Un papillon qui bat des ailes

 Un papillon qui bat des ailes à New-York peut-il provoquer un typhon à Pékin ? d’Antonio Tabucchi, mise en scène Thierry Atlan.

Deux hommes se retrouvent autour d’un bar, l’un est un inspecteur de police qui vient de prendre sa retraite, l’autre Leonardo Marino dit Papillon, ancien ouvrier de la FIAT compromis avec Lotta Continua,  a fait fortune après avoir dénoncé à tort ses anciens complices qui sont toujours en prison. On remonte dans le temps: l’inspecteur tisse habilement sa toile autour de cet ouvrier massif, un peu naïf et pourtant inquiet de cette vilaine dénonciation qu’on lui demande. Cette machination policière est exécutée sur le fil du rasoir par Yves Arnault, massif  et quelque peu naïf Papillon et par Patrick Paroux plus vrai que nature, aux antipodes de la caricature. Même si l’on n’apprécie guère les romans ou les films policiers, on  reste saisi !

Edith Rappoport

 

Théâtre du Lucernaire


Archive pour octobre, 2009

Les Translatines 2009

Les Translatines 2009
Festival de théâtre franco-ibérique et latino-américain
Bayonne Biarritz, du 15 au 24 octobre 2009
Vitrine de la création argentine
.

 

À l’affiche de l’édition 2009 des Translatines , l’Argentine à travers trois générations d’artistes depuis ses créateurs emblématiques comme Eduardo Pavlovsky aux jeunes comme Claudio Tolcachir. Des inventeurs de nouvelles formes, de nouveaux rapports au public, des briseurs de frontières entre les arts.

Face à toutes sortes d’adversités : crise politique, économique, pénurie, absence de moyens matériels et financiers, les artistes argentins non seulement résistent mais encore démultiplient l’invention, l’énergie créatrice. On a pu voir aux «Translatines» 2009 quelques échantillons de la création théâtrale argentine actuelle d’une vitalité et d’une modernité surprenante.

Un couac cependant dans cette belle vitrine. Dans la grande tradition populaire du conte et de la marionnette,  En camino de Sergio Mercurio, marionnettiste et grand arpenteur de l’Amérique Latine, était décevant. On s’attendait à entendre et voir interpréter par l’acteur et ses marionnettes des histoires de la vie quotidienne collectées au gré de ses voyages. Or, même si l’on apprécie les efforts de Sergio Mercurio, pour jouer en français, on peut qualifier son spectacle  de simpliste, donnant dans la facilité, troquant l’humour contre le rire parfois lourd et gras. Les interpellations du public pesantes, répétitives, interminables, le jeu et les dialogues avec trois marionnettes de taille différente: Bobi, grand-mère Margarita et l’ivrogne Beto, dans le style d’un théâtre de foire médiocre. Une demi-déception avec Potestad d’Eduardo Pavlovsky, auteur et acteur, figure emblématique du théâtre argentin. Potestad, grand classique dans son pays, traduite et jouée dans le monde entier, est inspirée par les enlèvements des enfants des opposants à la dictature militaire en Argentine.

  Un couple, un médecin et sa femme, ont « récupéré » et élevé une fille de jeunes parents assassinés, qu’on vient leur reprendre à l’âge de 15 ans, après la fin de la dictature. Une pièce forte qui aborde cette problématique d’un point de vue peu fréquent. Malheureusement, la mise en scène de Norman Brinski est inexistante et Eduardo Pavlovsky, mal ou pas du tout dirigé, tantôt histrionique, tantôt mélodramatique, cabotine et improvise inutilement, bref fait un numéro d’acteur dans le style du cinéma italien réaliste des années 1960. Du coup, il désamorce la force, la violence,tragique, et le suspense de la pièce et Susana Evans, son interlocutrice quasi muette, a du mal à exister sur le plateau.

