Pina Bausch ( 1940-2009)

Pina Bausch ( 1940-2009)

 desingel6754.jpgVoilà : elle est partie, discrètement cinq jours après qu’on lui ait diagnostiqué un cancer. Elle avait commencé à apprendre la danse avec le grand Kurt Jooss; puis elle partit seule à 19 ans pour New York sans connaître un mot d’anglais, dit-on, où elle travailla avec José Limon et Antony Tudor. puis elle revint en Allemagne où elle commença à chorégraphier en 68, et elle devint la directrice de la danse à la Foilkwang-HochSchule d’Essen. Puis elle créa sa compagnie et on la vit débarquer en France avec sa très fameuse pièce Barbe-Bleue, qui ne fut pas très bien comprise à l’époque. nous avons vu la majorité de ses spectacles dont les célébrissimes:  Café Muller, Kontaktof, Walser, Bandonéon., etc… Les dernières pièces étaient sans doute moins convaincantes mais elle avait tant donné….
Je me souviens aussi  d’avoir vu après un très long voyage en train dans son théâtre à Wüpperthal où j’avais rencontré ma consoeur Chantal Aubry, ce tout à fait remarquable Il la prend par la main et la conduit au château, les autres suivent, avec, entre autres,  son fidèle et fabuleux  danseur  Dominique Mercy; je la vois encore montant l’escalier du théâtre avec peine, un énorme sac plein de livres et de manuscrits dans chaque main;, dont je l’avais évidemment délivrés aussitôt. Elle m’avait emmené dans son bureau pour faire l’interview: on aurait dit un décor de théâtre. Imaginez  une pièce aux murs assez hauts vert pâle, éclairée par quelques tubes néon blanc sec, sans aucun autre meuble que deux armoires métalliques vert foncé, un bureau de même couleur aux bords arrondis comme il y en avait dans toutes les administrations européennes, deux chaises  vieillottes en bois. Son mari, grippé n’avait pu faire l’interprète mais elle , d’une extrême courtoisie mais pas très à l’aise quand il s’agissait de parler,  et fatiguée, mais répondant en anglais avec gentillesse à mes questions avec beaucoup de précision et de sensibilité.
  Et le spectacle,Il la prend par la main et la conduit au château; les autres suivent, était fabuleux d’intelligence et de drôlerie, et je n’avais pas regretté le voyage; ce qui m’avait aussi  marqué, c’était l’extrême diversité du public , attentif et de tout âge, dont ceux qui sont encore vivants , doivent se rappeler avec émotion. Je me souviens aussi de Parisiens qui n’ayant pu obtenir de places au Théâtre de la Ville qui, pour ses spectacles, affichait toujours complet, allaient spécialement à Lyon pour la voir. Je me souviens aussi du splendide hommage à Gérard Violette, l’ancien directeur du Théâtre de la Ville qui se trompait rarement dans ses choix chorégraphiques au moment de son départ à la retraite, il y a deux ans, où ses quelque dix huit danseurs avaient formé une sorte de farandole lente  sur la scène de la plus extrême beauté. Je me souviens bien aussi de Café Muller et de Barbe Bleue  dont  j’ai montré les films  à des générations d’étudiants.
  Son idée magistrale de dans-théâtre aura influencé la danse contemporaine de façon indélébile- les petits gestes simples et fluides répétés en choeur, les marches lentes et glissées sur le plateau,des danseurs qui n’avaient pas toujours le corps que l’on aurait pu attendre d’un danseur,  ses décors souvent monumentaux, ses costumes impeccablement décalés: bref ,tout ce que beaucoup de spectacles théâtraux ne possédaient pas et qu’ele avait réusi à faire surgir à force de travail et d’imagination, mais aussi les sols recouverts de feuilles mortes,  etc.. et ces musiques décalées et jamais illustratives…

  . Les thèmes de ses pièces: entre autres et pour faire vite,l’expression de la solitude, les jeux de séduction entre hommes et de femmes,  l’évocation du passé et la nostalgie,  auront été pillés un peu partout, ce qui prouverait , s’il le fallait, l’influence qu’elle aura eu sur les chorégraphes du monde entier. Le monde de l’art, et le monde tout court ,doit beaucoup à cette petite femme énergique et impitoyable avec elle-même, qui avait une passion dévorante pour la création, qui aura réussi, avec et vérité, à réintroduire la parole dramatique dans la danse Il n’y aura eu aucun chorégraphe ni aucun metteur en scène de théâtre qui aura réussi une aussi belle fusion entre ces deux arts…

Dominique Mercy et tous ses danseurs doivent être bien tristes, mais aussi Gérard Violette, à qui nous devons  tant et  qui n’aurait sans doute pas imaginé une saison sans elle. Nous pensons à eux  et sommes à leurs côtés….

Philippe du Vignal

 

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