Plaisanteries: L’Ours et La Demande en mariage

Plaisanteries: L’Ours et La Demande en mariage d’Anton Tchekov.

Les deux petites pièces de Tchekov sont souvent jouées ensemble et Sophie Bauret a entrepris de les monter avec, évidemment les mêmes trois comédiens. L’Ours est l’histoire de cette veuve plaisanteries4b.jpginconsolable, pour laquelle la vie a perdu tout attrait toute en deuil, qui n’arrête pas de pleurnicher sur son défunt mari, même s’il la trompait copieusement et qui reçoit un propriétaire terrien qui vient lui réclamer une importante somme d’argent -deux traites de 1200 roubles-qui restait à devoir au moment du décès, et dont, dit-il, il a un besoin urgentissime. Mais elle ne peut pas disposer de cette somme  dans l’immédiat. Ce que  ce Grigori Stepanovitch  ne peut admettre,  et le ton monte vite entre les deux, d’autant qu’il n’est pas spécialement diplomate et entend régler l’affaire séance tenante. il crie , tempête, menace mais elle ne lâche rien et accepte de se battre en duel. Le valet qu’elle a appelé à l’aide pour le mettre dehors, n’est pas d’un grand secours…

  Mais, devant tant de détermination, la situation commence à  échapper à  Grigori.  » Le deuil vous va à ravir, lâche-t-il et on devine qu’il commence à être amoureux. Elle, après l’avoir traité de tous les noms, tombe vite dans ses bras. C’est écrit dans une langue simple mais toute en nuances que Sophie Bauret réussit à mettre en scène , malgré quelques petites facilités dans le jeu et  vulgarités dont elle aurait pu se passer ( du genre minauderies du valet qui en fait des tonnes , et petites bouteilles d »eau minérale en lieu et place de la vodka qui volent à travers la scène, costumes  et accessoires improbables)
La  Demande en mariage suit.  C’est encore, d’amour et de sentiments qu’il s’agit,  vu aussi du côté des petits propriétaires terriens que Tchekov connaissait bien. Elle est là, en train d’écosser des petits pois par une chaude après-midi d’été, et lui, un voisin un peu endimanché,  arrive et avoue à son père qu’il veut la demander en mariage. Un peu gêné et ne sachant comment trop aborder le sujet, il parle du temps, de la moisson, comme on fait dans ces cas-là,  et  il évoque , au passage, un champ qui appartient à sa famille. mais elle n’est pas d’accord du tout et lui déclare qu’il fait une grossière erreur, que ce champ en fait est depuis longtemps son bien.

  Là aussi, le ton monte vite mais elle est très déçue quand elle apprend qu’il est parti et le fait rappeler aussitôt; le père les sommera alors de se marier. Ce qu’ils feront bien entendu. C’est  écrit dans une langue merveilleuse, toute en nuances subtiles. Sophie Bauret, qui a pris le parti de renoncer à tout réalisme,embarque cette petite comédie, dans une espèce de mise en scène clownesque: Marie Viaz est habillée en grande jupe de mousseline bleu pâle, et on y va :  roulements d’yeux, gestes faciles, n’importe quoi considéré comme gagesque : tout tombe évidemment à plat. Maria Vaz qui était tout à fait bien dans L’Ours, est ici assez peu convaincante, comme les deux comédiens, Frédéric Imbard et Sylvain Favreuille, ils en font tous les trois les tonnes souhaitées par la metteuse en scène qui aurait dû avoir un minimum d’exigence, dans sa direction d’acteurs. Et mieux vaut oublier très vite les choses chichiteuses qui font office de scénographie..
Et évidemment, Tchekov, cela résiste, on n’en fait pas n’importe quoi sans y laisser des plumes et l’ensemble laisse donc le goût d’une expérimentation clownesque, assez douteuse, entre élèves d’un cours de théâtre,  quand ils cherchent des choses en privé qui, éventuellement, un jour peut-être, si tout va bien, pourra, et encore, être introduit dans un spectacle, à condition qu’un véritable metteur en scène contrôle les choses.. Mais , quand il y a un public, on peut toujours appeler cela Plaisanteries! , le compte n’y est pas du tout. On n’a pas le temps de s’ennuyer mais on sort de là quelque peu perplexe…. d’autant plus que le spectacle a remporté le 2 7 ème Prix  Coup de coeur du Club de la Presse d’Avignon en 2008. Intelligente Sophie Bauret, gardez l’énergie dont vous faites preuve et  ressaisissez -vous, reprenez tout à zéro,et entourez-vous d’un dramaturge et d’un scénographe… et  votre spectacle aura une autre allure….
A voir? Oui, pour Marie Viaz dans L’Ours mais vraiment , à éviter si vous appréciez Tchekov ;  essayez plutôt de voir, si vous êtes par là, le très tonique et très réjouissant  Vania à la campagne du Théâtre de l’Unité, mise en scène d’Hervée de Lafond et Jacques Livchine qui se balade cet été en Ardèche; allez, pour vous consoler, une petite pour la route:  » Ce sont les les vivants qui ferment les yeux des morts mais ce sont les morts qui ouvrent les yeux des vivants ». Merci, grand Anton, et n’oubliez pas justement le cortège en hommage à André Benedetto , le premier metteur en scène à avoir joué off en 1967 et disparu ce 13 juillet, qui partira du Palais des Papes jusqu’à son théâtre Place des Carmes   CE SOIR À  17 HEURES. ( Admirez au passage l’art de la transition duvignalesque)