  En revanche, la jeune génération d’auteurs et de metteurs en scène, sans rompre avec la tradition argentine du grotesque et du réalisme fantastique, innove et propose des formes et un langage scénique personnel qui ne cherchent pas à se mouler dans les tendances dominantes ni dans l’apparat technologique de la modernité. Parmi les créations argentines présentées,  une seule recourt à l’usage des projections qui, dans ce cas, constituent un élément nécessaire sur le  plan dramaturgique. fotodolorexquisito3.jpgIl s’agit de Dolor exquisito d’Emilio Garcia Wehbi, actuel directeur de la compagnie Periferico de Objectos, plasticien et metteur en scène, dont la dramaturgie et la mise en scène s’inspirent ici de l’œuvre de Sophie Calle. Sur le  même thème de la rupture amoureuse et de la reconstruction, Emilio Garcia Wehbi ,s’  approprie l’idée et la trame  du travail de l’artiste mais en les sortant du contexte nombriliste d’origine pour les confronter à des douleurs , à des souffrances de personnes anonymes, infiniment plus terribles et graves : décès, pertes, disparitions. En plasticien et  homme de théâtre, Garcia Wehbi met en œuvre un langage scénique où s’opère une alchimie entre images, effets visuels, sonores, mannequin, paroles et corps de l’actrice.  Sur le plateau , côté jardin , une chaise avec un mannequin blanc sur la figure duquel on projette les visages des personnes qui racontent leurs drames, côté cour , la chaise de l’actrice, plus loin une armoire vitrine avec des objets, témoins du voyage d’Elle au Japon, et en fond de scène, un grand écran où sont projetées des photos de divers lieux à Tokyo , alors qu’Elle (Maricel Alvarez) raconte les 90 jours de son séjour dans la capitale japonaise, l’attente du rendez-vous à New Delhi avec l’homme qu’elle aime, qui ne viendra pas , prétextant un panaris et qui rompra avec Elle. Douleur de la rupture incompréhensible qu’Elle va surmonter petit à petit au terme de 99 jours d’un parcours de reconstruction. Dans son histoire , s’inscrivent de brefs récits des drames, des pertes, racontés en voix off. Une excellente maîtrise de la dramaturgie scénique, une remarquable prestation de  Maricel Alvarez, un usage juste et intelligent de la vidéo.

   Cofondateur avec Emilio Garcia Wehbi du groupe Periferico de Objectos, Daniel Veronese, auteur et metteur en scène, est accueilli aujourd’hui dans les plus grands festivals et théâtres européens. Après des versions très personnelles d’ Oncle Vania et des Trois sœurs de Tchekhov, présentées ces dernières années à la MC 93 de Bobigny, il revient avec des réécritures originales : Le développement de la civilisation à venir d’après Maison de poupée et Tous les grands gouvernements ont évité le théâtre intime d’après Hedda Gabler, deux pièces icônes d’Ibsen.
Créés avec un même groupe de dix acteurs,  les deux spectacles se jouent aussi  dans un même dispositif scénique : trois murs en trapèze délimitant l’intérieur d’une maison, une table, des chaises, un canapé, et sur le mur du fond ,une fenêtre et une porte de chaque côté. Dans cette version de Maison de poupée,  Daniel Veronese suit, en condensant les faits essentiels, la pièce d’Ibsen,  en  passant par le double prisme du film d’Ingmar Bergman  (Cris et chuchotements) et de notre regard d’aujourd’hui. Il dégage ainsi du contexte l’époque , la relation du couple emprisonné dans le carcan de la morale et des principes de la société bourgeoise, qu’il éclaire de la vision bergmanienne des années 1960 et d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui a changé dans le comportement des personnages ? Dans quelle mesure se sont-ils libérés du poids de la morale, des codes et des contraintes sociaux ? Quel nouveau type de relations dans le couple et du couple  dans son environnement social est-il  en train de se mettre en place ? Nora va-t-elle partir ou accepter de composer avec la réalité ?

