L’Oral et Hardi

L’Oral et Hardi, allocution poétique, textes de Jean-Pierre Verheggen, texte et mise en scène de Jacques Bonnaffé.

image22.jpgC’est la reprise du spectacle que Jacques Bonnafé  avait donné en 2007 à la Maison de la Poésie;. Toujours aussi magnifique et aussi  jubilatoire. Il est là , seul, près de la scène dans la salle proposant aux spectateurs qui entrent « de prendre un verre après le spectacle ou tout de suite comme cela ce sera fait »… Et le feu d’artifice commence! N’ayant pas le temps  d’être  mal, je serai peut-être un peu long ». Bonnaffé s’en prend à tout et à n’importe quoi, d’abord à l’abribus qui occupe le trottoir juste devant le théâtre, et puis le ton monte ,dans un délire verbal rarement atteint. Calembours au premier ou au second degré, jeux sur la langue qui, dit-il, dans un énorme mensonge ,  lui échappe depuis toujours…jusqu’à l’absurde et au  poétique le plus délicieux.
Au hasard de ses petites impros ou des morceaux choisis de son complice Verheggen:  « vers l’avenir qui les attend de pied ferme » Rotule as-tu du genou,grande question qui nous questionne », » Absinthe , mère de Dieu ». Et tout d’un coup, dans une envolée lyrique, Bonnafé se met à parodier Malraux quand il prononçait sa fameuse oraison funèbre de Jean Moulin.Pour aussitôt prendre le ton du candidat politique en campagne électorale du genre:  » Je ne vous ai pas coupé quand vous m’écoutiez  » ou « content de vous rencontrer , glisse-t-il à quelques spectateurs en leur serrant la main d’air patelin et en glissant en aparté, très content de lui,: « J’ai salué l’opposition ». Le public ne boude pas son plaisir, surtout quand il reprend la désormais célèbre bourde raciste du génial  Hortefeux: « Tant qu’il y en a un,  cela va, c’est quand ils sont nombreux!
 » Au niveau du vécu, le top manager doit ménager sa mouture » , bref, Bonnaffé n’hésite pas à faire flêche de tout bois et à s’obstiner dans un dérapage verbal… parfaitement contrôlé, avec une diction et une gestuelle absolument impeccables,sans jamais tomber dans la facilité . Rien chez lui n’est en effet laissé au hasard, même et surtout quand il semble complètement perdu. Il y a peu de comédiens qui maîtrisent aussi bien cet art du monologue qui est un des fleurons du théâtre français. Et l’un des grand moments du s
image1.jpgpectacle est cette récitation ampoulée et faussement lyrique d’un poème  de Marcelline Desbordes- Valmore.
Il s’en prend aussi gentiment à notre consoeur du Monde Salino et à Jean d’Ormesson, s’emmèle les pinceaux dans les noms propres et parle du zappeur Camembert, et de Bernadette Soupirail… Il faut parfois être un peu de la paroisse mais les références sont suffisamment nombreuses pour que chacun y trouve son compte, qu’il soit parisien ou non.Un autre grand moment est celui où il se lance dans une auto-critique à la troisième personne dans le style et  sur le ton des commentateurs de matchs de foot. « Il lit le texte écrit sur la petite estrade. Quelle déception… Ce sont des images que l’on n’a pas envie de revoir ».
Et  Jacques Bonnaffé, seul en scène pendant une heure et quart,  n’a aucun accessoire autre qu’un caddie encombré de bouteilles mais il possède un tel savoir-faire qu’il réussit en quelques phrases à embarquer son public pour l’emmener là où il veut. Aucun cabotinage comme parfois chez Raymond Devos;c’est à la fois aussi intelligent que jubilatoire,et on l’a dit, les spectateurs sont ravis, même si deux fausses fins auraient pu  sans doute passer à la trappe. Mais c’est bien le seul  petit bémol que l’on peut mettre à la mise en scène de ce spectacle  magnifique.
Alors à voir? OUI, trois fois oui; on reproche assez au théâtre contemporain , et souvent avec raison , une certaine morosité, pour ne pas se précipiter à cet Oral et Hardi. Mais faites vite, c’est très très plein…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Bastille à 21 heures, jusqu’au 9 octobre.

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L’ORAL ET HARDI  par Edith Rappoport . Allocution poétique de Jean-Pierre Verheggen, mise en scène et jeu de Jacques Bonnaffé

 

C’est  à un numéro d’équilibriste fascinant auquel se livre ce magicien de la parole qu’est Jacques Bonnaffé.  Jamais je n’avais éprouvé cet étonnement devant la mémoire d’un acteur se livrant à un tel déluge de mots, pour porter le verbe de Verheggen « handicapé de la langue, handicapé de naissance ». Bonnaffé se livre totalement, avec une très grande maîtrise et une splendide simplicité dans ces langues du terroir du Nord, de la Belgique et d’ailleurs, il a de beaux métissages linguistiques. On rit  parfois à gorge déployée, c’est beau, ça fait du bien. Qui disait que pour aller bien, il fallait rire au moins dix minutes par jour ?

 


Archive pour 23 septembre, 2009

L’Avare

L’Avare de Molière à la Comédie-Française

gpravare0910.jpgCatherine Hiegel qui met en scène l’Avare, conçoit Harpagon, personnage devenu synonyme de l’avarice, joyeux, heureux. Il adore, au sens propre, son argent, il en jouit paroxystiquement et lui sacrifie tout.
Un bonheur à la fois réel de posséder l’argent et potentiel d’avoir tout grâce à l’argent. Le problème, et ce qui fait ce personnage pathétique et tragique, c’est qu’il n’aura rien, incapable qu’il est de se séparer de son trésor.
Catherine Hiegel situe cette farce horrible dans un décor conçu par Goury : entrée monumentale d’un hôtel particulier, dominé par un imposant escalier descendant derrière vers le jardin et montant vers un balcon. Ce lieu de privation, aux murs nus, est complètement vidé de tout objet, de toute décoration, telle une prison.
Traitant la pièce comme métaphore, l’image emblématique et intemporelle de l’avarice, Catherine Hiegel ne cherche pas à l’extraire de son époque d’origine ni à l’actualiser. De sorte qu’elle conserve les costumes d’époque, soigneusement reproduits : Harpagon très strict, tout en noir, Frosine en robe noire, chapeau et bandeau sur un œil, les valets en costumes loqueteux. En cohérence avec l’option de l’intemporalité Harpagon, joué par Denis Podalydès, ni vieux ni jeune, tient d’un personnage de bande dessinée, rappelant souvent aussi Louis de Funès par la gestuelle et les expressions extrêmement vives, agitées. Il fait en effet un Harpagon « joyeux », farcesque, à la frontière du clownesque, il court, il rit, il danse, parfois à l’excès.
Le rythme rapide, l’agitation nerveuse, sont imprimés au jeu de l’ensemble des personnages. Le comique, les gags, les chutes, collisions, coups de canne, etc. s’inspirent du cinéma muet chaplinesque.
Une distribution cohérente qui tient sans peine cette convention du jeu, excepté peut-être Suliane Brahim en Élise peu audible et parfois mal assurée.
Un spectacle de bonne facture, agréable à voir, même s’il n’apporte pas une lecture neuve ni singulière à la montagne des exégèses de la pièce.

Irène Sadowska Guillon

l‘Avare de Molière
mise en scène Catherine Hiegel
Comédie-Française — salle Richelieu
du 19 septembre 2009 aux 21 février 2010, en alternance.

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