Un automne à tisser
Un automne à tisser
Le Théâtre de l’Epée de Bois, à la Cartoucherie de Vincennes offre ses trois magnifique lieux: salle en pierre, salle boisée, salle studio et son chaleureux cabaret, à Alain Batis et Stanislas Grassian, avec le soutien fraternel de Jean-Claude Penchenat, pour des rencontres de théâtre originales. Ainsi, les metteurs en scène refusent la fuite en avant et le devoir de nouveauté à tout prix. Alain Batis reprend avec bonheur son réjouissant et terrible Yaacobi et Leidental d’Hanokh Levin. Cette quête du bonheur violente, digne mais pitoyable d’une femme aux aspirations élevées vers la musique, d’un homme fasciné par la chair appétissante de la pauvre idéaliste et de son ami qui se voue lui-même à l’esclavage (tout vaut mieux que rien) reste bien la nôtre. Et cela nous autorise à en rire. Stanislas Grassian, lui, reprend Le Songe de l’oncle, d’après Dostoïevski.
Et ils ont invité Nikson Pitaqaj pour une adaptation de Crime et châtiment qui doit retenir l’attention : le metteur en scène et sa troupe de quinze acteurs ont choisi de donner toute sa place au roman avec ce long spectacle en deux parties. Mais le plus intéressant ici est l’utilisation de l’espace: de petites «mansions» sur des praticables, dessinent les espaces clos du débat privé. Raskolnokov, seul dans sa chambre ou visité par la juge Porfiri, le cabinet de celle-ci (le metteur en scène y voit la part féminine de Raskolnikov en guerre avec lui-même), la chambre de la prostituée, le cabaret… L’immense scène est traversée d’une diagonale figurant la rue. Les cheminements répétés, sans cesse retracés, la “qualité de marche“ de chaque personnage donneraient presque à eux seuls, l’épaisseur du roman. À voir, si ce Crime et châtiment passe près de chez vous…
À voir aussi Sentier de dépendance, de Marie de Beaumont. Une comédie rose et noire, le portrait piquant d’une charmante innocente qui raconte ses amours ratées (Marie Delmarès) avec une satire vive et drôle des mœurs des « cultureux » et autres artistes nombrilistes mais c’est tellement beau d’être une muse. L’autrice-metteuse en scène et la comédienne ont choisi la légèreté : elle danse sa vie, en tutu noir, appuyée par les notes d’une guitare très douce, avec courage, séduction et humilité. Et peu à peu aussi avec pudeur –presque trop, parfois- on en arrive à l’essentiel explicité par ce drôle de titre… Ne se trompe-t-on pas de vie, en passant et en repassant par des sentiers qu’on a soi-même tracés peut-être mais qui ne sont pas les bons, qui ne sont pas soi ? Le temps du spectacle, la chenille ne devient pas papillon, elle l’était déjà. Mais le papillon découvre qu’il peut se poser ailleurs…
Christine Friedel
Les deux spectacles : jusqu’au 18 octobre.
Jusqu’au 4 octobre, le spectacle sera repris du 23 février au 14 mars au Lucernaire à Paris ( VI ème).
Le festival continue jusqu’au 1er novembre.