  Les rapports entre les personnages sont ramenés à l’essentiel et Daniel Veronese introduit   quelques chnagements: par exemple,  le médecin  est une femme. Dans la scène finale , les mains de Nora et d’ Helmer  se rejoignent sur les clefs de la maison. Les cinq acteurs en costumes contemporains, éblouissants dans le registre d’un jeu réaliste sans cesse déstabilisé et décalé par la dérision. La  mise en scène est irréprochable, comme  le  rythme et la tension dramatique . Et  Hedda Gabler est de la même tenue. Décor identique   mais avec ,en plus,  un harmonium. On fait allusion au décor de Maison de poupée mais le nouveau  titre  est aussi évoqué à plusieurs reprises.

  Théâtre des apparences,  jeu social et ambition, envie de réussite personnelle,  tourmente intime :les êtres s’affrontent comme chez Ibsen. Avec naturel , des acteurs virtuoses jouent  de ruptures du ton, et se tiennent toujours sur le fil entre tragique, cynisme dérisoire et  grotesque. Daniel Veronese crée ici un grand théâtre de règlement de comptes avec ce qui nous étouffe, ce qui limite notre liberté et qui nous empêche de nous réaliser.

  Rafael Spregelburd, auteur et  metteur en scène, dont on voit régulièrement des pièces montées en France ( en particulier  par Martial di Fonzo Bo),  a présenté sa dernière création Buenos Aires qui s’inscrit dans la tradition du réalisme grotesque  et qui tient en même temps de l’esprit d’esperpento de Valle Inclan. Un Anglais du Pays de Galles  qui a tout perdu ,arrive à Buenos Aires, une ville dont il ignore tout y compris la langue, vit de petits trafics  puis  se trouve entraîné dans  des arnaques  absurdes, comme cette escroquerie mise en œuvre par des locataires plus ou moins en règle d’une maison à vendre,  où se rencontrent fortuitement un professeur de physique en chômage, une jeune peintre, une agent immobilière. Il s’agit de vendre à la NASA la formule permettant de transformer l’eau de mer en eau potable que le professeur prétend avoir découvert et caché dans le tableau de Munch Le cri qui a été volé. Qu’à cela ne tienne, la jeune peintre fabrique une copie du Cri. Mais on attendra en vain la réponse de la NASA…

  La  mise en scène est économe en moyens.: deux cloisons représentent l’intérieur d’une maison avec  une table, quatre chaises,  une valise et quelques accessoires. L’anglais, parfois le gaélique, du jeune Gallois (en voix off, on entend ses pensées intimes) se mêle à l’espagnol des Argentins. Le jeu réaliste amplifie encore le comique et l’absurde des situations. Mais  cela manque d’envergure, d’enjeu fort et la pièce s’appesantit vers la fin.    

  Claudio Tolcachir fait partie de ces artistes de la jeune génération que la crise  a amené à faire du théâtre dans des petits lieux récupérés , voire  dans leur propre maison. Après le succès international, pas vraiment mérité, de sa première pièce Le cas de la famille Coleman, il revient avec sa seconde pièce Tercer cuerpo qu’il a mis en scène avec sa compagnie Timbre 4. Un seul espace pour quatre lieux : le bureau d’une administration oubliée, la maison d’un couple, un bar et un cabinet médical. Dans cet espace hybride,  se croisent la vie de cinq personnages à la dérive : Sandra, abandonnée par son mari et qui veut avoir un enfant pour combler ce vide, Moni  qui n’a plus de domicile et vit dans le bureau à l’insu de ses collègues, Hector  qui ,après la mort de sa mère,  commence à dévoiler son homosexualité, Manuel et Sofia, un jeune couple dont l’irruption dans le bureau bouleverse les rapports, en apparence stables, entre l ces employés. Bre, une petite société d’êtres  dissemblables, pourtant tous reliés par la solitude, que chacun cache et par la peur, peur de soi, de l’autre, de demain, du chef..

