Homme qu’on lui distribue à la fin du spectacle. De la belle ouvrage de la part de cette compagnie de Villeneuve les Maguelone engagée depuis plus d’une vingtaine d’années.
LE MUSÉE BOMBANA DE KOKOLOGO La rue est à Amiens
Office des Phabricants d’Univers Singuliers (OPUS), mise en scène Pascal Rome
Depuis plusieurs années, Pascal Rome issu des 26000 couverts fondés avec Philippe Nicolle, explore des patrimoines imaginaires à partir d’un conservatoire des curiosités où se croisent théâtre et arts plastiques. Pascal a séjourné au Burkina Faso, il y a rencontré Athanase Cabré, alias Monsieur Bakary, qui nous fait pénétrer dans son ministère des affaires inutiles, dans une jolie enceinte circulaire placardée de dessins naïfs , où il commente avec humour les exploits de Bakary Modibo son grand père qui a fait fortune en installant des poulets Bakary sur toutes les églises. S’ensuivent une série de commentaires des dessins agrémentés de dictons, » le grain de maïs n’a jamais eu raison de la poule » ou « qui trie bien prie bien » à partir d’objets introuvables dignes de Carelmann. La visite de ce musée Bombana et un moment délicieux grâce à la présence de ce généreux acteur qui porte la force de vie de son pays.
CIRQUE CYNIQUE ET MARITIME La rue est à Amiens
Ronan Tablantec
Ronan Tablantec, alias Sébastien Barrier de Paimpol, revêtu d’un ciré jaune, une boîte de sardines attachée sur la tête devant le coffre ouvert de sa voiture d’où il sort une valise remplie de vieux papiers, harangue la foule, prend à partie les petits enfants avec une aisance et un bagout d’enfer. Il parle de tout et de rien, de sa ville natale, de ses parents, de ses tournées, fait de mauvais jeux de mots dont il rit pesamment. Et ça marche, ce voltigeur des mots sait se faire écouter, il y a même une certaine poésie malgré quelques longueurs dues à des redites inévitables dans ces improvisations.
Edith Rappoport