Darwich
Darwich, deux textes
Ici, pas moyen d’échapper à l’acteur, ni à la poésie. La très belle cave en pierre taillée, la petite salle de la Maison de la poésie place le public non devant un spectacle – il n’y a pas de “recul“- mais dans une intimité qui transgresse le dispositif théâtral. Le Discours de l’Indien rouge évoque précisément les grands espaces de l’Amérique fermés, volés aux Amérindiens, réduits à la taille d’une tombe. Et la tombe se révèle creuset de vie et d’espoir. Mohamed Rouabhi nous dit le poème en face, et en confidence, sans se déguiser en Indien : il ne s’agit pas de se mettre à sa place, ce qui serait la prendre, mais de parler pour lui, ou plutôt de le laisser parler en soi-même par le poème, pour tous les dépossédés de leur terre, de leur identité.
Pour le second texte, Mohamed Rouabhi met en scène une chambre dans les bombardements de Beyrouth. La guerre est la même pour tous, poète ou non, et la révolte : je ne veux pas mourir comme ça, broyé par du béton écroulé ; dehors, au moins, en pleine rue, en plein soleil. J’ai besoin d’une tasse de café, d’une cigarette et de mon journal, même si je connais mieux que lui les nouvelles de Beyrouth. Un hymne à la vie au présent, avec l’humour cynique du réel – le courant électrique qui lâche et revient inopinément -, avec tout le vaste monde au-delà de la petite chambre.
Mahmoud Darwich, le grand poète palestinien mort en 2008 aux États-Unis, n’a rien d’un poète en chambre ni d’un écrivain voyageur : le monde, pour lui, c’est l’exil. Mais un exil d’où il tire toute la fraternité possible, et toute la colère contre l’injustice. On peut regarder sur internet les images qu’ Ernest Pignon-Ernest a posées de lui en Palestine au moment du retour de son corps, les images d’un poète vivant dans les ruines, vivant au monde.
Christine Friedel
Darwich, deux textes Discours de l’Indien rouge et Une mémoire pour l’oubli, à la Maison de la Poésie du 7 octobre au 22 novembre 2009 Mise en scène, Scénographie et jeu Mohamed Rouabhi Mahmoud Darwich est publié aux éditions de Minuit et chez Actes Sud. Dernier recueil : Je ne veux pas de fin à ce poème.