  Le  décor encombrant est réaliste jusqu’au moindre détail : panneaux figurant un appartement, deux portes, une fenêtre, une table, trois chaises, un canapé, deux bureaux, des étagères, des placards, du matériel de bureau, des téléphones, etc… Mais Claudio Tolcachir réussit à faire s’enchaîner  les brèves séquences et à croiser les  histoires deschaque personnage. Le jeu réaliste se teinte de grotesque et d’humour noir.  Claudio Tolcachir fait preuve d’une plus grande maturité et d’une maîtrise plus rigoureuse de la dramaturgie. C’est sans doute un jeune metteur en scène à suivre.

  On perçoit dans l’ensemble des créations de ces artistes argentins la persistance d’ éléments traumatiques de la dictature et de la post-dictature. Sur le plan formel et esthétique,  le lien avec la tradition théâtrale reste toujours assez fort et le parti pris de la trans-théâtralisation et du débordement dans le politique marquent de plus en plus la jeune création  ancrée à la fois dans la réalité argentine et universelle. odisea14.jpg

  On a pu voir aussi la nouvelle création de Cesar Brie et du Teatro de los Andes de Bolivie,  avec une version éminemment politique de l’Odyssée. Ulysse et ses compagnons sont ici des  migrants d’aujourd’hui, arrachés de leur pays par les guerres, la misère, la persécution,  qui cherchent un port d’attache, mais qui ont peu d’espoir de retrouver un jour leur Ithaque.   

  Ils viennnent  d’Amérique Latine, d’Afrique, d’Iran, d’Irak, d’Afghanistan… sans papiers et sans avenir, et Cesar Brie retrace leur voyage sans fin. Comme toujours chez Cesar Brie , il y a une réelle économie de moyens : un plateau nu,  avec des grandes tiges de bambou mobiles, reliées entre elles, formant comme des rideaux dont les mouvements délimitent l’espace. Quelques accessoires : un tapis aussi en bambou qui figure le bateau d’Ulysse,  et une tapisserie, dans la scène chez Circé, représente deux amants dans le style du Kama Sutra.

  Neuf facteurs,  à la fois danseurs, chanteurs et musiciens, jouent tous les personnages. Les costumes colorés, de type populaire, avec des références , latino-américaines, asiatiques, arabes, sont un trait d’union entre l’univers mythique de l’Odyssée et le monde contemporain. Les étapes du voyage d’Ulysse et ses aventures ont en même temps une résonance contemporaine. Le Cyclope est un passeur drogué et un dealer, qui , après les avoir fait payer pour passer en Amérique du Nord, jette les compagnons d’Ulysse du train. Ulysse lui crève son œil avec une bouteille cassée. On traverse ainsi les épisodes de Calypso, de Circé, de Nausicaa, des vaches sacrées du Soleil qui se transforment en douanières et en police des frontières. Les hommes d’Ulysse changés en porcs (cochons consommateurs) boivent du Coca-Cola et s’empiffrent avec voracité de hamburgers. Les musiciens (petite guitare, violon, percussions, accordéon) interviennent dans le jeu. 

  La mise en scène est très solide et les séquences s’enchaînent instantanément,. Quant aux acteurs, ils  ont une  perfection technique, et une vérité incomparable: on est là devant un miracle théâtral aussi bien pour  l’adaptation que pour  la dramaturgie .L’humour, la poésie, le récit d’aventures mythiques, s’imprègnent sans cesse de la réalité tragique, atroce, de notre monde dit civilisé. Une réalité terrifiante dont Cesar Brie nous a montré un échantillon dans son film documentaire Humilliados y ofendidos (Humiliés et offensés) sur l’émancipation des Indiens ,  le racisme dont ils font l’objet en Bolivie et le silence de la population terrorisée. Un film qui lui a valu des agressions dont il a été victime dans son pays…

 

Irène Sadowska Guillon

Les deux spectacles de Daniel Veronese seront joués : en octobre,  à Gradignan; en novembre à Boulazac, à la Scène Nationale du Petit Quevilly et à La Rose des Vents à Villeneuve-d’Ascq.

UNE ÉCHELLE, VITE UNE ÉCHELLE

UNE ÉCHELLE, VITE UNE ÉCHELLE .
D’après Nicolas Gogol, conception et mise en scène d’Yves Chevallier, avec Michel Sigalla.

