L’européenne
L’européenne de David Lescot
mise en scène de l’auteur au Théâtre des Abbesses à Paris.
David Lescot est auteur, acteur, metteur en scène et musicien. Il aime intégrer la musique dans ses spectacles. Ce qu’il fait aussi dans L’Européenne, une pièce musicale et polyglotte, « spectacle – dit-il – en plusieurs langues, sans surtitrage, joué, parlé et chanté, qui mêle les formes et pose à travers la question du jouer ensemble la question du vivre ensemble en Europe. »
Trois musiciens qui jouent aussi la comédie et neuf acteurs de nationalités, cultures et langues différentes : français, italiens, portugais, bulgare, forment ici une communauté artistique, échantillon de la Communauté Européenne.
À travers l’anecdote : comment se comprendre, comment créer ensemble un nouvel hymne européen « l’Européenne » qui remplacerait « l’Hymne à la joie » de Beethoven, David Lescot met en scène la métaphore du chantier d’une utopie pour l’Europe de demain. Le spectacle démarre par l’évocation de « l’armée » de traducteurs traduisant dans les assemblées européennes 23 langues différentes.
Puis surgit une troupe hétéroclite d’artistes musiciens, comédiens et chanteurs, qui, sous la baguette d’un compositeur, tenteront d’inventer un nouvel hymne européen.
On a la trame musicale mais pas de texte qui remplacerait celui de Schiller. Comment construire un texte et en quelle langue ? Un texte qui ne serait pas suspect d’hégémonie, d’exclusion ou de préférences quelconques, bref qui tout en étant commun, exprimerait les différences. Question insoluble.
Débats, controverses, polémiques surgissent, les langues : le français, l’italien, le portugais, le slovaque, le bulgare, l’allemand se mêlent, s’entrechoquent, se confondent dans une cacophonie chaotique. Comment concilier les différences, intégrer le passé sans oublier les conflits et les horreurs des guerres, résoudre les différends d’aujourd’hui pour arriver à former un chœur harmonieux ?
On accouche enfin du premier couplet se réduisant au mot « Europe » puis le second couplet « pan Europa », ce qui amène la plaisanterie « Europe en panne ». L’humour d’ailleurs ne manque pas dans le spectacle. Dommage qu’il soit souvent au ras du sol, réduit à des plaisanteries simplistes et à des clichés sur les ratages européens, appuyés, répétés avec insistance, comme par exemple l’allusion au référendum (oui – non), à la Constitution et au Traité de Lisbonne.
David Lescot a réussi dans le spectacle une parfaite adéquation de la forme et du contenu en orchestrant sur le plateau, avec une remarquable maîtrise, la diversité des langues, des musiques, des tempéraments, des identités culturelles. Réussi aussi son pari de ne pas passer par un système de surtitrage, mais d’intégrer la traduction dans le spectacle en la théâtralisant : le personnage de l’interprète italien ayant pour fonction de traduire une partie de ce que disent les autres.
À dessein peut-être, comme reflet des identités culturelles différentes, pas d’harmonie dans le jeu : assez raide et criard chez les acteurs français, spontané, souple, naturel chez les Italiens et les Portugais.
À travers la métaphore de la mise en œuvre difficile de l’hymne européen se dégage une utopie possible pour l’Europe non pas comme une architecture bureaucratique mais comme une communauté humaine qui se construirait dans un effort de compréhension mutuelle.
Irène Sadowska Guillon
L’Européenne de et mise en scène par David Lescot
Théâtre des Abbesses à Paris
du 22 septembre au 7 octobre 2009
réservations 01 42 74 22 77
Le texte de la pièce est publié aux Éditions Actes Sud Papiers
Allez la voir !