Nathan le sage

Nathan le sage
Tous trois sont bons, généreux, en quête de loyale amitié : Nathan, le riche marchant juif, Saladin , le sultan raffiné ruiné par ses propres  charités, le templier gracié par le dit sultan pour sa touchante ressemblance avec un frère disparu… Chacun, juif, musulman, chrétien, tient à sa religion fille d’Abraham, mais plus encore à l’amitié et à la loyauté. Ce devrait être un hymne angélique à l’harmonie, ça ne l’est pas, grâce au caractère emporté du jeune premier, au sectarisme du patriarche chrétien qui fulmine qu’il faut « brûler le juif », pour avoir élevé comme sienne et dans sa religion une orpheline chrétienne qui se trouve avoir un oncle musulman…

  Ne cherchez pas, l’histoire est totalement invraisemblable, à la manière des dénouements de Molière qui font s’exclamer : ah ! mon père ! Ah, ma fille ! Mais on ne la suit pas avec moins d’intérêt : comme dans la tragédie, bien que ce soit tout sauf une tragédie, on devine la fin et on se passionne pour le chemin qui va y mener. Le triomphe de la sagesse, de la tolérance ! Il fallait bien que Lessing plaçât ce moment de grâce, inspiré de l’histoire des trois anneaux de Boccace – les trois religions monothéistes, aussi « vraie » l’une que l’autre – durant une trêve de la troisième croisade : la trêve, comme seule utopie d’une guerre sans fin…
Laurent Hattat transpose sans difficulté cette pièce des Lumières sur la scène d’aujourd’hui : le théâtre comme lieu d’utopie, où l’on a l’espace pour faire bouger de petites choses dans les comportements, et en tout cas chasser des esprits que la guerre serait “naturelle“ entre les trois religions du monothéisme. Avant la religion, l’homme, avant la vérité, la fraternité. Oui, on peut faire du bon théâtre avec de bons sentiments, surtout avec des acteurs comme ceux-là. Avec un coup de chapeau particulier à Daniel Delabesse en sage aimant, inquiet et prudent.


Christine Friedel

 

Reprise au théâtre de la Commune d’Aubervilliers jusqu’au 24 octobre.


Archive pour 19 octobre, 2009

Darwich

Darwich, deux textes

Ici, pas moyen d’échapper à l’acteur, ni à la poésie. La très belle cave en pierre taillée, la petite salle de la Maison de la poésie place le public non devant un spectacle – il n’y a pas de “recul“-  mais dans une intimité qui transgresse  le dispositif théâtral. Le Discours de l’Indien rouge évoque précisément les grands espaces de l’Amérique fermés, volés aux Amérindiens, réduits à la taille d’une tombe. Et la tombe se révèle creuset de vie et d’espoir. Mohamed Rouabhi nous dit le poème en face, et en confidence, sans se déguiser en Indien : il ne s’agit pas de se mettre à sa place, ce qui serait la prendre, mais de parler pour lui, ou plutôt de le laisser parler en soi-même par le poème, pour tous les dépossédés de leur terre, de leur identité.

  Pour le second texte, Mohamed Rouabhi met en scène une chambre dans les bombardements de Beyrouth. La guerre est la même pour tous, poète ou non, et la révolte : je ne veux pas mourir comme ça, broyé par du béton écroulé ; dehors, au moins, en pleine rue, en plein soleil. J’ai besoin d’une tasse de café, d’une cigarette et de mon journal, même si je connais mieux que lui les nouvelles de Beyrouth. Un hymne à la vie au présent, avec l’humour cynique du réel – le courant électrique qui lâche et revient inopinément -, avec tout le vaste monde au-delà de la petite chambre.

  Mahmoud Darwich, le grand poète palestinien mort en 2008 aux États-Unis, n’a rien d’un poète en chambre ni d’un écrivain voyageur : le monde, pour lui, c’est l’exil. Mais un exil d’où il tire toute la fraternité possible, et toute la colère contre l’injustice. On peut regarder sur internet les images qu’ Ernest Pignon-Ernest  a posées de lui en Palestine au moment du retour de son corps, les images d’un poète vivant dans les ruines, vivant au monde.
Christine Friedel

Darwich, deux textes
 Discours de l’Indien rouge et Une mémoire pour l’oubli, à la Maison de la Poésie 
du 7 octobre au 22 novembre 2009
 Mise en scène, Scénographie et jeu Mohamed Rouabhi
 Mahmoud Darwich est publié aux éditions de Minuit et chez Actes Sud. Dernier recueil : Je ne veux pas de fin à ce poème.

 

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