Nous sommes assis en U, autour de tables recouvertes de nappes blanches, nous avons chacun un carton avec le nom d’un écrivain russe, le mien c’est Boulgakov . Et voilà qu’un énergumène en robe de chambre bariolée surgit de dessous la table; trop excité , au début avec Le journal d’un fou,  il finit par trouver un bon rythme devant son auditoire qui ne décroche pas une seconde, avec l’évocation du Nez, du Manteau dans Les nouvelles de Petersbourg, du Revizor, des Âmes mortes… C’est en fin de compte un beau voyage dans l’œuvre de cet auteur capital qui dépeint la bêtise et l’égoïsme de la bourgeoisie et des fonctionnaires russes du XIXe siècle.

  Avec un public constamment en pleine lumière dans ce hall blanc du Théâtre du Chaudron, cet exercice solitaire est périlleux, mais largement apprécié par le public,  même  si nous ne sommes qu’une quarantaine.  Nous  sommes  heureux de retrouver Anne-Marie Choisne la directrice qui n’a pas eu le droit d’accueillir un seul spectacle depuis deux ans, c’est elle qui nous sert un agréable bortch. Cette belle deuxième mi-temps rachète les imperfections d’une reprise trop rapide…

Edith Rappoport

 

Théâtre du Chaudron; Cartoucherie de Vincennes.

Paroles d’acteurs: Meeting Massera

 Paroles d’acteurs: Meeting Massera de Jean-Charles Massera, mise en scène de Jean-Pierre Vincent.

  Jean-Charles Massera écrivain et critique d’art, a écrit aussi quelques textes qui ont été vite repérés par les metteurs en scène, en particulier par Myriam Marzouki qui avait brillamment  monté l’an passé  à la Maison de la Poésie United Problems of coût de la main d’oeuvre où l’auteur se délectait à dénoncer l’espèce de langue de bois de la communication politique ; l’oralité devenant  l’élément essentiel du spectacle. Cette fois, c’est Jean-Pierre Vincent qui s’y colle avec un autre texte de Massera.

  Une scène vide éclairée par des tubes fluo blanc cru, une longue rangée de tables pliantes comme on en voit dans toutes les conférences, ave ces bouteilles d’eau minérale tous les mètres et cinq acteurs et cinq actrices  tous habillés de noir. Massera imagine que l’on est en 2016 : les avions chinois et irakiens ont bombardé Paris; colère de la France qui accuse la Nouvelle Zélande et les Pays Bas d’avoir facilité l’opération mais les territoires d’Outre Mer soutiennent l’opération…. En 2017, les Corses veulent rattacher Antibes et Nice à la république corse. Et, décidément, côté politique, rien n’est plus dans l’axe, puisque plus de 250.000 faux touristes français envahissent la Suisse :  la presse cantonale du Valais a  d’ailleurs pris le relais pour exprimer le grave mécontentement des populations locales devant ces hordes de réfugiés sales et en mauvais état de santé; la Suisse est donc obligée de procéder à des contrôles renforcés à ses frontières , et d’établir des règles très  compliquées d’admission pour les véhicules qui tiennent compte des distances parcourues et du poids des véhicules , tandis que se met en place une association d’aide aux touristes d’origine française…

  Il y a également un centre d’aide aux personnes emmitouflées et chargées de sacs en plastique. Il est question aussi de jeunes femmes kosovar  qui doivent gagner 280 euros et payer  120 euros de charges sociales et des nombreux textes de loi auxquelles elles doivent se soumettre pour se prostituer légalement  dans l’esprit de la constitution.