Philippe du Vignal

Théâtre Le Grand Pavois, 13 rue la Bouquerie. Avignon.


Archive pour 17 juillet, 2009

La Pleurante des rues de Prague

La Pleurante des rues de Prague de Sylvie Germain, adaptation, conception, jeu  de Claire Ruppli.

photo3lapleurante.jpgC’est, l’histoire d’une rencontre avec une géante qui apparaît dans les rues de Prague,  écrit par l’auteure fort estimable qu’est Sophie Germain qui a vécu dans cette ville. Il y a dans ce très beau récit comme une sorte de mémoire de ce que la cité a pu vivre , de tous ses habitants disparus,  de Terezin, le camp nazi réservé aux artistes, dont le Théâtre de l’Unité avait su rendre le destin tragique il y a une dizaine d’années., mais aussi du fameux poète Bruno Schulz, froidement abattu dans  le dos , qui  avait écrit Les Boutiques de cannelle dont s’ était inspiré le grand artiste polonais Tadeusz Kantor.  Le texte est écrit dans une très belle langue, à la fois précise et musicale,  dont Claire Ruppli a écrit une adaptation, puis conçu une mise en scène puis enfin joué, seule dans une petite chapelle.
Cela commence plutôt mal: quelques minutes dans le noir , qui font présager le pire, mais, même si Claudel a écrit que le pire n’était pas toujours sûr, cette  fois le pire arrive:  une espèce de logorrhée insupportable avec une  mise en scène pathétique d’inexistence. Claire Ruppli est là dans ces quelques mètres carrés sous une voûte  où le son se réverbère, pieds nus en imperméable clair, à essayer de nous persuader du bien fondé de son entreprise. Et l’ennui tombe implacable pendant une heure qui en parait presque deux. Il y a bien quelques petits effets sonores intéressants, en particulier ceux d’une gare d’autrefois qui n’auraient pas déplu à  Znorko, le metteur en scène marseillais. Mais cela ne fait pas évidemment  un spectacle….

  Décidément , les chapelles , grandes ( hier pour Le Sermon sur la Mort de Bossuet), aujourd’hui pour cette Pleurante) ne portent pas chance aux monologues! On veut bien que Claire Ruppli, après quelques nuits passées à lire et à relire le texte de Sylvie Germain, ait eu envie de faire passer cette écriture au théâtre, mais, une fois dissipée cette espèce de fièvre qui peut tous nous prendre après une lecture, comment cette comédienne n’a-t-elle pas eu l’intuition qu’elle faisait fausse route? Le mystère reste entier mais, en tout cas, c’est le public qui paye cher  ce manque de lucidité…. et cette bêtise théâtrale Alors, à voir? Oui, si voulez être bien au frais pendant une heure, mais il vaut mieux être  un peu moins au frais et libre de partir quand vous voulez, dans le merveilleux jardin qui jouxte la Chapelle…

Philippe du Vignal

Théâtre des Halles, à 17 heures , jusqu’au 30 juillet.

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LA PLEURANTE DES RUES DE PRAGUE  Théâtre des Halles 16 juillet De Sylvie Germain, adaptation, conception et jeu de Claire Ruppli

Echouée au Théâtre des Halles après avoir raté une pièce de Dominique Paquet, je n’ai rien compris à ce monologue sur Prague, hormis un passage sur une envolée de cygnes. 

Edith Rappoport

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