Zoom…
Zoom
le point de vue de Christine Friedel
Le zoom, c’est une affaire de regard, un regard venu de loin, venu de pas de regard du tout, qui plonge au fond des yeux de … Elle, la mère de Burt, venue à la réunion avec le prof de bio, l’innocente aux mains vides et au parler et au rire francs. Du coup, en effet, on l’entend. Elle attend, elle parle. De son Burt, ado un peu gros, un peu “difficile“, d’elle, plus muette du tout, de la misère et de son rêve d’Hollywood, puisque l’enfant a été conçu au cinéma Le Rio, devant la projection de Tant qu’il y aura des hommes. Elle raconte ce que les autres appellent “l’ échec scolaire“, les castings désolants pour son fils, la solitude, les efforts inouïs pour sortir de la petite boîte où l’on enferme les classes “modestes“, le fait-divers … Et elle rit. Jusqu’au jour où, jusqu’au jour où… Et si le petit finissait par trouver ce qu’il voulait, comblant ainsi malgré elle le rêve de sa mère ? L’écriture de la pièce a été expérimentée avec une classe de troisième : les adolescents y attraperont au vol ce que leurs congénères ont lancé dans le texte, la peur de ne pas faire plaisir à leur mère, la révolte contre cette peur, par exemple. Et au bout du compte la fierté partagée.
Le texte de Gilles Granouillet déborde d’une fantaisie qui tape juste : il faut de l’excès et de l’invraisemblable pour arriver aux vérités difficiles à avaler, celle de l’injustice, de la misère, de l’intoxication par l’image. Et à d’autres que les belles âmes oublient parfois : la grâce de ceux qui n’ont rien et qui s’en sortent par le haut, par le rire et la fantaisie, l’espoir qui se perd et se replace obstinément là où il peut croître et embellir.
La scénographie – la salle de classe où l’on attend le prof – offre un terrain parfait aux élans, aux fuites et aux rebonds de Linda Chaïb. Celle-ci produit une énergie de cocotte-minute, parfois trop, jusqu’à l’emballement, ce qui fait patiner le texte. Mais la mère de Burt peut-elle prendre le temps de respirer ?
Christine Friedel
À la Cartoucherie de Vincennes, théâtre de l’Aquarium, jusqu’u 25 octobre. À signaler : deux représentations le samedi (16h et 20h30). Mise en scène François Rancillac.