  On détaille aussi les quelques thèmes abordés dans un questionnaire qui a pour titre: Etes-vous provençalophobe remis avec le programme  du genre:  » je me sentirais mal à l’aise si j’apprenais qu’une ou un de mes ami(e)s est provençal ou provençale ». ou  » je me sentirais nerveux ( nerveuse) dans un groupe de personnes provençales. » La charge de Jean-Charles Massera , on l’aura compris , ne fait pas dans la dentelle, et se réfère à l’actualité la plus immédiate et c’est à coups de petits phrases insidieuses qui se répètent sans  être absolument  identiques que l’auteur enfonce le clou là où cela fait mal: question identitaire, xénophobie, misère physique, repli sur soi, impossibilité de construire en Europe une politique cohérente quant à l’immigration. C’est la plupart du temps brillant parfois un peu facile et/ou systématique ,comme avec cette allusion évidente au « fils de. »…

  Enfin, si M. Hortefeux voulait bien se faire conduire par son chauffeur jusqu’à la Cité Universitaire, ( aucun risque mais sait-on jamais! ) , cela lui  éclaircirait peut-être les idées et lui éviterait (on en doute) de  continuer à prononcer des phrases aussi stupides que racistes….. Comme les comédiens sont impeccables-diction parfaite, maîtrise du plateau indéniable,-et  comme  Jean-Pierre Vincent est un formidable directeur d’acteurs et un metteur en scène rigoureux,  la satire de Massera vise juste ,  même si , sur le plan politique, cela ne vole pas toujours très haut et ne peut prêcher que des convaincus. lI est seulement dommage que le spectacle n’en finisse pas de finir et que cette heure et demi soit un peu estouffadou comme on dit justement en provençal, même si la langue de Massera  toute en arabesques est  souvent remarquable . Mais la virtuosité  de cette parodie devient vite lassante . 

  Cette piqûre de rappel sur les désordres actuels de l’Europe et sur la xénophobie n’est pas sans doute pas inutile.  Démesurée la satire? Pas tant que cela. La preuve par neuf:  j’ai rencontré  hier  au spectacle une amie qui se régalait d’entendre le texte: elle me racontait, en provençale  qui ne renie en rien ses origines, même si elle habite et enseigne dans l’Est de la France depuis trente ans , qu’on lui demandait parfois  combien de temps elle entendait encore rester….  L’hiver n’est pas encore arrivé,  mais cela fait froid dans le dos. Vive la France!

Philippe du Vignal

Théâtre de la Cité Universitaire jusqu’au 31 octobre.

les cousins

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La Panique

 La Panique de Rafael Spregelburd, mise en scène de Pierre Maillet et Marcial di Fonzo Bo.

128892g333851.jpgRafael Spregelburd est cet écrivain argentin dont La Estupidez (La Connerie)  avait connu un succès certain l’an passé au Théâtre national de Chaillot; le second opus : La Paranoïa, créé en octobre dernier dans ce même théâtre,  bien ficelé par Marcial di Fonzo Bo et Elise Vigier  n’était quand même pas très convaincant, en partie à cause d’un d’un scénario difficile et d’un texte disproportionné (deux  heures vingt sans entracte! ) par rapport au propos.

La Panique a été initialement écrit pour et avec les élèves du Conservatoire de Buenos Aires; cette panique est la cinquième d’une série de sept pièces indépendantes groupées sous le nom de Hepatlogie de Hieronymus Bosch qui est censée s’inspirer de La Ronde des sept péchés capitaux.. On prend soin de nous prévenir que  » fasciné par son caractère ludique et par le fait que les clés de sa compréhension ne soient pas immédiatement accessibles, Rafael Sregelburd a conçu l’idée d’une heptalogie de pièces indépendantes mais qui, comme le tableau, peuvent être parcourues dans l’ensemble. Chaque pièce est associée à un péché, mais comme dans le tableau, sa lecture n’est pas immédiate. » (Sic! ).  Nous voilà prévenus de ce qui nous attend; en fait, ce sont des petites scènes , sans beaucoup de chair ,de la vie quotidienne, assez bien jouées par de jeunes comédiens , même si cela criaille beaucoup ( sept filles et seulement quatre garçons, ce qui déséquilibre un peu les choses) issus de l’Ecole du Théâtre des Teintureries de Lausanne.

Mais on ne remarque vraiment qu’Olivier Magnenat, ses autres camarades ne semblent pas toujours convaincus du bien-fondé de cette entreprise finalement assez prétentieuse,  et on ne peut que leur donner raison, vu la pâleur des personnages imaginés par Rafael Spregelburg. . Et, comme l’auteur a une imagination débordante, on a encore droit à une bonne ration de théâtre dans le théâtre!  Avec l’apparition ponctuelle mais  maladroite d’une metteuse en scène-chorégraphe.

Pas de décor, sinon un canapé transformable vert pâle des années cinquante, pas  de costumes non plus sinon des habits courants: jeans, basket, tee-shirts, etc… Bref,  on l’aura compris, nous ne sommes pas dans la grande métaphore! Ce n’est pas franchement désagréable à regarder du moins pendant une petite demi-heure, mais cela sent un trop l’exercice de style et la présentation ennuyeuse de travaux de fin d’année où il faut bien caser tout le monde, sous l’habillage d’une création de théâtre contemporain …De ce côté là, on est un peu loin du compte!

 

Philippe du Vignal

Représentations données au Théâtre de la Bastille du 22 au 25 octobre.

DEMOCRATIE (S)

DEMOCRATIE (S)  Collectif 12 Mantes la Jolie de Harold Pinter, compagnie La louve aimantée, Jeunes Zé Jolie

Encore une fois,  c’est un tableau juste et terrifiant de notre monde en déroute, brossé par cette compagnie de cinq comédiens venus de différents coins du monde , à partir d’extraits  de Pinter. On assiste aux brutalités insoutenables dans des camps de réfugiés, humiliation d’une femme la main arrachée par un chien, interdiction faite à une vieille femme de parler sa langue alors qu’elle n’en connaît aucune autre, viol d’une  femme par deux hommes en même temps, soirée cynique des grands de ce monde. C’est bien joué par de bons acteurs, jamais schématique ou caricatural. On en sort abasourdi !

Edith Rappoport

 

EST-CE QUE LE MONDE SAIT…?

EST-CE QUE LE MONDE SAIT…?  Collectif 12 Mantes la Jolie  Compagnie Ktha, Festival Jeunes Zé Jolie.

Cette fois, le spectacle se joue dans un container où deux acteurs énoncent toutes les interdictions dont sont victimes les pauvres gens qui cherchent un refuge dans notre égoïste et riche Europe. Au fur et à mesure de ces terrifiantes énonciations, du plafond tombent des mannequins blancs, grands, petits ou minuscules,  symbolisant des dizaines et des dizaines de cadavres  qu’on doit finir par entasser au fond du container. On est saisi par la vérité humaine  de cette compagnie, bien supérieure à celle de Tim Etchells présenté par le Festival d’Automne à la Bastille. Ici, on n’est pas dans le non sense, mais dans la force théâtrale d’une tragédie humaine.

Edith Rappoport

SI CE MONDE VOUS DÉPLAÎT

Si ce monde vous déplaît…. mise en scène de Mirabelle Rousseau

Quatrième édition de cette rencontre de compagnies organisée par le dynamique Collectif 12 où chaque équipe prend en charge le parrainage d’une plus «jeune » au sens économique du terme. Mirabelle Rousseau, en résidence au Collectif 12, qui avait monté un étonnant Turandot de Brecht,  que nous avions vu à Avignon, présente Si ce monde vous déplaît, vous en devriez en voir d’autres. Une sorte de conférence sur la science-fiction en plein air, au milieu d’une grande et splendide friche industrielle en cours de destruction. Il fait frais, on nous distribue des couvertures mais, même bien emmitouflés, nous avons du mal à fixer notre attention sur le discours de l’acteur, au demeurant excellent, tant la présence de cette énorme usine à la dérive est fascinante sous un ciel où des pigeons volent en ligne. Et nous avons perdu la fascination pour Ray Bradbury et la science-fiction que nous avions à dix-huit ans ! Merci tout de même à la compagnie de nous avoir fait faire ce voyage!

Edith Rappoport

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Le père Tralalère

Le père Tralalère, de la compagnie D’ores et déjà, mise en scène de Sylvain Creuzevault.

leperetralaleretheatrefichespectacleune.jpg Le spectacle avait été conçu à Alfortville chez Christian Benedetti pendant l’été 2007.  C’est un peu La Noce chez les petits bourgeois, de nos jours, à partir d’improvisations, sur un thème proposé par Sylvain Creuzevault: la chute des origines ou comment les générations se passent le relais , la chose étant concrétisée par une repas pris en commun, avec une scénographie qui n’est pas sans rappeler celle qu’avait adoptée Antoine Vitez pour son très beau spectacle Catherine d’après Les cloches de Bâle d’Aragon.

  Deux gradins qui se font face, et au milieu une grande table de pin, et sur l’un des petits côtés, un praticable également en pin, avec une trappe. Cela se passe dans une maison au bord de la mer en Bretagne; c’est un repas de mariage; le père ( il n’y a pas de mère) reçoit les amis de sa fille Lise qui se marie avec Léo. Il y a aussi  Samuel, un associé du père, etle frère de la mariée,  un autre couple: Caroline est enceinte, et va  accoucher prochainement… Et un journaliste de télévision , très imbu de lui-même, à la diction trop parfaite et absolument ridicule.  Autour d’ une immense table dépourvue de nappe  des bouteilles de vin rouge , des corbeilles de pain et un vague hors-d’œuvre déjà servi dans les assiettes.
  Les conversations sont d’une banalité à pleurer, d’une justesse absolument cruelle, comme dans n’importe quel repas de fête, où les gens ne se connaissent pas vraiment: on parle  de surfaces d’appartement et de quartiers parisiens, de trajet du TGV, et le père annonce la promotion du jeune Samuel, Lise et Léo annoncent les projets d’ouverture d’un restaurant à thème: l’école primaire par le jeune couple près du cimetière du Père Lachaise. Le projet ,de toute évidence, ne tient pas la route , et va rapidement être fusillé par le père qui  se met en colère et qui refuse de leur avancer l’argent nécessaire.On discute d’argent et d’emprunts. Mais le père leur apprendra peu de temps après autour de la table où ils sont à nouveau réunis qu’il est atteint d’un cancer. Dès lors, il semble prêt à réviser ses positions.

  De temps à autre, les jeunes mariés s’échappent discrètement pour aller se mettre nus et faire l’amour sur le praticable devant tout le monde. La joyeuse bande chante aussi une petite comptine: Pirouette, cacahuète…. comme pour conjurer la mort du père à la fois souhaitée et redoutée, et le marié entonne   un air d’opéra. Mais il y a déjà du divorce dans l’air…
 La bande de jeunes comédiens qui se connaissent depuis longtemps fait ici un travail remarquable; ils sont  tous parfaitement crédibles  à la fois dans l’oralité et dans une gestuelle des plus élaborées, même si elle peut paraître « naturelle » et la direction  de Sylvain Creuzevault est impeccable et tout à fait rare chez une jeune metteur en scène; ils sont tous  à l’aise dans ce dispositif qui présente des risques évidents, puisque le moindre erreur de jeu est ici visible. Il y a bien parfois un peu de brouhaha et  suivant l’endroit des gradins où l’on se trouve, on n’entend pas toujours bien  ce qui se dit, alors que, de l’autre côté les spectateurs rient déjà. Et la fin patine: une petite coupe d’une douzaine de minutes ne serait pas un luxe, mais quelle intelligence de la chose théâtrale, quelle humilité dans le jeu! . Avec  la reprise de ce spectacle et la création dans ce même théâtre de la Colline de Notre Terreur, Sylvain Creuzevault et son équipe entrent dans la cour des grands. Alors à voir? Oui, ce serait dommage de rater un spectacle de cette dimension.

Philippe du Vignal

Théâtre national de la Colline jusqu’au 31 octobre, et ensuite au Théâtre du Nord du 5 au 15 novembre.

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